MOSTAFA ASSADEDDINE

UN ARTISTE ANCRE DANS « SA » TRADITION ET NEANMOINS HORS DU TEMPS.

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                Vivant à Essaouira, village à vocation agricole et port de pêche, carrefour des grandes religions implantées aux côtés d’autres plus intimistes et coutumières ; Mostafa Assadeddine a su demeurer indifférent aux mutations sociales et artistiques issues de tous les horizons ; trouver dans les profondeurs de son environnement séculaire, un langage pictural inspiré de la culture vaudoue, qui constitue la forme, le fond et l’esprit de ses œuvres. Ainsi, chacun de ses personnages, homme hiératique ou femme compassée, assis comme sur un trône, est-il, dans sa silhouette, d’apparence tout à fait « normale »… Mais ses bras sont des serpents, sa cravate ou son nez sont des poissons… Ce qui n’empêche pas une femme de tenir un chat blotti dans son giron ; un homme de jouer de la guitare ; un autre de laisser sur ses genoux se percher des oiseaux… Tranquille association du quotidien et du fantasme personnel de l’artiste ? Illusion ! Car, dans les cheveux indisciplinés ou la calotte de celui-ci, dans le bas du visage d’un autre, dans les replis de son sarouel… se logent des êtres minuscules, dont la présence sans logique apparente, perturbe consciemment ou non le spectateur. Pris au dépourvu, celui-ci se demande si ces sortes d’incubes insérés de façon apparemment aléatoire dans le bel ordonnancement du tableau, ont vocation pernicieuse, ou au contraire celle d’étendre sur la scène, leur protection tutélaire ? D’autant, qu’à considérer les larges yeux vitreux de l’individu central il se rend vite compte que ce personnage ne le regarde pas, qu’il est totalement introverti, plongé dans « SON » monde étrange et éminemment secret.

                Pas de contexte, d’ailleurs, susceptible de situer les individus nés sous le pinceau de Mostafa Assadeddine : ses personnages sont placés (et c’est sans doute cette récurrence qui le rapproche des peintres du Saint-Soleil ou de l’Art brut) à l’avant-plan d’une multitude d’entrelacs imperceptibles, infimes ponctuations, géométries ténues, zoomorphies miniaturisées…

                Tous éléments qui confirment, au fil du temps, que l’artiste a préservé son identité culturelle, son intense créativité originale, son inspiration issue d’un quotidien ancestral revisité… Qu’il a généré, en somme, hors de toute orthodoxie et de tout apport allogène, un univers pictural mystique, à la fois posé et exubérant. Richement coloré aussi, de sorte qu’à l’instar de ce qu’écrivait Cérès Franco à propos de Chaïbia, il puisse être défini comme celui « qui fait chanter les couleurs du Maroc ».

Jeanine Rivais.

CE TEXTE A ETE ECRIT EN 2008, POUR LE CATALOGUE "BANN'ART ART SINGULIER, ART D'AUJOURD'HUI.