BANN'ART ART SINGULIER, ART D'AUJOURD'UI
XXXIe FESTIVAL
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LIEUX ET EXPOSANTS
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POURQUOI LES ARTISTES NE SE SUCCEDENT-ILS PAS PAR ORDRE ALPHABETIQUE ? PARCE QU'IL EST INTERESSANT DE LES "RENCONTRER" A COTE DES EXPOSANTS QUI FORMENT AVEC EUX UNE SUITE HARMONIEUSE !
D'origine hollandaise, Jean Goede est graveur. Ses gravures sur cuivre imprégné de vernis, témoignent de son goût pour la nature, les oiseaux, les arbres et les rochers qu'il reproduit, souvent des paysages d'Ardèche où il réside, car il aime plus que tout travailler in situ !
Connaissant sa technique jusqu'au bout de la pointe la plus fine, ainsi se succèdent les motifs dont il s'imprègne au cours de ses longues heures dehors ! Pour ce faire, il reprend des techniques déjà existantes au Moyen-âge, toutes les nuances de "rendus" lui étant accessibles, y compris ajouter parfois un peu d'aquarelle afin d'éviter la monotonie d'œuvres en noir et blanc. J.R.
VOIR AUSSI : ENTRETIEN REALISE DANS LA SALLE DE L'ART ACTUEL A BANNE, LE SAMEDI 31 MAI 2014, LORS DU XXIIIe FESTIVAL BANN'ART ART SINGULIER ART D'AUJOURD'HUI.
Les artistes sont généralement d'accord pour dire que peindre un enfant, c'est retrouver des moments, des espaces qui ressemblent à autant de souvenirs de leur propre enfance. Exprimer sur la toile des sensations, des éclairages, des images… ressentis dans un passé plus ou moins lointain. Certains vont même jusqu'à exacerber ces sensations en tentant de "peindre comme un enfant" ! Lou ne peint pas "comme" un enfant ; mais elle peint des enfants. Des fillettes, avec un petit côté rétro qui la ramène au temps de celles qui peuplaient les livres de la Comtesse de Ségur !
Et que l'enfant soit rousse, blonde ou brune, que sa robe évoque le flou d'une mousseline ancienne unie ou à fleurs, droite ou à volants, la fillette est toujours de face au centre du tableau, regardant (comme posant pour une photo qui témoignerait de sa réalité) le visiteur en off !
Lequel s'étonne de ces compositions si simples, en somme, tellement simples dans leur entièreté, qu'il faut toute la science intuitive des mises en scène de Lou pour qu'il se détache de l'enfant et commence à explorer son environnement ! Car toutes les "scènes" sont conçues sur un même schéma : L'enfant, donc, comme évoquée plus haut, droite sur un fond non signifiant allant de nuances de violines souvent, à des bruns ou des mélanges verdâtres. Seule, adoptant une posture expressive, mais toujours statique ; sauf à jouer à la marelle, à tenir un bouquet ; ou, pour s'accrocher à un peu d'humour laisser s'approcher une poule, voire la tenir en laisse !
S’imposent alors les yeux des petits personnages, pleins d’expressivité qui, tantôt pétillent de malice, débordent de joie de vivre, tantôt promènent sur leur environnement leur regard vague, leurs airs penchés comme dubitatifs ou leur fixité perplexe ! De tels yeux, s’ils peuvent certes, être joueurs et infantiles, véhiculent tous une lourde charge de sincérité et de tendresse. Ils complètent les mimiques des bouches toujours petites, pincées, légèrement de guingois, rondes de surprise, mutines, etc. et leurs cheveux frisés ou en bataille ! Un ensemble d'un charme naïf et poétique autour duquel il est facile de broder subjectivement une histoire, car ces peintures participent d’un même esprit à la fois ludique et grave, un petit monde très personnel, d’une artiste qui, sous l'extrême réserve, possède une imagination floribonde, dans un style résolument moderne sous ses airs surannés dus aux teintes douces qu’affectionne cette coloriste de talent.
Ainsi, pour Lou, parler d’enfance peut sembler un truisme, car tous ses personnages "sont" des enfants, sans que rien, dans ses œuvres, aucun contexte (dont l'absence a déjà été notée) puisse expliquer de quelle profondeur inconsciente surgit cette obsession. Mais tout se passe comme si, en les peignant à l’âge où elles découvrent le monde, elle conférait à ses fillettes le droit à l’émerveillement, la faculté de rêve… Comme si, elle-même, ayant perdu l’univers heureux de sa propre enfance, cherchait à retrouver la féerie de son Eldorado d’antan, et en restituait avec nostalgie les impressions rémanentes.
Jeanine RIVAIS
En 2017, France Guimezanes qui exposait pour la première fois à Banne, présentait une série de portraits allant de l'enfant à l'adulte ; et une création plus fantasmagorique, quittant la réalité, pour se lancer dans le rêve, plonger finalement loin dans son inconscient : tantôt à tire-d'aile, s'envolant vers la lune ; tantôt en costume de fée, endormie parmi oiseaux et papillons ; tantôt encore célébrant l'espérance du retour à la vie tellement important dans son esprit qu'elle peignait "la femme arbre", à la fois humaine et végétale : une création où elle mettait dans ses personnages et ses ciels bleus toute sa sensibilité, sa fantaisie, sa tendresse surtout. Cherchant à travers ses créations le sens de la vie. Produisant ainsi une œuvre originale et poétique.
