UN DERNIER HOMMAGE A MONIQUE LE CHAPELAIN 

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Après je me tais. Juste quelques mots pour les amis qui me suivent et qui l'ont connue. Et aux autres qui le souhaitent.

Pas de photos de Monique vue pour la dernière fois en janvier dans sa maison de retraite pour personnes déficientes mentales, ni de nos moments passés ici en Bourgogne (aussi avec Sonia Perez et sa famille) ou chez elle, aux Ulysses, à l'époque où son mari restait un repère dans une vie de "princesse en son royaume"... mais il y a eu des moments incroyables ! Imaginez-la, affublée de manteau de fourrure, chapka, lunettes de soleil, assise à l'arrière de la voiture avec pour chauffeur son mari et venant me chercher à la gare en décembre. La frime de star jusqu' au bout !

Simplement parce que nous nous aimions et restant son dernier contact extérieur, je tenais à lui marquer mon affection jusqu'au bout et le bout est là. 

Veiller sur nos anciens fait partie de nos vies. En tout cas de la mienne - et demain je n'oublierai pas de prendre des nouvelles de mes amis de plus de 80 ans.

Des bises à tous.

Laurence MALVAL

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Monique Le Chapelain, à son tour, nous a quittés ; et nous sommes tristes. Bien que depuis plusieurs années, elle ait quitté le monde de l'Art singulier, elle était restée dans nos cœurs. Adieu, Monique, Bon voyage vers ton autre monde de fleurs et d'étranges animaux. J.R.

LES CREATURES-FLEURS DE MONIQUE LE CHAPELAIN, peintre

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Lorsque, échappée à la tornade qui a ravagé sa maison, elle s’endort, le film passe à la couleur, et la fillette se retrouve dans les jardins remplis de fleurs du Magicien d’Oz ! Là, commence l’aventure... C’est celle de Monique Le Chapelain qui, à peine sortie de l’adolescence a fui le carcan familial et refait sa vie au gré de sa fantaisie ; une vie ornementée de jouets en peluche, de bijoux de pacotille, de somptueuses robes espagnoles... et de peinture. La peinture a été sa façon toute personnelle de remonter le temps vers l’enfance, vers un passé qui lui conviendrait, se créer une vie dans des mondes parallèles !

Des mondes, tout de même, pas si innocents qu’il y paraît ! Car la plupart de ses créatures y sont seules, statiques au milieu des fleurs. Et les rapports de force y sont évidents dès que deux “personnes” sont supposées “vivre ensemble” : la femme, déclinée sous tous les apanages de la jeunesse (gentille princesse, gente fée, belle épousée...) y mène toujours le jeu ! Dans "Le mariage de Lucifer", par exemple, titre qui pourrait être emblématique de l’humour de l’artiste, la mariée a une tête de dragon, tandis que Lucifer n’est qu’un jeune homme banal, chargé de tenir le bouquet ! L’idée du couple revient souvent, d’ailleurs, dans l’œuvre picturale de Monique Le Chapelain, présentée chaque fois sur un mode ludique et dérisoire, dans une complicité paradoxale qui fait s’épanouir Madame Chat immense au milieu des fleurs, et se réfugier Monsieur Chat minuscule en haut des arbres ; chacun chez soi, sur des toiles, reliées certes, mais différentes !

Lorsqu’elle ne marie pas ses jeunes filles, ni ne les envoie au bal bien campées sur leurs jambes-fleurs, en longues robes à crinoline, Monique Le Chapelain traite de son bestiaire ! Faune étrange, en vérité, pour laquelle l’artiste “sait” qu’il s’agit d’un dindon “parce qu’il a une caroncule, ou d’un mammouth parce qu’il a une trompe ! Pourtant, le visiteur aurait plutôt cru voir un paon-biche au cou et à la queue démesurés, ou un oiseau puisqu’il a des ailes... Pour lui, le jeu consisterait donc à ne pas “reconnaître” l’animal, malgré le désir de la peintre de le convaincre ! Mais qu’importe, au fond, puisqu’il se retrouve dans un univers multicolore d’animaux-fleurs en lévitation, où les végétaux sont si bien intégrés aux anatomies qu’ils sont crêtes, voiles ou ailes ; que les feuilles deviennent pattes raides, etc.

C’est que, tel le Magicien, Monique Le Chapelain voyage dans l’imaginaire, “rêve” l’œuvre à venir, redescend sur terre et peint les feuilles ! Elles sont l’élément premier de toutes ses créations. Ce sont elles qui installent raidement la scène en un déséquilibre que contrebalanceront les êtres “vivants”, oiseaux, bêtes ou gens ! Et la créatrice se lance dans sa grande débauche de coloris, surligne les pétales, ajoute des antennes pour communiquer avec l’au-delà, des pointillés ou de minuscules carrés pour varier les effets... Bref, après avoir généré le désordre, accentué le foisonnement, elle ne s’arrête qu’une fois l’ordre rétabli, tous les éléments bien rangés, en parfaite harmonie immobile, la toile vibrante de toutes les couleurs ! Toutes les couleurs ? En fait non ; car le peintre n’en utilise que trois ou quatre par toile. Mais elle a un tel talent pour les juxtaposer, les mêler, travailler par couches monochromes séparées de petits liserés de teintes mixtes délimitant les “plages”, qu’elle donne l’impression d’une palette infinie !

Alors, autodidacte, Monique Le Chapelain ? Naïve, sa peinture ? Sûrement ! Obsessionnelle ? Incontestablement ! Mais avec tant de tendresse, un caractère si primesautier, une telle joie de vivre sabordant les angoisses existentielles, que l’enchantement se renouvelle à chaque fois ; que, dans son aura, le spectateur retourne à sa propre enfance, aux petits pincements de cœur ou aux menus bonheurs liés à ses propres fantaisies animalières depuis longtemps oubliées, aux fleurs de son jardin de longue date fanées, aux fragments restés en mémoire, des contes qui l’ont naguère bercé !

Jeanine RIVAIS

VOIR AUSSI TEXTE 2 : Site de Jeanine Rivais : http://jeaninerivais.jimdo.com/ Rubrique : Retour sur un quart de siècle d'écriture(s).

Jeanine Rivais avec Monique Le Chapelain dans sa belle robe espagnole
Jeanine Rivais avec Monique Le Chapelain dans sa belle robe espagnole