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Le promeneur qui, de loin, observe des gens étendus sur la plage, voit une infinité de taches claires, dans des orientations diverses, séparées par des bandes de couleurs brunes. Traduire cette impression d’étalement ou de cloisonnement est, -après un temps consacré à des toiles abstraites-, devenu la préoccupation de Myriam Tangi : l’artiste a ressenti le besoin d’introduire dans ses œuvres, le mouvement. Et la plage lui a permis de faire basculer verticalement et horizontalement les figures humaines ; conjuguer ou opposer leurs positions, leurs nudités ; à travers l’anonymat, l’impudicité de ces corps sans visages étalés sur le sable, créer à son tour un monde de couleurs et de taches.
Mais, dans le même temps, elle “introduit” la mer, et tout bascule de nouveau : l’eau même confinée à la limite du tableau, crée immédiatement une tension. Finalement, par l’imbrication des corps et des décors, des surfaces et des perspectives, les plages supposées être lieux de vie et de joie, deviennent chez Myriam Tangi, des lieux paradoxaux, huis clos aux couleurs douteuses, côte-à-côte-tête-à-tête de personnes physiquement proches, symboliquement isolées sur leur territoire, privées de leurs singularités, prisonnières entre les bandes de “sable” : seules et gisantes, en somme, dans une proximité, une délitescence comparables aux postures hétéroclites des momies dans les catacombes !
Cette impression morbide est renforcée par les contours flous des personnages, parfois fondus dans le décor, résultante d’un travail de l’artiste, à la fois spontané et longuement élaboré, sur la matière picturale : elle projette, mélange, revient en frottis sur des couleurs “sales”, joue des grandes masses colorées avortées dans des coulées déliquescentes, superpose mats et glacis, suggère des transparences et des frémissements de la peinture, de façon à ne garder que l’indispensable lui permettant de silhouetter ses personnages, les plonger dans ce qui était son idée de départ : l’indicible solitude de l’individu perdu dans la foule d’une plage.
Finalement angoissant, est pour le visiteur, le monde aux couleurs de terre de Myriam Tangi qui renforce son jeu psychologico-pictural en peignant un cadre à l'intérieur-même de la toile : Rien d'étonnant, donc, à ce que, parfois, l'un des personnages soit incomplet, comme s'il avait tenté en vain d'échapper à cet enfermement, communiquer avec le monde extérieur, happer une goulée d'air du large apportée par une mer qui deviendrait complice et non plus effrayante !
Jeanine RIVAIS
CE TEXTE A ETE ECRIT EN 1998.
VOIR AUSSI : "Myriam Tangi poète" : http;//jeaninerivais.jimdo.com/ Rubrique POETES