LES BOIS ENCHANTES DE PIERRE RAPAUD
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Lorsque, lassé de la grand'route, le voyageur se coule, à hauteur de Nontron, le long des petites voies sinueuses du Périgord vert, lacées entre étangs et bois de châtaigniers, il entre bientôt dans l'univers de Pierre Rapaud. Région prédestinée, puisque l'histoire dit qu'en 1640, une jacquerie fit pendre à ces arbres de nombreux paysans ; que contes et légendes s'attachent à ces lieux humides ; et que bien des habitants les racontent dans une variante limousine de l'occitan !
Rien d'étonnant, donc, qu'un jour de grand mal de vivre, Pierre Rapaud, petit‑fils d'une paysanne imprégnée de cette culture, nourri jusqu'à quinze ans de ce bon air chargé de mémoire et de mystère, y soit littéralement parti à la recherche de ses racines ! Se soit mis d'emblée à l'unisson d'une flore et d'une faune étonnantes ; en ait, rôdant parmi elles, éprouvé la magie ! Ait retrouvé le rôle protecteur de ces immenses châtaigniers dont le bois réchauffe les corps et les fruits fournissent depuis toujours la farine !
Sur les troncs de ces arbres qui lui rendaient sa paix intérieure, il a commencé à écrire des vers ! Puis il a peint ! Et c'est là que sa démarche est surprenante : non pas par son côté inventif, puisque la plupart des peintures sont très rudimentaires ; mais par la façon dont le créateur est entré en symbiose avec la nature : pour chaque arbre, une manière différente et néanmoins semblable de s'exprimer : ici, de grandes coulures violacées le disputant à la mousse ; là un œil prenant la place d'un trou creusé par un pivert ; là encore, un nez ou une tête ; une bouche énorme surlignant les reliefs d'une loupe qui bosselle une fourche de branches basses ; ailleurs, des "flammes" rouges et or, incendiant les cicatrices d'une cassure due au vent où à l'âge ; ou des animaux stylisés, qui jalonnaient les contes de son enfance et hantent peut-être encore les sous-bois difficilement pénétrables. Parfois, le côté ludique prend le dessus, et ce sont d'immenses moustaches faites de branches souples qui partent d'une fente et se fondent dans les ronces environnantes ! Sont présents également nymphes, ailes éployées, et sylvains prenant des poses, aux yeux durs fixés vers l'intrus et visages mangés de barbe, etc.
Ainsi, perdu dans ses bois, Pierre Rapaud a-t-il picturalement recréé une mythologie toute personnelle. Et il est remarquable de constater que jamais ses créations ne défigurent le paysage ! Il semble, au contraire, au visiteur lancé sur ce jeu de piste tellement original, qu'il soit impossible désormais de les dissocier des entrelacs des branches voisines, des jeux de soleil dans les feuillages : qu'elles appartiennent définitivement à la forêt !
Il s'agit donc bien, pour l'homme tourmenté devenu artiste par besoin de se ressourcer, d'un voyage initiatique. Et, si quelqu'un doutait de sa sincérité, il n'est que de connaître son "impossibilité" à créer "ailleurs" que dans "ses" bois, les autres fussent-ils aussi accueillants, les troncs aussi typiques, etc. N'est-ce pas la meilleure preuve de sa profonde implication pour un environnement mythique, et une culture populaire tellement vivace qu'elle met sous le charme quiconque est un jour tenté de la pénétrer !
Jeanine Rivais
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PIERRE RAPAUD : Peintures sur paysages, région d'ABJAT SUR BANDIAT, (24300). Prendre le plan au syndicat d'initiative.