Hippolyte Massé infirme, puis décédé, sa maison dont il avait couvert la façade de scènes tellement vivantes et de “bêtes” marines, a été détruite ! Nul ne sait trop depuis combien de temps ? Une quinzaine d’années, semble-t-il ! Seule, la porte, une énorme porte en cuivre sculpté a été préservée et trône en haut des marches du Musée Sainte-Croix, à l’entrée de la salle des Arts et Traditions populaires. Il ne reste que quelques personnes âgées, - et encore !- à savoir qu’Hippolyte Massé a vécu à La Chaume, près des Sables d’Olonnes, et voulu sortir de la médiocrité sa maison tassée parmi l’anonymat des autres, dans une petite rue !
"Hippolyte Massé est un personnage méconnu qui a pourtant marqué de ses œuvres la vie chaumoise. Né aux Sables-d’Olonne, ce bricoleur-poète, à la fois peintre, sculpteur et décorateur, travaillait à l’instinct.
Plombier-zingueur de profession, il exerçait tous les étés une activité de passeur.
L’hiver venu, il donnait vie à toutes sortes d’objets en coquillages, coquilles de crabes, ciment peint, bois et métal…
L’été venu, il proposait aux estivants une collection de « souvenirs pour touristes », sorte de mythologie populaire sous forme de têtes de pirates, de marins, de bouddhas. Il réalisait aussi des peintures marines, encadrés par ses soins avec sa marque de fabrique : les coquillages.
Qualifié de naïf, son style empruntait à la fois au bricolage, à la récupération, aux fabrications marines, à l’enfance et, surtout, à une créativité foisonnante, pleine d’humour et de joie.
Ayant vécu une bonne partie de sa vie en terre chaumoise, il avait entièrement décoré de coquillages les façades des deux maisons qu’il avait occupé.
L’une, au numéro 15 de la rue Basse (actuelle rue du Lieutenant-Maurice-Anger) surnommée « la maison de la Sirène » en raison de son décor : une sirène nageait au rez-de chaussée sous la coque d’un voilier posé sur l’appui de fenêtre. Cette maison débordait de motifs floraux en coquilles Saint-Jacques et était surmontée d’un goéland en plein envol.
La seconde maison, située à l’angle de la rue des Marais, était ornée d’une magnifique Sablaise les jupes soulevées par un coup de noroît, de bateaux, d’un trois-mâts entrant dans le port, de sirènes… Le tout surmonté par deux vasques foisonnantes de fleurs, une ancre marine et une frise de coquilles Saint-Jacques géantes !"
(FOCUS SUR UN ARTISTE SABLAIS : HIPPOLYTE MASSE (1894-1984). Priscilla GIBOTEAU)
Malgré la disparition d'Hippolyte Massé, son oeuvre a fait une émule ! Danièle Aubin-Arnaud, sablaise d’origine, qui a connu le vieil homme et est elle-même passionnée de coquillages ! Désireuse de donner à son quartier de l’Ile Penotte**, un prestige qu’il n’a jamais connu, elle a décidé de commencer une gigantesque fresque qui couvrira tous les murs de sa rue ! Les temps, pourtant, ont changé : là où autrefois, quiconque pouvait prendre son panier de mollusques bien écurés et sa truelle, et se mettre à l’ouvrage, est aujourd’hui tenu d’obtenir des autorisations municipales et des certificats des voisins, attestant qu’ils sont d’accord sur son “plan de rénovation” de leur quartier.
Il semble bien que Danièle Aubin-Arnaud, impatiente, ait quelque peu brûlé des étapes et bousculé des formalités fastidieuses ! Déjà, sur les murs de son appentis, trône en majesté, un énorme Neptune, tandis que sur d’autres façades, commencent à s’ébattre pieuvres et sirènes ! Travail impliquant une patience de fourmi, bulot après bulot, bigorneau après bigorneau, etc. ; d’énormes couteaux se chevauchant étroitement, pour celer les lèvres du Dieu sur un rire bon enfant ! Et les temps sont à la fois les mêmes et différents : Si, à quatre pattes en train de peaufiner une algue, Danièle Aubin-Arnaud affirme que sa fresque à elle -contrairement à celle de son maître spirituel- sera indestructible parce qu’elle fixe ses coquillages avec de la colle à carreler et non de la chaux comme en utilisait Hippolyte Massé ; qu’elle les peint pour qu’ils ne “passent” pas au soleil ; et se promet de les vernir pour les préserver des intempéries et des graffiti... en revanche, côté vandalisme, la tradition est perpétuée ! Déjà, elle doit remettre un nasal à Neptune, parce que le premier, un splendide coquillage exotique, le seul qu’elle possédait, a été brutalement arraché et volé bien sûr !
Pour autant, la bonne humeur de cette créatrice n’est pas entamée ! Rien ne semble devoir l’arrêter dans cette démarche qu’elle double de manifestations festives, avec la complicité de ses voisins convaincus et conquis, et des écoles de la ville venues lui prêter main-forte ! Et comme HIppolyte Massé, comme Jules Mir à Lyon, comme bien d’autres, elle récupère dans les poubelles des restaurants ce qu’aux Sables on appelle des “gobeuilles”, à savoir les restes, les rebuts, en l’occurrence les coquilles vides ; les ébouillante, les passe à l’eau de Javel, les colle... Et la boucle est bouclée ; le lien établi sur une tradition avec ses illustres prédécesseurs.
En fait, avec Danièle Aubin-Arnaud, une nouvelle génération appartenant à cette démarche à la fois si brute et si liée à l’artisanat populaire, est née, désireuse elle aussi, d’embellir son cadre de vie ; donner au béton ses lettres de noblesse ! Nul doute qu’il faille s’en réjouir ; et, vu l’ampleur de son projet, prendre rendez-vous avec elle, pour dans quelques années !
Jeanine RIVAIS
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Danièle Aubin-Arnaud : Rue d’Assas, l’Ile Penotte, LES SABLES D’OLONNE (Vendée). Tel : 02.51.21.34.14.
Tous coquillages et visiteurs y seront les bienvenus !
** L'Ile Penotte : du nom de M. Penot, bourgeois du XVIIIe siècle, qui possédait presque tout ce quartier, aux maisons étroitement enchevêtrées, à peine séparées par quelques minuscules ruelles, donnant à cette partie de la ville, l'aspect d'une île.
CE TEXTE A ETE ECRIT A L'ETE 1998, ET PUBLIE DANS LE N° 63 D'OCTOBRE 1998, DU BULLETIN DE L'ASSOCIATION LES AMIS DE FRANCOIS OZENDA.
Près de 20 ans se sont écoulés ! Nul doute que l'"invasion" s'est poursuivie, et que désormais, des scènes alors ébauchées sont terminées ! A noter qu'il sera bon d'y retourner !