Rares sont les anthologies de Poésie contemporaine de langue française qui osent "oublier" Jean L'Anselme. Et la plupart des foires de la Poésie ont plaisir à l'inviter à réciter ses vers gentiment moqueurs, ses dictons à l'emporte-pièce, ses proverbes parfois méchants mais jamais bêtes.
Frôlant allègrement les soixante-quinze ans, Jean L'Anselme est "né curieusement un trente-et-un décembre à minuit en 1919 à Amiens. Entré en 1941 dans la Résistance, "pour éviter l'affluence de 45", il devient instituteur. En 1945, il est employé à la Direction générale des Affaires culturelles du Ministère des Affaires étrangères d'où, jusqu'à l'âge de la retraite, il défend hors de nos frontières, la culture française, ses écrits et ses écrivains.
Mais surtout, depuis 1948, il publie régulièrement des ouvrages d'humour ou sur l'humour. Homme de grandes convictions, Jean L'Anselme est dans toute son œuvre "farouchement pour" ou "farouchement contre" : pour Dubuffet qui l'initie à l'Art brut ; pour Chaissac qui lui enseigne à se méfier de "l'asphyxiante culture"… ; contre les émules de Tel Quel qu'il parodie dans un texte bourré d'ironie intitulé 'Lettre ouverte par mégarde par la concierge de la revue Tel Quel" ; plus généralement contre tous les hermétismes dont il se gausse en disant que "ce n'est pas en taquinant le degré zéro de l'écriture que l'on arrive à faire des exquis mots glacés".
En même temps qu'écrivain de grande verve et de vert talent, Jean L'Anselme est historien de l'humour. Ses conférences mettent en évidence qu'à travers les siècles, cette forme de pensée et d'écriture a fait de profonds ravages parmi ceux qu'elle a frappés. Hélas ! Tel un boomerang, elle frappe également ceux qui la pratiquent lorsque l'humour atteint son paroxysme, se fonde sur sa morbidité, le dérèglement, le fantastique, la névrose, la déraison et devient l'humour noir. Il foule alors les tabous chers à la société, et ses auteurs sont immanquablement des marginaux. "L'Anthologie de l'Humour noir" d'André Breton qui, en 1940, officialise cette dénomination, présente une longue série de suicides, vies brèves, ruines physiques… Xavier Forneret couchant dans un cercueil, "Salon des morts où ils reçoivent des vers", Vaché, Rigaud, Baudelaire, Roussel, etc.
Pour notre plus grand plaisir, Jean L'Anselme a échappé à la malédiction. Souhaitons-lui de savoir encore longtemps exercer son influence sur la littérature française, distinguer le bon grain de l'ivraie, affirmer sereinement qu'"écrire de mauvais poèmes , c'est utile, ça met les bons en valeur" !
Jeanine RIVAIS
Jean L'Anselme a publié une trentaine d'ouvrages. Les derniers, "Pensées et proverbes de Maxime Dicton" et "L'Anselme à tous vents" aux Editions Rougerie 87330 Mortemart // "L'humour raconté aux (grands) enfants", "Turbulences", "Temps apprivoisés" et "Vie ouvrière".
CE TEXTE A ETE PUBLIE DANS LE N°37 DE MAI 1994 DE LA REVUE IDEART ; ET DANS LE N° 58 DE SEPTEMBRE 1996 DU BULLETIN DE L'ASSOCIATION LES AMIS DE FRANCOIS OZENDA.
VOIR AUSSI :
**** http://jeaninerivais.fr Rubrique : "Retour(s) sur un quart de siècle d'écriture(s) / Hommages à des poètes, écrivains… / Jean L'Anselme et l'humour. (Texte de 1997).
**** FRESQUE D'ECRIVAIN, JEAN L'ANSELME AUJOURD'HUI. Edition Soleil natal.
**** NECROLOGIE : Jean L'Anselme nous a quittés.