Il est rarissime, à notre époque de grand mercantilisme, de valeurs galvaudées et d’autosatisfaction à fleur de pinceau, de rencontrer une artiste authentiquement sincère et exigeante. Tel est pourtant le cas de Françoise Humbert qui dessine depuis toujours et se consacre depuis quelques années à plein temps, à sa création. Et qui, néanmoins, n’a jamais exposé ses œuvres. Car, orgueil ou modestie, l’artiste n’imagine pas de les soumettre à l’opinion d’étrangers qui pourraient réagir négativement et la blesser ! Pourtant, cette autodidacte (trop indépendante pour s’être soumise à des apprentissages) a une production énorme, pour le plus grand plaisir de son entourage dont les murs s’ornent à l’envi de ses paysages et de ses animaux familiers.
Et, jour après jour, dans l’intimité et le secret de sa maison, Françoise Humbert voyage "de par le monde". Sans jamais se laisser emporter par la fantasmagorie. Elle s’appuie, au contraire, sur des photos qui frappent son imaginaire, et peint tour à tour des paysages africains, des palais yéménites, des villages portugais, des vignobles vaudois… Puis, tel le voyageur lassé d’avoir couru, elle "revient" dans son jardin, en dessine les arbres sous tous les angles possibles et en toutes saisons ; saisit la course de ses chats au milieu des parterres de fleurs ; s’attarde sur la quiétude d’un massif au soleil matinal, etc. Comme si transposer son univers familier suffisait à son bonheur, et qu’elle n’ait plus envie de le quitter… Mais il suffira d’une belle photographie pour l’entraîner de nouveau : Voyages, en somme, autour d’elle-même et de son jardin, dirait le poète.
Ainsi ont pris corps un nombre infini de paysages au cours desquels Françoise Humbert manifeste son extrême fidélité au sujet originel ; tout en ajoutant quelque chose d’elle-même. Sa touche personnelle. De sorte qu’une fois terminé, quel que soit le thème abordé, se dégage du tableau une impression de calme et de sérénité ; une grande harmonie que rien ne semble devoir troubler.
Bien que peignant parfois, surtout des aquarelles, son goût la porte plutôt vers les dessins aux pastels gras qui s’écrasent sur le papier ; simplifient les lignes et suppriment tout angle dur ; confirment l’harmonie évoquée plus haut et posent comme des évidences, les éléments de ses paysages.
D’autant que Françoise Humbert est une très bonne coloriste. Et que, parmi les teintes atténuées du fait de la friabilité du crayon, elle sait avec talent glisser ici une touche de rouge, là une infime pointe de bleu… pour que le tableau chante ! Comme chante cette œuvre plaisante dans laquelle, à l’instar de la plupart des œuvres naïves, se retrouvent la précision, le goût du travail bien fait, une facture un peu rétro des atmosphères d’autrefois.
Et la peintre, heureuse dans son jardin clos comme en un cocon protecteur, traduit sans relâche les multiples impressions ressenties ; rend compte de cette intimité ; s’en échappe parfois brièvement pour une petite bouffée d’exotisme ; pour le plaisir pur d’aller « ailleurs ». En parfaite osmose, toujours, avec cette création qui illumine sa vie, la calme dans les moments difficiles, constitue en fait son journal en images… N’est-ce pas là une belle leçon de bonheur.
Jeanine RIVAIS
CE TEXTE A ETE PUBLIE DANS LE N° 75 TOME 1 D'AOUT 2004 DU BULLETIN DE L'ASSOCIATION LES AMIS DE FRANCOIS OZENDA.