EXPOSITION :
ARAGON (1897-1982) ET L’ART MODERNE
AU MUSEE DE LA POSTE A PARIS.
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Fils naturel de Louis Andrieux, Préfet de police et Sénateur, et de Marguerite Toucas, Louis Aragon a porté toute sa vie la blessure de n’avoir pas été reconnu par son père. Un petit recueil de poèmes, intitulé « Domaine privé » témoignera plus tard de ce drame intime.
En 1924, Aragon est, avec André Breton, Paul Eluard et Philippe Soupault, l’un des fondateurs du mouvement dadaïste puis surréaliste. C’est en utilisant l'écriture automatique, qu’il écrit les "Aventures de Télémaque" (1921), puis le "Mouvement perpétuel" (1926).
En 1928, il rencontre Elsa Triolet, écrivain d’origine russe, qu’il épousera en 1939. Tous deux sont membres du PCF, Louis Aragon s'engage aux côtés des communistes, ce qui provoque sa rupture avec André Breton en 1932. Il milite activement, tout en se consacrant à l'écriture de romans, revenant à un style plus classique et s’orientant vers la critique sociale. Il publie successivement : les Cloches de Bâle (1934), les Beaux Quartiers (1936), les Voyageurs de l'Impériale (1942). Il devient journaliste à l'Humanité. De 1933 à 1939, il participe avec Paul Nizan à la revue « Commune » autour de laquelle il recrute le plus de gens possibles, pour lutter contre le fascisme et le nazisme. Et, en 1937, il crée, à la demande du PCF le journal "Ce soir", auquel il collaborera jusqu’en 1953, date à laquelle le journal cessera de paraître.
Pendant la Seconde guerre mondiale, Louis Aragon est médecin militaire de 1939 à 1940. Puis il participe à la Résistance en créant avec Elsa Triolet le Comité National des Ecrivains pour la Zone Sud et le journal "La Drôme en Armes". Et, pendant toute la guerre, il milite aussi par ses poèmes comme "Les Yeux d'Elsa" "Le Musée Grévin", "La Rose et le Réséda"…
La guerre terminée, Louis Aragon partage son temps entre ses activités littéraires, dont les préoccupations principales concernent le communisme et le réalisme socialiste : Il écrit alors Aurélien (1944), Les Communistes (1949-1951), la Semaine sainte (1958)... Il dirige les Editeurs français réunis, maison d'édition proche des communistes.
Maurice Thorez le fait élire au Comité central du Parti. Et, malgré le fait que nombre de communistes cessent de défendre l'Union soviétique, il campe sur ses positions. Ce n’est qu’après la mort de Staline, qu’il prend conscience du totalitarisme régnant en Union Soviétique. Il publie alors un long poème dans lequel il exprime sa désillusion, Le Roman inachevé. Il ouvre alors "Les Lettres françaises", (hebdomadaire qu’il dirige de 1953 à 1972) aux dissidents soviétiques dont il publie de nombreux ouvrages. Il soutient les intellectuels poursuivis par le régime soviétique. En 1968, lors du « Printemps de Prague », il écrit dans la préface de la traduction du livre de Milan Kundera, La Plaisanterie, un texte empreint de colère : « Et voilà qu’en fin de nuit, au transistor, nous avons entendu la condamnation de nos illusions perpétuelles »… Néanmoins il restera jusqu'à sa mort fidèle au PCF.
Après la mort d'Elsa Triolet en 1970, il se retire de la vie publique. Il meurt le 24 décembre 1982, Il est inhumé aux côtés de sa compagne dans le parc du Moulin de Villeneuve, sa propriété de Saint-Arnoult en Yvelines.
Louis Aragon est l’auteur d’une œuvre poétique protéiforme, passant de la prose à la poésie, souvent novatrice, témoignant également de l’évolution des tendances littéraires du XXe siècle : Surréalisme, Réalisme, Nouveau Roman… Il est aussi un poète majeur de la deuxième partie de ce siècle, bien que souvent attaqué d’une part par ses anciens amis qui lui reprochent son engagement politique et d’autre part par certains membres du PCF qui, eux, lui reprochent de ne pas suffisamment encenser le Parti.
Tout au long des années, de 1923 où il écrit un texte important sur l’œuvre de Max Ernst, jusqu’en 1981 où il publie « Ecrits sur l’Art moderne », il rédige pour des journaux ou des catalogues, de très nombreux textes sur les écrivains et plasticiens de son époque.
Certains de ses poèmes ont été popularisés par des compositeurs ou chanteurs comme Léo Ferré, Georges Brassens, Marc Ogeret, Jean Ferrat...
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L’EXPOSITION
Des trois fondateurs du Surréalisme, deux avaient déjà bénéficié d’une importante exposition : Philippe Soupault, en 1989, à Montreuil-Sous-Bois ; André Breton, en 1991, au Centre Pompidou. L’exposition consacrée à Louis Aragon, au printemps 2010, est la première manifestation importante qui lui ait été consacrée.
Cette exposition retrace l’itinéraire de l’auteur par rapport aux artistes du XXe siècle. Pendant plusieurs décennies, malgré tiraillements, reproches, tentatives de récupération… il a prouvé son attachement passionné à l’expression et aux recherches picturales de ces artistes qui furent ses contemporains ; les nombreux textes présentés, prouvant qu’il fut l’un des esprits les plus brillants de son époque. Le spectateur peut voir aussi des œuvres de plus de quarante artistes qu’il appelait « les aventuriers de la toile et de la pierre » ; parmi lesquels beaucoup lui ont été présentés par Guillaume Apollinaire ou Pierre Reverdy, et sur lesquels il a écrit (Chagall, Miro, Pirosmani,… Giacometti, Fassianos, Arp…). Ainsi fut-il le premier à parler de Klee (1923), des papiers collés de Braque et Picasso ; avant de fréquenter Matisse, pendant plus de trente ans, et de lui consacrer, en 1970, un important essai. Nombre de ses autres textes qui ont été collationnés dans un ouvrage intitulé « Ecrits sur l’art moderne » (1981) sont là, également.
Une exposition curieuse et passionnante ; classique dans son déroulement chronologique, qui fait sans arrêt passer le visiteur du visuel à l’écrit. Une phrase de Jean Ristat, le légataire universel d’Aragon, rappelle ce fait qui a jalonné sa vie : « La peinture nourrit son écriture et on peut dire que pour lui la littérature ne va pas sans la peinture».
Enfin, et cette partie est plus inattendue, l’exposition présente des témoignages de la vie privée de l’auteur : L’appartement qu’il partageait rue de Varenne, avec Elsa Triolet a été en partie reconstitué, proposant des murs couverts de photographies d’eux-mêmes, d’amis, de fragments de courriers, disposés parmi les œuvres d’artistes dont ils avaient possédé des œuvres. A voir avec le plus grand plaisir. Et, pourquoi ne pas lire ou relire les œuvres de cet auteur !
Jeanine RIVAIS.
« ARAGON ET L’ART MODERNE » : Musée de la Poste, 34 Boulevard de Vaugirard 75015 Paris. Tél : 01 42 79 23 58. Du lundi au samedi, de 10h à 18h.. Fermeture annuelle : dimanche et jours fériés.
Bus (lignes 28, 88, 48, 91, 95, 96.) Gare desservie (Gare de Montparnasse) Métro / RER (Montparnasse Bienvenue, Falguière, Pasteur.)
CE TEXTE A ETE PUBLIE DANS LE N° 63 DE 2010 DE LA REVUE DE LA CRITIQUE PARISIENNE.