Grégy le 16 mai 1996.

                       Chère Cérès ;

     Les amis qui célèbrent tes 70 ans -combien d’autres courant le monde ne peuvent être présents ?- ignorent sous quelles latitudes tu as fêté les dizaines exactes de tes précédents anniversaires ? Mais tous sont sûrs d’une chose : Chaque décennie a enrichi ton imaginaire artistique généré par l’univers coloré de tes lointains horizons sud-américains ! Il s’est poursuivi et affirmé sans équivoque depuis les années 60 lorsque, avec le titre de Membre du Jury de la Triennale de Bratislava, puis de Commissaire de la sélection brésilienne, tu as organisé des expositions dans les Pays de l’Est et à travers l’Europe. Déjà, tu donnais à des artistes totalement inconnus, leurs lettres de noblesse ! En effet, qui éprouvait alors pour l’Art naïf, l’Art insitic... autre chose qu’un brin de commisération ?

   Parallèlement, tu t’es définitivement installée en France. S’est alors ouverte la longue litanie des artistes qui ont eu la chance de te rencontrer : Les Corneille, Macréau, Rustin, Grinberg, etc. sont apparus sur les murs des divers lieux où tu promenais tes coups de coeur. Tu les as enfin installés sur les cimaises de cet invraisemblable endroit baptisé “Oeil-de-Boeuf”, véritable entité sculpturo-picturale, synonyme d’avant-garde hors-les-normes ! Et depuis lors, les mots Cérès Franco et Oeil-de-Boeuf sont devenus aussi inséparables que des siamois!

   Depuis 35 ans, à travers toutes les galères, contre et en-dehors de toutes les modes, tu défends “tes” artistes. Bien souvent, d’ailleurs, ils ne sont entrés dans “tel” mouvement qu’après t’avoir côtoyée : Ainsi te plaignais-tu récemment que des gens soient venus au fil des années, te demander tableaux et sculptures appartenant à ... la Nouvelle Figuration... à l’Art-ceci... à l’Art-cela : Pure aberration, car bien avant que les marchands du Temple ne les aient convoitées, ces oeuvres t’avaient provoquée, et tu les avais défendues bec et ongles, sans souci d’étiquette !

   Dernièrement, tu as rendu à tous ces plasticiens parfois ingrats et oublieux, plus souvent reconnaissants et fidèles, qui ont fait un bout de chemin ou égrené avec toi jusqu’à ce jour, le passage du temps, le plus important hommage dont ils pouvaient rêver : Tu as créé pour eux un musée à Lagrasse, dans l'Aude !

   Nous sommes certains que ce nouveau lieu sera bientôt trop exigu pour “contenir” les talents qu’avec ta pugnacité légendaire, tu ne manqueras pas de découvrir.

   En attendant, pour aujourd’hui, fais une petite pause ! Bon anniversaire, chère Cérès, joyeux 70 ans ! Rendez-vous en l'an 2006, pour attaquer, tous réunis de nouveau autour de toi, avec autant de plaisir et de sincère amitié, la décennie suivante.

Ce texte a été publié dans le N° 58 de septembre 1996, du BULLETIN DE L'ASSOCIATION LES AMIS DE FRANCOIS OZENDA.