LE PUNCHING-BALL ET LA VACHE A LAIT

LA CRITIQUE UNIVERSITAIRE NORD-AMERICAINE FACE AU SURREALISME

DE GUY DUCORNET

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Les Ducornet sont un couple, et quel couple !!

L'épouse, RIKKI DUCORNET, romancière américaine, met en scène deux protagonistes français, les Bergerac père et fils, descendants de Savinien de Bergerac, dont "la maison ancestrale fut bâtie rue Monsecret, à Angers".

Le mari, GUY DUCORNET, Français, traduit dans notre langue, le roman américain de sa femme. Peintre (membre du mouvement "Phases"), poète, il partage son temps entre son atelier du Val-de-Loire et l'enseignement de la littérature française et des Beaux-arts aux Etats-Unis et au Canada. Il a publié un livre décrivant les heurs et malheurs du Surréalisme dans le Nouveau Monde.

 

          Beaucoup moins vert que le roman de sa femme, mais tout aussi passionné, son roman sociologique et philosophique, "Le punching-ball et la vache à lait", met en accusation -sans circonstances atténuantes- l'attitude des universitaires américains, puisqu'aux Etats-Unis, la culture semble se limiter aux campus. Son survol de "L'histoire du Surréalisme" "Made in USA", commence en 1932, année où, sous le titre "Le Surréalisme hier, aujourd'hui, demain", André Breton confiait à des journaux britanniques et américains, les intensions de son mouvement. 

          Dans son livre, Guy Ducornet démontre comment cet "isme" de plus effraie depuis lors toute la classe professorale (il désigne par là les professeurs titulaires de doctorats, pas de vulgaires pigistes ignares ou pressés). Breton est considéré d'entrée de jeu comme "un personnage pontifiant, bourgeois et réactionnaire". Tout le Surréalisme est détourné, déformé, lénifié, réduit, assimilé au fascisme, au marxisme, à l'antiféminisme… Au fil des années, "les pédagogues l'amputent de ses distorsions, élaguent ses excroissances gênantes et amortissent ses essais intempestifs, inacceptables dans une Amérique qui ronronne…".

          Tout se passe en fait comme si chaque aspect de la vie et de l'art sur lequel le Surréalisme est allé "plus loin" ou "ailleurs", avait été repris de façon à le définir par son contraire ou son double édulcoré : des théories traitées comme et par des ragots ; des prises de positions ramenées à des critères réactionnaires, sexistes, racistes, etc., bref "une aventure morale, politique, esthétique et poétique, réduite à 'une école artistico-littéraire, épinglée sur le menu universitaire, quelque part entre le Symbolisme et l'Existentialisme…' et l'objet d'une extraordinaire pléthore de gloses et d'exégèses…"

          En somme, le punching-ball idéal, sur lequel se sont cristallisés et acharnés, les rancœurs, les partis-pris, les tabous, toutes les régurgitations d'un système ont ne peut plus conformiste. La vache à lait idéale, enfin, dans un milieu où "publier ou périr' est l'épée de Damoclès suspendue sur les mortiers universitaires et où 99% des études sont l'œuvre de professeurs"

          D'après Guy Ducornet, il semble bien qu'actuellement, subsiste toujours vivace, la crainte du député Dondero disant, en 1949 :"Le prétendu Art moderne dans notre chère patrie contient tous les ismes de la dépravation, de la décadence, et de la destruction… Ils sont tous d'origine étrangère et n'ont pas de place dans notre Art américain…".

 

          A l'heure où, justement, le marché mondial de l'art se dessine à New-York, où la France est obligée de faire jouer "le caractère d'exception" de ses moyens culturels, le livre de Guy Ducornet a incontestablement le mérite de rappeler à quelle sauce l'Art français -et européen, d'ailleurs- risque d'être mangé. 

Jeanine RIVAIS

"Le punching-ball et la vache à lait" de Guy Ducornet : Editions Deleatur Angers 2003.