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Vivre, pour un artiste, n'a jamais été de tout repos ! S'installer "dans ses meubles" lui est souvent psychologiquement difficile, matériellement impossible. Alors, sont apparues -en Région parisienne surtout- d'étranges communautés d'envahisseurs, dans des usines désaffectées, des immeubles voués au marteau-piqueur. Situations précaires, parfois génératrices de démarches fort intéressantes, comme celle de l'Atelier de paille (5, Passage paillé, à Clichy).
A la mi-juin, fêtant leur dernier été en ce lieu, les artistes "squatters", dont la plupart se situent "hors-les-normes", ont présenté une série de films-vidéos sur la Fabuloserie de Dicy, où est réapparue toute la magie de l'Art brut : "Turbulents" d'Alain Bourbonnais, son créateur ; manège du Petit Pierre, articles de bois d'Emile Ratier, poupées de Simone Le Carré-Galimard, etc.
Le visiteur a pu également errer en liberté dans les ateliers de :
Claude Place, inventeur d'"images et de rêves solidifiés", d'étranges poupées enfermées dans des oripeaux, des cages, de boîtes ; rêves solidifiés peut-être, emprisonnés sûrement.
Battista Antunès, artiste de la Neuve Invention de Lausanne : peintures de l'urgence, portant à l'image des tapisseries d'Afrique Noire, une foule d'animaux, de personnages groupés autour d'un arbre symbolique. Le tout serré, au coude à tête, grouillant de vie et de couleur.
Joseph Kurhajec dont l'imagination fétichiste couvre les étagères d'animaux inquiétants (rats, chiens, éléphants…), porteurs de poils authentiques et de grigris (têtes d'oiseaux, becs…) qui, s'ils sont en argile, n'en sont pas moins très provocateurs.
René Strubel, dont les croix potencées ont envahi les murs, supportant des Christs faits de tiges de métal, de morceaux de plâtre couverts de lambeaux de jute, enduits d'une peinture grise ou marron : vraiment, ces Christs-là portent bien toute la misère du monde !
Des troupes de théâtre (Compagnie à Fleur de peau, Groupe vent du théâtre, Art-Réaction, etc.) présentent leurs spectacles dans "ce lieu de rencontres, de rapprochement avec le visiteur".
L'Atelier de paille Paillé brûlera tout l'été de ses derniers… feux de paille ! Précaire, la situation de ces artistes ? "A la rentrée", les bulldozers démoliront leurs lieux de travail et de vie ; à moins qu'un "nouveau retard" des promoteurs immobiliers ne donne à ces intrus un "nouveau répit" !
Jeanine RIVAIS
CE TEXTE A ETE PUBLIE DANS LE N°34 DE NOVEMBRE 1993 DE LA REVUE IDEART.