LE MUSEE PIERRE MERLIER RECOIT SUR SES CIMAISES

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          Ce weekend de l'été et de la fête de la Musique a encore été très actif, très vivant et très convivial au musée Pierre Merlier. Plusieurs sujets d'un grand intérêt appelaient un public qui, malgré le mauvais temps, était venu nombreux. Et enthousiaste. 

          Dans le cadre de "Singuliers regards" dévolu à la photo, la fête commença pour la troisième année, par la présentation des cinq lauréats du concours, dont les œuvres étaient proposées sous forme de cinq bâches imprimées, accrochées sur la grille du musée, côté canal du Nivernais où elles resteront jusqu'à la Toussaint, à la fermeture du musée. Les gagnants étaient : Lisette CHATON, Elisabeth SAZERAT, Martine RACHLIN, Pierrette DEJUST, Julien ITURALDE. Chacun à sa façon avait détourné une ou plusieurs sculptures de Pierre Merlier, proposant une œuvre "Autre", originale, provocante. 

          Dans la foulée, le public se déplaça vers une des salles du musée pour inaugurer l'exposition de Claude Friess. Le texte ci-dessous avait été écrit en 1997, alors que Claude Friess était encore un "jeune" preneur d'images ! Aujourd'hui, la sagesse venue, Pierre Merlier parti sous d'autres cieux, l'amitié de ce photographe, cultivée au long des décennies, ne s'est jamais démentie. Et ses œuvres, placées au milieu des sculptures, semblaient avoir appartenu de tout temps à ces murs ! 

          CLAUDE FRIESS,

           UN PHOTOGRAHE EN QUETE DE SINGULARITE

          Singulière démarche, que celle de Claude Friess qui va d’atelier en atelier d’artistes ; et revient périodiquement "se ressourcer" dans l’orbe de Pierre Merlier, sculpteur !

          En effet, ce jeune photographe, qui ne se prend pas pour Doisneau, ne s’intéresse ni aux couchers de soleil sur le port, ni aux bouquets de fleurs, ni à la communion du neveu... Épris d’originalité, seules provoquent ses réactions, les créations picturales de peintres parfois, de sculpteurs toujours ! Non pas pour produire des images banales d’œuvres posées classiquement face à l’objectif : mais avec un sens inné de la composition, le goût des mises en scène, de l’angle curieux, du rapprochement inattendu des "personnages", des contrastes entre le velouté de pêche d’une joue légèrement ombrée par une boucle de cheveux et la rugosité d’un visage corrodé par les éléments, entre les courbes pulpeuses d’une nymphe et l’anonymat d’un mur de béton graffité... Ou encore, il a une façon bien à lui de grimper au-dessus d’un groupe de sculptures de bois cloutés, les "prendre" sous un angle si serré, que le spectateur a l’impression de contempler en plongée les gratte-ciels new-yorkais !

          Retournant ainsi avec obstination vers leurs œuvres, Claude Friess témoigne de sa soif de "mettre à jour" la veine créatrice des plasticiens de son entourage, et, à partir d’elle, trouver sa propre création. Malheureusement, sa situation géographique ne lui permet de rencontrer que des artistes d’excellente qualité certes, mais d’une facture extrêmement classique ! De sorte que ce chasseur d’émotions fortes reste perpétuellement sur sa faim ! Et que, satisfait de la qualité technique de ses clichés, mais psychologiquement et intellectuellement frustré, il retourne, comme on va à la fontaine, vers les sculptures de Pierre Merlier !

          Pierre Merlier, orfèvre du bois, dont les personnages humanoïdes expriment si intensément les passions humaines qu’ils semblent des émanations des sept péchés capitaux : des créatures tellement symbiotes qu’elle paraissent indissociables, et qu’elles entraînent le visiteur dans une virulente satire sociale, une pensée protéiforme d’érotismes exacerbés, d’obscénités naturelles, de réalités sordides et de fantasmes sans douceur ! 

          Ces œuvres qui soulèvent l’enthousiasme de Claude Friess, éveillant peut-être en lui quelques troubles zones de sensations filiales à l’égard d’un “père” irrespectueux et provocateur, le font se sentir chez lui dans leur foisonnement. Là, son œil collé à l’objectif, il muse sur quelque couple coïtant contre un mur ; flâne sous le regard torve de visages aux yeux multiples ; se perd dans des voisinages pervers de “gens” aux cervelles-branches ; les allonge pour générer des infinitudes de gisants aux postures impertinentes ; etc.

          Quelles corrélations peut-il exister entre les sages apports de ses habituelles pérégrinations, et la violence des œuvres de Pierre Merlier ? Claude Friess a-t-il besoin de ce “repos du guerrier” pour revenir, piaffant d’impatience et bouillonnant d’imagination “photographiale”, vers le Maire aux bas résilles ; Otto Dix figuré en cul de jatte... ? Lui faut-il calculer ses indifférences pour se jeter sans garde-fous sur la gageure à lui lancée, par cette Forêt humaine ?...

Au moins, le “photographe raisonnable” aura-t-il peaufiné sa technique en explorant ces “sujets” qui n’exigent rien d’autre. Il est probable, pourtant, sur la foi de son insatisfaction grandissante, que l’“autre” Claude Friess, élargira bientôt la gamme de ses exigences en partant à la recherche de plasticiens jusque-là inconnus de lui, capables de satisfaire ses pulsions les plus violentes ! Mais si Pierre Merlier court les bois, les créateurs de sa trempe ne courent pas les rues. Il faudra donc au photographe la volonté avérée de courir à son tour les routes, en quête de nouveaux trublions à même d’assouvir sa démarche si singulière ! 

