IL ETAIT UNE FOIS…

OU LE RETOUR AU BON VIEUX TEMPS

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          Dimanche 18 novembre, le musée Pierre Merlier qui, décidément, est de plus en plus actif, proposait à ses adhérents et à tout public venu nombreux, une après-midi / lecture de contes et légendes de Bourgogne.

         Pendant près d'une heure, six lectrices -Jocelyne Balcaen, Jo Bonin, Pierrette Dejust, Jo Mourey, Jocelyne Lancelot, Michèle Skowron, sous la houlette du metteur en voix Claude-Paul Mautret- se sont partagé la tâche de faire revivre un choix de contes. Au programme, cinq contes traditionnels bourguignons collectés par Charles Millien au début du XXe siècle et "Quelques Évangiles des quenouilles, transcrits par Jacques Lacarrière. Il paraît que Le Petit Chaperon rouge y sera aussi…". Oui, car il est à noter qu'à plusieurs reprises, ces contes sont des variantes parfois sans ambiguïté des contes de célèbres de notre enfance, l'accent, la dénomination des personnages faisant souvent la différence. 

          Le public a donc partagé les aventures "de Jean sans Peur" qui ne pourra se marier tant qu'il n'aura pas eu peur. S'étant introduit dans la cuisine d'un château, il se retrouve face au diable qu'il affrontera en allant de villes en églises. A chaque rencontre, il l'obligera, toujours sans avoir peur, à promettre de ne plus se montrer… Et c'est une gentille colombe qui, s'envolant d'une caisse où elle était prisonnière, lui fera si peur qu'il pourra désormais convoler ! 

          Vint ensuite "Le conte de l'amoureux de la Jeannette" ; laquelle redoute de se marier, parce qu'elle ne saura quel prénom donner à l'enfant qui naîtra forcément ; vu que tous les prénoms sont déjà pris. Le Jean, dans l'incapacité de l'aider retournera tranquillement auprès de sa mère ! 

          Suivit "Le conte du Batteur en grange" qui ne travaillait que la nuit, et battait le grain avec tant d'ardeur, que chaque coup de fléau s'entendait dans toute la ferme. Et qui, le travail achevé invita trois jeunes filles à le suivre, leur promettant monts et merveilles. En fait, il les enferma dans son château, les prévenant qu'il allait les décapiter, et les faire cuire. Et là, au moment où Barbe-bleue est dans la tête de tous les spectateurs, arrivent le bon Dieu et la Vierge Marie. Ouf !! 

          Dans le conte suivant, le public apprenait "Pourquoi le Jean resta garçon". Parmi la quinzaine de "Jean" habitant au village et qu'on nommait Le riche, le grand, le gros… il était "Jean le bête" ! A tel point que sa mère, voulant le marier, contacta la mère de la Jeannette qui avait du bien et n'était pas trop finaude ! Avant la visite de la belle, la mère de Jean l'avait sermonné : Tout ce que sa mère admirera, tu diras : "je le sais c'est moi qui l'ai fait". Le jour arrive et la mère de la Jeannette s'exclame sur le beau blé, les belles pommes de terre, la belle porte, et chaque fois le Jean répond comme convenu… jusqu'au moment où apparaît une poule avec ses poussins. Et quand la dame s'exclame "Oh ! Les jolis petits poussins", le Jean répond "Je le sais, c'est moi qui les ai faits !" Inutile de dire que n'eut lieu aucun mariage !! 

          Et pour terminer en faisant bien sûr très peur aux auditeurs, venait "Le conte de la fillette et du Dzou", et le petit Chaperon rouge était alors tout près ! Sauf que le loup si bête laisse sortir la fillette, et quand il court pour la rattraper, il arrive au moment… où elle lui ferme la porte au nez ! 

          Entre chaque aventure, les conteuses proposaient quelques "Evangiles des quenouilles". Il s'agit là de courts "dits" sentencieux, à l'origine écrits en "françois" mêlé de formes picardes et publiés à Bruges en 1480. Les Evangiles des quenouilles ont acquis très vite une grande popularité, jusqu'à devenir une référence pour les spécialistes du folklore et de l'histoire des mentalités. Pourtant, cette oeuvre, d'un auteur inconnu, n'avait pas été traduite en français moderne avant que Jacques Lacarrière ne propose, dans les années quatre-vingt, cette traduction accessible au lecteur non spécialisé.

          Evoquant six "sages doctoresses et inventeresses" qui se réunissent au cours de six veillées pour disserter à tour de rôle sur les maladies, remèdes, recettes, dictons, conseils et interdits de leur vie quotidienne, "Les Evangiles des quenouilles" recueillent un grand nombre de croyances et de superstitions concernant les femmes. Croyances qui ne sont nullement mortes avec le Moyen Age et dont beaucoup survivent encore aujourd'hui dans nos campagnes. Cette œuvre médiévale du XVe siècle rassemble quelque 300 anecdotes, conseils et remèdes populaires que les dames d'alors s'échangeaient pour passer le temps pendant qu'elles filaient. Comment rendre son mari fidèle, concocter un philtre d'amour, s'éviter les dents noires, s'assurer du sexe de son bébé, accoucher sans douleurs, boire sans s'enivrer, retenir un chat fugueur, bref, autant de préoccupations qui n'ont guère changé depuis. Ainsi, "si on frotte une verrue la veille de la saint Jean avec une feuille de sureau et qu’on enterre ensuite cette feuille profondément, la verrue séchera à mesure que la feuille pourrira". 

          Alors, comme le décrétait chaque lectrice en tapant dans ses mains : Cric ! Crac ! mon conte est fini ! 

Jeanine RIVAIS

Photo Martine Rachline, lauréate 2022 du concours "Singuliers Regards". Et photo Michel Smolec : les 6 lectrices.

MUSEE PIERRE MERLIER : Salle de l'Artothèque, Hameau du Saulce, 89290 ESCOLIVES-SAINTE-CAMILLE. Tél : 06.74.86.17.05. Email : secretariat@museepierremerlier.fr. Ouvert de Pâques à la Toussaint (11h/18h30, sauf mardi). Hors saison : sur RDV.

Les renseignements concernant "les Evangiles des quenouilles sont été pris sur Internet.