SAFFRÉ JEAN-FRANCOIS JOGUET

BIOGRAPHIE ET TEXTE

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          Jean-François Joguet sculpte depuis une cinquantaine d'années le bois. 

Il s'est attaqué aussi à la Pierre Bleue de la région de Nozay et a constitué dans son jardin un véritable parc de sculptures, situé à deux kilomètres du Hang-Art. Les bois qu'il utilise ont déjà vécu, ont déjà été œuvrés par l'homme : poutres de maisons, traverses, montants de portes, rayons de charrettes. Depuis près de quarante ans, il sculpte des bois de bouchots ramassés sur les plages de son enfance, en baie de Saint-Brieuc. François Chauvet

          « Très nue, très belle, la baie de mon enfance en Bretagne est devenue autrement belle, plantée de milliers de pieux, cultivée. Après des années de service, usé par le travail des hommes, rongé par la mer, arraché à la tangue, le bois d'épave est maintenant à la côte, coincé dans les rochers ou abandonné parmi les goémons. Beaucoup de temps, c'est sûr, à tourner tout autour, avec tout au fond et de très loin ce désir de tout dire... mais comment dire sans abîmer. Voilà, les veilleuses sont là, debout ; maintenant à vous de dire... »  JFJoguet2007 

 

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Jean-François Joguet est depuis des dizaines d’années, un collecteur pour qui les estrans n’ont aucun secret. Ses glanes sont de bois, extraites des rochers, laissées par la marée descendante. Il s’agit donc et c’est le principal moteur de l’artiste, de bois vieillis, sculptés par le passage du temps, rongés par le sel, aux angles écornés, adoucis par le mouvement de l’eau, déformés par les aléas du voyage qu’ils ont peut-être fait en suivant les courants. 

          Pour chaque découverte, renaît pour le glaneur, le plaisir de toucher le matériau rude, dégoulinant, entortillé dans les algues, restes de filets, morceaux de cordes, etc.  Et l’odeur iodée de la mer fait le reste. L’artiste a acquis une façon de considérer et respecter le morceau anonyme ; le libérer des déchets évoqués, le mettre à sécher, savourer ce que sa forme va lui suggérer. Et puis, le temps passé, supputer à quel moment il y aura accord parfait entre la main et le bois, entre l’œil et les accidents ou les rugosités... Apparemment, Jean-François Joguet s’est toujours passionné pour une expression spontanée, directe ; il a de tout temps travaillé dans la solitude, hors des sentiers battus ; exploré pour découvrir les possibilités de la matière, les outils souvent rudimentaires, jusqu’à ce que cette pérégrination mentale autant que physique apporte à ses recherches des réponses inattendues… A chacune d’elles un peu plus exigeant pour lui-même…

          Le sérieux apporté à cette création n’a pas empêché l’artiste de travailler sur le mode ludique. Ainsi, personnalisant l’ensemble de ses œuvres, il en fait de vrais bouquets aux tiges droites ou incurvées, dont les corolles s’ouvriraient. Il façonne ses trouvailles en piquets suivant la forme de la branche les laisse presque à l'état d'ébauche, -en somme, c’est le bois qui décide- se contentant d'enlever à la gouge de minuscules copeaux ; jusqu’à l’extrémité qui va devenir une création la plupart du temps masculine. Il burine finalement de petites têtes ovales, faisant saillir les pommettes, étirant les yeux en deux fentes, mettant le nez droit en relief, et creusant la bouche qui, toujours, crie ou chante, continuant parfois par une possible barbe qui donne au visage un air dur et inamical. Puis, invariablement, désireux de conserver la longueur initiale, se dresse au-dessus de la tête, un bonnet très haut par rapport à la taille du visage, quelquefois biscornu lorsque le bois est particulièrement érodé ! Pas de membres. En somme, Jean-François Joguet est un créateur de têtes de bois !  

          Et ce petit monde stylisé, monolithique, d’apparence à la fois longiligne, lourde et solide, uniface, unicolore car l’artiste laisse au bois sa couleur originelle, apparaît comme une création tonique et généreuse, épisodique et bon enfant qui, au fil des années, n'a pas pris une ride. Un travail où l'artiste donne le meilleur de lui-même, à l'écart de toutes les modes, intemporel malgré sa connotation légèrement archaïque. Et, quelle que soit la définition qu’il en donne, elle le situe dans une dissidence prévenant toute classification !

Jeanine RIVAIS