ARMAND AVRIL : RELIEFS ET PEINTURES RECENTES
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Le peintre Armand Avril de naguère, créant “entre impressionnisme d’après la Libération et un expressionnisme original relevant des traditions populaires”*, fut-il un créateur de talent comme il l’est devenu voici tantôt trente années, lorsqu’il a décidé d’investir en même temps que la troisième dimension, le monde des décharges et des poubelles pour y découvrir les éléments qui allaient être à l’origine d’une oeuvre sculpturo-picturale, d’une création originale tout à fait surprenante ? Sans doute la réponse est-elle positive ? Du moins, ses peintures actuelles en relief lui donnent-elles, aux yeux de quiconque ne connaît pas les anciennes, le bénéfice du doute ! Comment imaginer, en effet, que ces gestes instinctifs, ces compositions, ces couleurs et ces matières tellement élaborées, témoignant de la plus grande liberté créatrice, puissent être survenus tout à coup, à la faveur d’un changement de style ?
Et quel style ! Long travail presque abstrait de sous-couches appliquées en épaisses plaques recouvertes de reliefs blancs, dans lesquels transparaissent les bruns des fonds, raturés de griffures irrégulières qui font comme un halo nerveux autour des personnages. Lesquels sont conçus comme des robes/anatomies ou des justaucorps d’où émergent bras en invocation et jambes tubulaires écartées raidement ou pliées en des gigues endiablées ; attestant d’un sens inné des lignes essentielles. Têtes aux contours incertains, pommettes et bouches rouge-vif et cheveux compacts d’or-brun. Ces oeuvres, réalisées dans une sorte d’urgence spatio-linéaire, très proche de l’Art brut, ces petits êtres humains et animaux se muant parfois en arbres ou en chemins escaladant les nuages, vont de pair avec d’autres, des sculptures murales, de facture à la fois proche et différente.
Car, si les individus peints investissent toute la toile, avec leurs cordes à sauter ou leurs guirlandes fleuries qui les entourent telle une frise ; dans les autres fourmillent, comme les généalogies sculptées sur les volets dogons, des êtres tout petits, des têtes infimes travaillées dans le bois, la pierre... en des motifs alignés verticalement, en des numérations obsessionnelles, polychromes dans des couleurs douces, ou conservées dans la texture du matériau d’origine. Parmi ces têtes épinglées comme des insectes, reviennent de façon récurrente des crânes , l’air tous semblables au premier coup d’oeil, mais qu’un examen plus minutieux révèle tous différents, au nez près, aux yeux près, à la bouche, aux pommettes près ; leur seul point commun étant leur allure simiesque !
Et lorsque ces petits bijoux transformés par le truchement de glyphes répétitifs sont installés sur leur support en une opération assurément de longue haleine ; le visiteur imagine Armand Avril repartant avec l’infinie patience qu’implique semblable quête, à la recherche d’autres bouchons pour mille autres têtes, d’autres capsules et d’autres boules pour mille autres fleurs, de minuscules perles et bouts de tissus voués à orner mille autres gilets brodés ou robes raides... Et la boucle est bouclée !
Une boucle qui, chez ce “sculpteur” comme chez tous les créateurs d’Art-Récup’ est une préoccupation de chaque instant ; dans l’obsession consciente ou non, de la trouvaille infiniment précieuse, de l’objet miracle qui en fera vivre un autre que rien ne semblait prédestiner à être son complément ; mais qui, une fois installé, aura l’air d’être là depuis toujours. Car, telles autrefois les “accumulations” de Simone Le Carré-Galimard qui adopta ce mot à l’usage de ses créations, celles d’Armand Avril ne sont jamais de simples ajouts : il s’agit d’une démarche sensible générant évidence, harmonie et vie ! Humour aussi, ce qui ne gâte rien ! Personnalité et unicité, enfin, du fait que l’artiste retouche presque toutes ses récupérations... Mais ceci a déjà été dit plus haut !
Jeanine Rivais.
*Jean-Jacques Lerrant.
CE TEXTE A ETE PUBLIE DANS LE N° 69 DE JUIN 2001 DU BULLETIN DE L'ASSOCIATION LES AMIS DE FRANCOIS OZENDA.