Jeanine Rivais : Mo-Sou. Pourquoi avez-vous éprouvé le besoin de contracter votre nom ?

                Mo-Sou : Parce que je m’appelle « Moreto ». Et que je trouvais que « Monique Souchon » ou « Monique Moreto » ne sonnaient pas très bien. Alors j’ai opéré cette contraction. En même temps, c’était un peu pour protéger mon mari.

                JR. : Et vous sculptez depuis longtemps ?

                M-S. : Non. Depuis que je suis à la retraite, il y a une dizaine d’années. J’avais commencé la poterie parce que j’étais éducatrice et que j’en faisais avec les enfants. J’avais fait des stages pour bien maîtriser la technique. Finalement, à la retraite je me suis servie de cette technique pour occuper mon temps, pour ne pas me noyer dans la solitude, ne pas me noyer dans le désert.

                JR. : Nous sommes presque exclusivement dans un monde animalier ?

                M-S. : Pas tout à fait. Je dirai « animalier et féminin ». J’avais commencé par beaucoup de femmes, des femmes bizarres pour lesquelles je cherchais des noms étranges. En fait, j’essayais d’exprimer mon mal-être de femme.

              JR. : Et maintenant que vous êtes à la retraite, tout va bien ? Vous semblez vous cantonner aux animaux, en particulier aux éléphants qui suggèrent le voyage ?

                M-S. : Voilà. J’ai eu des périodes de creux, et je pensais que les animaux me faisaient moins réfléchir, qu’ils éclairaient davantage ma vie.

                JR. : Je vois en particulier une famille éléphant. Mais ce sont des éléphants de cirque, parce qu’ils ont des dorures, ils sont couverts de couleurs vives,…

                M-S. : Non, ce sont des éléphants qui font partie d’histoires que je me raconte. Dès le début, mes créations appartenaient à des histoires, des histoires de femmes, des histoires d’animaux…

JR. : Et vos éléphants, quelles histoires racontent-ils ?

                M-S. : Des envies d’« ailleurs » naturellement ! De plus, l’éléphant est un animal paisible. D’où l’idée d’une vie calme, sereine… Et puis, je voulais faire quelque chose d’un peu gros. Au début, je faisais des chèvres, parce que, quand j’étais petite, je gardais les chèvres. J’ai tant de souvenirs de chèvres que j’avais créé mon « monde de chèvres ». Alors, j’ai voulu changer.

                JR. : Parmi les personnages qui ne sont pas des animaux…

                M-S. : J’ai fait une maternité. Et encore avant, j’avais fait une scène que j’avais intitulée « Eternité ». J’ai fait aussi beaucoup de masques.

                JR. : Parlons de ce petit personnage qui semble à part et bien étrange.

                M-S. : Celui-ci est double. Il est homme et femme. Et côté homme, regardez sa pomme d’Adam ! Et puis, j’en ai un autre qui a la tête creuse, parce qu’il a toute la vie pour la remplir.

                JR. : Vous travaillez donc aussi dans l’humour. Et vous avez joint toute une série d’adages, de formules de bon sens qui accompagnent vos personnages.

                M-S. : Oui, et j’ajoute toujours des éléments que je trouve symboliques. Et puis, j’ai fait une série de plaquettes sur lesquelles je n’avais dessiné que des femmes-robots.

JR. : Vous avez d’autres plaques qui sont différentes de la série que vous avez évoquée… 

                M-S. : Oui, ce sont des plaques que j’ai faites il y a très longtemps. Je grattais la terre avec des clous ou des bouts de bois, pour graver la scène que je voulais réaliser. Ces plaques se rapportaient au savoir. Je mettais l’échelle du savoir, et puis il y avait le savoir qui se propage. Qui a ouvert les portes du cœur, celle de l’esprit… les portes de la bonté… de la compréhension…

            Cet entretien a été réalisé à BANNE, au Festival d'Art singulier, Art d'aujourd'hui ", le 18 juillet 2009.