Fils d'ouvrier agricole, Gustave CAHOREAU naît le 16 août 1929 à Neau en Mayenne. De son court passage à l'école communale, il ne garde aucun souvenir excepté celui du dessin : « J'étais champion ! ». Il a dix ans lorsque la Seconde Guerre mondiale éclate ; elle le traumatisera durablement. Dès l'âge de treize ans, il est placé comme domestique dans les fermes de la région, emploi qu'il occupera toute sa vie. En 1963, son père meurt accidentellement. C'est à cette période qu'il commence à ramasser et sculpter des pierres et des racines. Il approche alors de la quarantaine et la nécessité de créer ne le quittera plus.
Au printemps 1986, Madeleine Lommel et Michel Nedjar, fondateurs de la collection d'art brut L'Aracine lui rendent visite. Ce sera le début de la reconnaissance du travail de Gustave par les musées d'art brut en France, mais aussi en Suisse.
En 1998, Gustave entre à la maison de retraite d'Évron (53). Il lui est de plus en plus difficile de sculpter le bois. Il va alors se lancer dans le dessin. Gustave décède le 16 octobre 2022.
Michel Leroux, septembre 2024
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En fait, Les étapes de la création de Gustave Cahoreau ont toujours été provoquées par des circonstances extérieures, alors que rien ne destinait cet homme, ouvrier à vie dans des fermes, à devenir un artiste reconnu dans tous les lieux préoccupés de marginalité. Son enfance maladive, le traumatisme de la guerre et les aléas des travaux chez des fermiers pas toujours compatissants l’avaient fragilisé, et lorsque, la quarantaine venue, son père meurt accidentellement, écrasé par une charrette de foin, il lui faut trouver un dérivatif : ce sera la recherche de cailloux qu’il se met à sculpter, et de racines dont les formes souvent évocatrices lui permettent d’imaginer des êtres étranges ! Malheureusement, raconte Gustave, « Quand mon patron a vu ça, y m’a tapé……j’ai pleuré » !
Bien que n’ayant presque jamais fréquenté l’école, son instituteur lui fait un jour cadeau d’un livre de sculptures nègres. Et comme il est enfin chez un bon patron, il peut se mettre à travailler le bois. Commence alors une succession de récupérations d’objets ruraux, chevrons, segments d’outils… A partir desquels il va créer des totems aux lourds visages taillés dans la masse, les yeux gravés à peine, mais le nez et la bouche en relief ; des animaux ; des profils humanoïdes…, dont L’Aracine dira : « Paraissant tous semblables dans leur extrême simplicité, chacun pourtant porte sa différence. Autant de Dieux qui veillent dans le silence et la solitude de ce petit homme frêle et timide ». C’est qu’en effet, si tous sont sciés et découpés, la réalité transparaît toujours : le ventre de l’ourse en train de fureter s’arrondit jusqu’au sol ; les caractères négroïdes de la femme sont indubitables, le berger se dresse entre ses échasses ; le chapeau plat à visière orne bien des têtes masculines. Et des portraits sont rendus plus vivants par des surlignages des détails avec des couleurs ocre plus claires.

Plus tard, Gustave Cahoreau en vient aux dessins, polychromes en couleurs douces, au pastel, au feutre ou au crayon de couleur. La figure africaine féminine y est récurrente, ornée d’un lourd chignon, les lèvres modelées, le nez camus, les yeux cernés de plusieurs lignes courbes, à la manière d’un masque. Parfois Gustave part en ville, peut-être, et son personnage masculin a de grosses lunettes fantaisie et porte chapeau claque sur lequel se succèdent des bandes de lettres ou signes cabalistiques. Et toujours, chez lui qui ne sait pas écrire, figure sa signature apposée en cursive très penchée ou en lettres détachées en script ; attestant ainsi qu’il est fier ou content de son œuvre et qu’en revendiquer la paternité lui paraît essentiel.
Ce petit paysan devenu un créateur dont les dessins ou les sculptures se reconnaissent entre mille, interné dans une maison de retraite a eu de plus en plus de mal à continuer son œuvre, et s’est éteint doucement à 93 ans, mais pas avant que Michel Leroux, Madeleine Lommel et Michel Nedjar n’aient fait de lui un artiste international.
Ainsi, de copies presque conformes en infléchissements progressifs vers des créations de plus en plus personnelles ; le champ pris au fil du temps par rapport aux totems qui perpétuent la tradition alors qu’il crée des êtres dégagés de toute connotation temporelle, sociale ou sociologique ; la force et la sincérité de ses propos sont autant de gages qui ont faut de l’œuvre de Gustave Cahoreau une création profonde, authentique et originale.
Jeanine RIVAIS