MUTATIONS CHEZ LES ALLOCHTONES D’ EVELYNE POSTIC ?

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L'arbre à palabres
L'arbre à palabres

            Mais qu’est-il donc arrivé aux personnages d’Evelyne Postic ; ces étranges nomades d’allure généralement humanoïde, menant des vies tribales, dans des milieux aquatico-terrestres à la sylve exubérante ; mêlant les violines et verts glauques de leurs anatomies aux bleus azuréens des ciels qui dominaient leurs lieux de vie ? Ont-ils, comme il apparaissait alors, succombé aux peurs ataviques contre lesquelles ils semblaient lutter ? Ou bien l’artiste, en délaissant ses pinceaux pour l’encre ou le crayon, a-t-elle  découvert » de nouvelles ethnies ?

            Quelle que soit la réponse, les créatures récentes, issues de son imaginaire, sont carrément différentes des précédentes. Leur habitat également. A se demander si, en « mutant » elle-même de la couleur au noir et blanc, avec ce travail très stylisé, miniaturisé, elle n’a pas relu les « Contes des mille et une nuits », visité Manhattan, exploré le Moyen-âge ?... Car certains individus vivent dans des palais mauresques aux toits finement décorés, au-dessus desquels ils lévitent dans des barques primitives… Ailleurs, « Grand Central » côtoie « Manathamara ». Tandis que les frontons de ce qui semble être des cathédrales, s’ornent de scènes minuscules, de vitraux gothiques et de monstrueuses gargouilles courant sur les murailles…

La bestiole qui pète
La bestiole qui pète

Cependant, la majorité des œuvres actuelles d’Evelyne Postic, est moins anecdotique que la précédente, et plus animalière. Plus rigoureuse, aussi, dans sa précision d’entomologiste. Et surtout, le grégarisme des créatures de naguère, a totalement disparu. Dépourvu d’habitacle original, chaque « individu » de son surprenant bestiaire est placé dans un rectangle indépendant des autres. Comme ceux que l’on trouve épinglés et étiquetés dans les Muséums d’histoire naturelle. Comme si l’artiste avait fait le tour des animaux fabuleux dont son enfance a pu rêver : rats énormes aux dents menaçantes et pattes griffues… lézards géants à tête ovoïde bardée d’ergots, aux écailles finement soudées, aux énormes pores fémoraux… griffons, toutes antennes dressées, gueule ouverte, semblant menacer un ennemi invisible… papillons aux ocelles spiralées, aux palpes/fleurs terminés par des vibrisses qui, telles des dentelles, leur confèrent gracieuseté, délicatesse et majesté… oiseaux dressés, tête coiffée d’une excroissance aplatie, au bec vermiculé… animaux enfin, de forme indéfinie, dotés de barbillons/fleurs, au corps extrémal et pattes inégales dans leur finesse surprenante, etc. Toutes ces « espèces » figées pour l’éternité dans leurs attitudes familières.

Un matin de preintemps
Un matin de preintemps

Alors, est-il question d’un « autre » monde ? Du même monde retrouvé après des millénaires de mutations ? Ou pourrait-il s’agir des vestiges exhumés d’animaux antédiluviens, surpris en plein élan de vie par quelque cataclysme ? Peut-être Evelyne Postic a-t-elle la réponse, qui les définit de façons très quotidiennes : « Homme-cerveau », « La bestiole », « La chose », « Enveloppeuse »… ? Mais, pour le visiteur l’énigme reste entière.

Néanmoins, vivants ou fossilisés, elle a longuement fleuronné ces êtres, d’étoiles ou folioles minuscules, les a incrustés d’infimes guillochures, piquetés de graciles vermiculures, ponctués de microscopiques pointillés, générant sur certains une sorte de velouté qui pourrait aller à l’encontre de l’idée de « fossiles »…?

La dévoreuse d'homme
La dévoreuse d'homme

Quoi qu’il en soit, tant de soin apporté à ornementer ses personnages, tant d’heures à l’évidence passées dans une proximité harmonieuse, une imagination enflammée, une fantasmagorie débridée, font que les dessins d’Evelyne Postic génèrent la même surprise que ses précédents allochtones, témoignent de la même quête, d’un même espoir de percer les secrets de la vie dans des mondes inexplorés, créant subséquemment les épisodes d’un captivant récit d'aventure et d'amour. Créant également et surtout, une œuvre pleine de cohérence, de vitalité, d’une facture à la fois mystérieuse et déterminée, avec pour constantes, authenticité, force créative. Et beauté.

                                                                          Jeanine Rivais.

CE TEXTE A ETE PUBLIE DANS LE CATALOGUE DE L'ARTISTE INTITULE "LES PLIS DE LA MEMOIRE", EN 2009.

Un nuage adoucit le ciel
Un nuage adoucit le ciel