Jeanine RIVAIS

 

          Le public se rendait enfin dans la salle où étaient exposées les photographies de Guylaine Perrault et les gravures de Georges Rouault. 

         Plus récente, quant au lien qui la rapproche du musée Pierre Merlier, Guylaine Perrault éclusière-photographe, proposait une série de photographies du canal du Nivernais à tous les points du jour : 

GUYLAINE PERRAULT AU FIL DU CANAL DE BOURGOGNE

          Eclusière et contemplative, comme si ces deux adjectifs découlaient l'un de l'autre, Guylaine Perrault a tout loisir d'admirer la nature au long du canal de Bourgogne. Photographe, elle porte son regard très personnel sur ce fleuron de la navigation française, participant ainsi à la préservation et la mémoire du patrimoine fluvial.

          Son poste d'éclusière lui permet d'être le témoin des variations végétales des rives de ce canal auquel elle est attachée, et les belles photos qu'elle dispose sur la berge ne manquent pas à chaque été revenu, de surprendre et fasciner les cyclistes qui musardent sur "la véloroute" et les marins d'eau douce jamais lassés d'assister à l'ouverture de cette machine antédiluvienne qui leur ouvre le passage ! 

          De ce cours d'eau au tracé si rectiligne, Guylaine saisit les moindres variations : du ciel noir chaotique où le reflet des nuages se bouscule dans l'eau ; au ciel bleu qui éclaire la cime des peupliers borduriers, ou de ces arbres à bois dur, l'orme et le frêne dont les troncs gigantesques du fait de leurs racines subaquatiques se reflètent dans les eaux sombres. Ses images attestent de la richesse de cette langue foncée traversant le paysage. De la vie manifeste, également lorsque son appareil capte l'éclat d'un gardon gourmand frétillant au bout du fil d'un pêcheur tapi dans les plantes fluviatiles ou la silhouette d'un blanc grisâtre de quelque bovin échappé du pré avoisinant, dont le meuglement sourd rompt le silence. Mais ce qu'elle préfère, ce sont les jours de brume où les arbres sont à peine silhouettés, où les péniches semblent jouer à cache-cache, et l'eau grisâtre se ride au friselis du vent léger.

          Il n'est donc pas étonnant qu'elle se soit appropriée ce "ruban d'eau" et ses jeux de lumière avec le soleil. Et que, subséquemment, elle ait affirmé depuis plusieurs années, cette prise de possession sous le titre tellement évocateur : "Le canal dans l'œil de Guylaine". 

Jeanine RIVAIS

 

          Enfin, se poursuivait l'exposition des gravures de Georges Rouault, dont je vous ai parlé lors de son vernissage. 

"Pourquoi cette exposition ROUAULT au musée Pierre Merlier"; demandait alors Michèle Merlier, lors de son discours, "alors que les œuvres de l'un sont sans rapport avec les œuvres de l'autre ? 

Pas tout à fait sans rapport : Tout est venu des créations de Pierre Merlier, avec lesquelles il rendait hommage à Alfred Jarry, en intitulant sa série 'Ubu Roi" (…) Lorsque Pierre a réalisé cette série de "Père Ubu", nous avons décidé d'interpréter un passage d'"Ubu roi" de Jarry, que j'avais choisi et joué au théâtre-atelier. Je ne sais plus qui a alors commencé à appeler Pierre le "Père Ubu" ; je suis donc devenue la "Mère Ubu". Toujours est-il que Florent, notre fils, qui n'est pas ici aujourd'hui parce qu'il vit aux Etats-Unis, a toujours appelé son père "Ubu" !

          Bref, il y avait à voir pour tous les goûts. Sans parler des œuvres de Pierre Merlier, monstrueuses ou drôles, attachantes ou désespérées, qui continuent de bouleverser, amuser, surprendre les visiteurs. Et le ciel ayant été clément pendant quelques heures, rien n'est venu gâcher la fête. Car bien sûr, les visites furent suivies du verre de l'amitié. J.R.

 

Ne manquez donc pas de venir voir toutes ces petites merveilles jusqu'au 22 juillet 2024.

Pour les personnes qui se trouvent à Auxerre sans voiture et qui aimeraient venir visiter le Musée : Transport à la demande, appeler LEO Tél. 0800 009 902

- Transportation on demand, call LEO, phone number 0800 009 902.

Réouverture le 1er avril de chaque année.

MUSEE PIERRE MERLIER : MOULIN du SAULCE, Chemin. du Saulce, 89290 Escolives-Sainte-Camille Téléphone : 06 75 12 87 04

Horaires : : Le Musée se visite de Pâques à la Toussaint tous les jours sauf mardi, de 11h à 18h.

Le Musée se visite également sur RDV hors saison.

 

LES IMAGES : 

1/ Les lauréats de Singuliers regards.

2/Pierre Merlier vu par Claude Friess ; et photos de Claude Friess au-dessus des sculptures de Pierre Merlier.

3/ Quelques photographies de Guylaine Perrault.

4/ Sculptures des Réincarnations du Père Ubu de Pierre Merlier, et Gravures de Georges Rouault.