MARTINE ASONI, peintre

ENTRETIEN AVEC JEANINE SMOLEC-RIVAIS

*****

Jeanine Smolec-Rivais : Avec vos œuvres, vous êtes, d'une façon générale, dans le monde de l'humain ?

Martine Asoni : Oui.

 

J.S-R. : Plus précisément dans le monde du portrait, parce que beaucoup de vos personnages sont présentés en "cartes d'identité" ?

M.A. : Oui, on peut le dire ainsi.

 

J.S-R. : Vos œuvres sont des peintures ? Ou du crayon ?

M.A. : C'est de la peinture. Parfois du pastel. De l'huile sur toile ou sur papier toilé, sur carton. Un autre tableau est une empreinte de palette.

 

J.S-R. : Qu'appelez-vous "une empreinte de palette" ?

M.A. : J'avais fait précédemment un travail sur le papier qui m'a servi pour mélanger les couleurs. Je trouvais dommage de gaspiller cette peinture. Et je l'ai appliquée sur un autre papier. J'ai procédé de la même façon pour d'autres petits tableaux.

J.S-R. : Le résultat vous donne deux factures différentes : l'une où aucune interruption ne survient dans la conception du personnage ; l'autre où se produisent des apparitions, ou des disparitions ?

M.A. : Oui. Mais dans ce travail, je vais à l'aveuglette : au début je ne savais pas que je ferais un portrait. J'ai appliqué cette palette, et après j'ai laissé un peu ouvrir. Et, dans les heures qui ont suivi, j'ai cru voir des yeux, par exemple. Après, j'ai travaillé le reste.

Ailleurs, j'ai appliqué du pastel, sans avoir une intention précise.

 

J.S-R. : Vos trois personnages ? Tout de même, ils sont bien silhouettés…

M.A. : Oui, parce qu'après j'ai laissé passer deux heures, le temps d'un repas… et finalement, ce que j'ai vu à travers ces taches, c'étaient trois personnages.

 

J.S-R. : Si j'ai bien compris, vous voulez dire qu'au départ, votre main bouge sans idée préconçue ? Et après, vous apercevez une sorte de silhouette que vous reprécisez ?

M.A. : Oui. Pour ces tableaux que nous venons d'évoquer.

 

J.S-R. : Parfois, quand je vois par exemple l'oiseau sur une branche, je pense beaucoup aux œuvres des peintres du dimanche ?

M.A. : Je vous le concède, oui. Mais c'est parce que le thème de l'oiseau sur la branche m'a plu. Et, honnêtement, je me suis inspirée d'une carte postale.

 

J.S-R. : Et pour les paysages ?

M.A. : Pour eux, je n'avais aucun modèle ! Un jour, j'ai décidé de faire une fenêtre ouverte. Je l'ai tracée, mais sans aucun modèle.

 

J.S-R. : Pourquoi insistez-vous sur ce fait ? Parce que, pour les autres, vous aviez un modèle ? Ce tableau me fait penser à la Montagne Sainte-Victoire.

M.A. : Non pas. Dans ce cas, je suis partie d'une idée. J'ai eu l'idée de faire une fenêtre, et comme j'habite dans le Sud… Mais je n'ai pas décidé de reproduire la Montagne Sainte-Victoire, tandis que la fenêtre, oui !

Pour celui-là, je n'avais pas l'idée préconçue de faire un paysage. En fait, je suis partie d'une feuille qui me servait à poser les couteaux pour la peinture que j'étais en train de faire. Au bout d'un moment, je me suis dit que cela pouvait faire un paysage ! Et je l'ai retravaillé.

J.S-R. : Mais ce paysage-là pourrait être simplement un jeu de couleurs. Nous l'appelons paysage parce que nous le voyons par la fenêtre. Vous dites : "Je n'avais pas l'intention de faire un paysage", je dirai que cela se voit. Qu'en fait, ce sont des harmonies que vous avez créées, plutôt qu'un paysage.

M.A. : Oui, ce n'est pas un paysage réel.

 

J.S-R. : Celui qui me surprend, c'est celui où je me demande si vous avez trois ou quatre personnages. Je vois bien deux bouches, deux yeux, mais ils ont l'air tellement imbriqués l'un dans l'autre… En plus vous avez des petits personnages qui sortent de la tête du troisième… Nous voilà dans une facture complètement différente, de la psychologie, du drame, du fantasme, etc. Nous entrons dans le monde des sentiments, alors que le reste n'était pratiquement que technique.

M.A. : Là, oui, entrent des sentiments. Pour l'un de mes tableaux, j'avais fait un rêve, de quelqu'un qui avait "une peur bleue" ! Il a été réalisé d'après photo, car j'en ai ressenti le besoin. Il en est sorti ce visage qui, paraît-il, fait penser à Picasso.

 

J.S-R. : Ces trois portraits seraient ressemblants à quelqu'un ?

M.A. : Le premier, oui. Le second, pas du tout, je l'ai fait "à la sensation", c'est-à-dire que j'avais besoin de rouge, j'ai donc disposé du rouge sur le support. Après, c'est comme lorsqu'on a faim ! Pour le dernier, j'avais entendu une conversation qui m'avait extrêmement choquée. Pour m'abstraire de cette conversation, je me suis déplacée, et j'ai fait ce portrait.

 

J.S-R. : Question traditionnelle : Y a-t-il d'autres thèmes dont vous auriez aimé parler et que nous n'avons pas abordés ? Des questions que vous auriez aimé entendre et que je n'ai pas posées ?

M.A. : Merci d'être là !

 

ENTRETIEN REALISE DANS LA MAISON DE LA CHEMINEE, LE SAMEDI 31 MAI 2014, LORS DU XXIIIe FESTIVAL BANN'ART ART SINGULIER ART D'AUJOURD'HUI.