Jeanine Smolec-Rivais : Pascale Roux, il me semble que votre travail commence par le dessin, et qu'ensuite vous faites des compositions en volume ? Vos dessins sont à l'encre de Chine ?
Pascale Roux : Oui.
J.S-R. : Ils me semblent très imaginatifs. Vous mettez en scène des personnages. Mais si je cherche à recomposer l'un d'eux, cela me semble très difficile ! Vous le travaillez, vous le prolongez, vous lui ajoutez des antennes, etc. On dirait un foisonnement. En plus, le mot me semble convenir puisqu'il s'agit souvent de feuilles… Un foisonnement dans lequel vous ajoutez des végétaux qui sont en même temps des personnages ?
P.R. : Oui, c'est cela. Mais en plus, il y a toujours des petites choses cachées, comme ce petit être en blanc en train de glisser le long du personnage principal. Ce sont des êtres un peu fantastiques.
J.S-R. : Vous êtes avec les Djinns, les elfes… ?
P.R. : Non, pas du tout !
J.S-R. : Donc ce seraient des personnages "réels", des personnages que vous avez rêvés, des personnages fantasmés ?
P.R. : Oui, ce seraient peut-être des personnages de rêve, de cauchemar ?
J.S-R. : Mais vos personnages me semblent plus tristes qu'inquiétants ?
P.R. : Oui. Mais il y a derrière un œil qui le regarde !
J.S-R. : Oui : A qui est cet œil ? En fait, c'est à chaque fois la même problématique : où est le commencement ? Où est la fin?
P.R. : L'un de mes tableaux est intitulé "Ainsi va la vie", où le personnage marche sur un fil. Le personnage est la vie.
J.S-R. : On pourrait dire que c'est presque un centaure ?
P.R. : Je ne l'avais pas vu ainsi !
J.S-R. : Et cette tache nacrée, dedans, ce serait un moment de répit ?
P.R. : C'est la vie.
J.S-R. : Moi, je le voyais comme un moment de repos, une sorte de halte entre les épisodes de cette marche. Cela revient un peu au même que ce que vous avez dit ! Avec la tête retournée et une trompe. Et cet œil dans le vide.
P.R. : Ensuite, chacun y voit ce que lui dicte son imagination !
J.S-R. : Complètement différents, vos objets textiles ?
P.R. : Oui.
J.S-R. : Nous sommes encore dans le végétal ? Quelle est la relation entre ce personnage et ce que nous venons de voir avant ?
P.R. : Peut-être le fil qui est toujours là. J'ai l'impression de broder, de coudre…
J.S-R. : On pourrait dire que c'est votre côté drolatique ? Votre côté un peu humoristique ?
P.R. : Oui, là je parlais du cheminement de la vie qui est forcément sérieux. J'aime bien faire des personnages mélancoliques, mais aussi d'autres qui ont de l'humour. J'ai travaillé sur des masques, des masques de grossesse. J'ai gardé des sièges mais j'ai transformé les supports pour faire des visages.
J.S-R. : Nous sommes donc là en plein dans la dérision.
P.R. : Oui, tout à fait !
J.S-R. : Et le sac, à côté ? C'est la même chose ?
P.R. : Vous y voyez un sac, moi j'y vois un personnage bras tendus.
J.S-R. : Comment appelez-vous vos supports, une fois que vous les avez enlevés en tant que parties de sièges ?
P.R. : Je les ai appelés des "Têtes en gueules". Parce que ce sont des sièges qui font la tête. C'est un jeu d'enfants. Et c'était pour faire référence à ce jeu.
J.S-R. : Vous parliez tout à l'heure de broder ces compositions. Là on peut dire que vous les avez brodées non pas avec du fil, mais avec un pinceau.
P.R. : Oui, c'est de la peinture acrylique.
J.S-R. : Quand faites-vous de la vraie broderie, comme autour de certains objets ? Et quand de la peinture ?
P.R. : En fait, je ne brode pas. Quand il y a de la broderie, c'est que je l'ai achetée.
J.S-R. : Alors, pourquoi parfois mettez-vous de la vraie broderie ? Et parfois la peignez-vous ?
P.R. : Peut-être est-ce parce que je ne maîtrise pas la broderie ? Je ne sais pas trop !
J.S-R. : Diriez-vous que cette série-là serait un peu de l'Art-Récup ?
P.R. : Oui, c'est de la récupération.
J.S-R. : En fait, vous ne récupérez que de l'animal : je vois de la fourrure, des plumes… Et des objets comme cet éventail ?
P.R. : Oui.
J.S-R. : En fait, à considérer tous ces objets, vous partez d'un point de vue réaliste, et vous terminez par un point de vue fantaisiste.
P.R. : Je crois qu'il y a le côté féminin, aussi ! Qui revient à chaque fois avec le fil et la broderie.
J.S-R. : Plutôt que "le côté féminin", je dirai "le côté destiné au féminin". C'est-à-dire un sac à main, etc.
P.R. : Non, moi je n'avais pas pensé aux sacs à mains. Pour moi, c'était comme la voûte céleste.
J.S-R. : En fait, ce sont des sièges de voiture ?
P.R. : C'est un siège de mon père.
J.S-R. : Pour en revenir à vos dessins, j'en vois un qui ne me semble pas dans la ligne de ceux que nous avons regardés au départ. Parce que, lui, est très géométrique. Vous avez un personnage bien carré, des carrés autour de lui, une sorte de labyrinthe, en fait. Presque comme si vous aviez un damier ?
P.R. : En fait, c'était un jeu. C'est de la récupération. D'un côté, et de l'autre, ce labyrinthe.
J.S-R. : Vous faites aussi de l'illustration ? Je vois que vous avez un livre à votre nom ? Vous avez donc raconté une histoire, et vous l'avez illustrée ?
P.R. : En fait, j'ai récupéré un conte de Sibérie. Je l'ai réadapté, épuré et je l'ai illustré.
J.S-R. : je vais en venir à ma question traditionnelle : Y a-t-il d'autres thèmes dont vous auriez aimé parler et que nous n'avons pas abordés ? Des questions que vous auriez aimé entendre et que je n'ai pas posées ?
P.R. : Non, je ne crois pas. Je trouve très difficile de parler de mon travail.
ENTRETIEN REALISE DANS LA SALLE DE L'ART ACTUEL, LE SAMEDI 31 MAI 2014, LORS DU XXIIIe FESTIVAL BANN'ART ART SINGULIER ART D'AUJOURD'HUI.