En écrivant Histoire au pluriel, Gérard Sendrey annonce dès le titre, l’esprit dans lequel est conçu ce livre : l’essentiel consiste en anecdotes concernant directement ou anonymement les divers protagonistes qui ont avancé côte à côte ou croisé le fer avec lui ; au cours des six premières années de ce qui fut d’abord LE SITE DE LA CREATION FRANCHE et est devenu récemment le MUSEE DE LA CREATION FRANCHE. (Musée municipal).
Dans la première partie de l’ouvrage, le lecteur assiste à la genèse du lieu, après la “naissance” et l’évolution très rapide de la réputation de la Galerie Imago ; les prémices des Jardiniers de la mémoire et du FCABI (Fond de Création Artistique Brute et Inventive) ; les liens étroits avec Lausanne ; les déclarations d’allégeance de l’auteur à la définition de l’Art brut, à l’esprit de Dubuffet et de son héritier spirituel Michel Thévoz ; ses rebellions lorsque le carcan devient trop serré et que les émules se font plus “brutistes” que Dubuffet à la fin de sa vie. Ces prises de positions entraînent le choix des termes “Création” et “franche” ; et du vocable “Création franche” pour définir des choix esthétiques susceptibles d’élargir les acceptions “brut” et “singulier”, hors-normes ; poser les bases d’une éthique très rigoureuse visant à ne créer aucun ostracisme, mais à exercer une vigilance draconienne quant à l’authenticité des créateurs exposés au Site.
La seconde moitié du livre comporte trois parties : l’une consacrée au “parcours personnel” de Gérard Sendrey ; depuis le moment où l’adolescent hésitant produit ses premières aquarelles ; en passant par les incertitudes d’une création étroitement liée à la psychanalyse ; jusqu’au moment où les œuvres essaiment à travers les musées du monde consacrés à la production “brute” et “singulière”, et les galeries françaises ou étrangères prêtes à prendre des risques sur un artiste engagé dans des circuits non officiels.
Le chapitre suivant, intitulé “Pour un manifeste de la Création franche. Essai de prise de position”, est la profession de foi d’un personnage à double engagement : Le décideur d’un lieu vers lequel se tournent de plus en plus d’yeux sympathisants ou avides d’une reconnaissance susceptible de leur ouvrir d’autres portes moins innocentes. Et l’autre --le même -- qui fait avec beaucoup de rigueur le distinguo entre “artiste” et “créateur” ; qui encourage les uns et les autres à rester sauvages, indisciplinés, découvreurs, capables de puiser dans leur esprit et dans leur cœur des richesses porteuses de surprises situées hors des canons estudiantins et des dictats de la mode : trouver en eux-mêmes le plaisir de la création pure ; s’adresser à l’émotion et non à la connaissance...
L’un des éléments du dernier chapitre développe le parti-pris non mercantile du Site de la Création franche, dans sa volonté de mettre à la portée du plus grand nombre des œuvres qui, en fait, lui reviennent de “droit” (culturel, s’entend). Enfin, les dernières pages proposent les discours inauguraux croisés de Noël Mamère, dont l’aide financière, morale et intellectuelle jamais démentie a grandement aidé au développement du musée ; avec ceux du fondateur, chaque fois prises de position, rappels de ses décisions, de ses engagements.
Il s’agit là d’une série de textes --datant de cinq ans ou plus -- ; une “thèse non exhaustive... une version sans doute entachée de subjectivité, de faits qui ne concernent véritablement qu’un petit nombre d’acteurs” ; d’événements en précédant d’autres “qui ne leur cèdent en rien quant à la tension quasi-dramatique qui les sous-tend”.
Jeanine RIVAIS
GERARD SENDREY : Histoires de création franche
: Edition L’Authenticiste. Keltia Graphic. 29540. SPEZET.
N. B. pédagogique : Il est tout de même dommage que, dans la première partie surtout, il y ait TANT de fautes d’orthographe, de conjugaison essentiellement !
Paris le 15 novembre 1996.
Créé sous forme associative en 1989 sur proposition de Gérard Sendrey, le Site de la Création Franche est devenu musée municipal en 1996. Reconnu équipement d'intérêt métropolitain en 2017, il se voit attribuer l'appellation “musée de France” en 2023.