Pour sa seconde participation, elle présentait une œuvre beaucoup plus modeste, de gravures, traitant de sujets humanoïdes ; et trois peintures dont l'une représentait une sorte de minuscule oasis perdue dans une immensité vide : France Guimezanes à la recherche d'un nouvel espace d'art ? J.R.
VOIR AUSSI : TEXTE DE JEANINE RIVAIS : " ENFANCE, ADOLESCENCE, ET AGE ADULTE DANS LES QUESTIONNEMENTS DE FRANCE GUIMEZANES" : http://jeaninerivais.jimdo.doc/ Rubrique FESTIVALS BANN'ART 2017.
Il semble que, périodiquement, Chantal Donadieu-Deveaux "jette un coup d'œil à sa fenêtre", et qu'il en résulte sur sa toile des îlots citadins où tournent sur un manège des êtres d'une parfaite rotondité ; des terrains bosselés sur lesquels poussent d'étranges pissenlits dont le foisonnement fait penser à des vagues, tandis que des ballons multicolores occupent l'espace aérien, et que des personnages issus peut-être de l'esprit de Jérôme Bosch sont tassés dans des barques de bois ; des hangars dont les murs tapissés à l'ancienne sont couverts de sacs à lait auxquels viennent périodiquement se sustenter quelques allochtones guidés par des sculptures humanoïdes ou des oiseaux migrateurs… Et puis, parce que le vent joue un rôle important chez cette artiste, ailleurs une éolienne se retrouve au milieu de ce qui pourrait être un erg désertique, car nulle végétation n'y est visible ; mais des groupes de personnages en forme d'œufs de Pâques dont seules les têtes dépassant seraient le ruban, s'agitent autour d'une entité pattue en train d'attraper dans un filet à papillon, des oiseaux dispersés alentour. Ailleurs encore –et tous ces "mondes" différents attestent de la fantasmagorie floribonde de la peintre-, une sorte d'araignée géante aux antennes dispersées dans les airs tend ses multiples pattes fines et souples vers des sortes de carabes, la rutilance de leur carapace et la costulation élytrale bien évidente surprenant sur le brun roux du sable ; d'autant qu'apparemment, tous évoluent debout !
Et les ciels ! Tous les ciels de cette œuvre aux architectures inattendues, sont conçus en des ocres plus ou moins bruns, selon que l'humeur peut-être de l'artiste est plus ou moins sombre ! Chaque scène devant, par contraste, être très colorée, à l'instar des décors d'intérieurs. Et pourtant, malgré cette "obligation" d'hyperchromatisme, les œuvres de Chantal Donadieu-Deveaux sont conçues sans le moindre hiatus, en de belles teintes douces, sans jamais de noir ni de blanc trop franc ; en des harmonies qui posent comme des évidences les éléments de ses paysages ; attestant subséquemment qu'elle est une très bonne coloriste.
Ainsi, jour après jour, dans l’intimité et le secret de sa maison, Chantal Donadieu-Deveaux voyage-t-elle de par des mondes issus de ses fantasmagories ; en des sortes de circumnavigations raisonnées. Car ce qui frappe, dans le travail de l’artiste, c’est la rigueur architecturale de l’exécution, la précision entomologique des éléments ; tout en ajoutant chaque fois quelque chose d’elle-même. Sa touche personnelle. De sorte qu’une fois terminé, quel que soit le thème abordé, se dégage du tableau une impression de calme et de sérénité ; ou au contraire une pointe d'angoisse, d'inquiétude peut-être ?
Des voyages, donc, au cours desquels les couleurs douces évoquées plus haut unifient encore ces cosmographies immobiles d’où toute une vie est absente, la présence de l’homme impensable qui créerait des disruptions dans cette idéale "organisation" cosmique.
Et le visiteur qui, soudain, se trouve face à ces univers fascinants pour son oeil impatient étonné d'une telle perfection picturale, aimerait bien y détecter une minuscule existence humaine, la plus petite faille à laquelle il pourrait s’agripper. C’est pourquoi, revenu sur sa planète brouillonne et chaleureuse, il s’interroge sur les motivations qui poussent une artiste dont la définition devrait être chaos primal, folie créatrice, à dispenser son incontestable talent en une réalisation illogique, faite de pure imagination, un impressionnant travail de vie "ailleurs" ?
Jeanine RIVAIS
VOIR AUSSI : ENTRETIEN AVEC JEANINE RIVAIS : http://jeaninerivais.jimdo.com/ Rubrique FESTIVALS BANN'ART 2014.
Les personnages de Fauve, des femmes toujours, appartiennent aux classes huppées de la société. Qu'est-ce qui peut amener le visiteur à formuler ce postulat ?
Certes pas leur habitat représenté presque nulle part, et les rares fois où tel est le cas, les maisons sont paradoxalement chaotiques. De guingois ! Et, si par inadvertance, il reste un petit coin de fond non occupé, il est non signifiant ! Donc, la plupart du temps, sûres d'elles, elles occupent tout l'espace !
Leur vêtement, alors ? On pourrait dire que c'est lui qui fait le moine ! leurs bijoux, d'abord, longs colliers de perles dont elles jouent négligemment. Et puis, leurs robes largement décolletées, fleurant bon le grand couturier, aux couleurs chamarrées, qui accusent étroitement leurs tailles fines et leurs formes délicieusement insolentes. Et puis, elles sont gantées et chapeautées, rarement en cheveux. Parfois, un châle négligemment posé sur une épaule, une cravate de travers attestent qu'elles sont à l'aise, entre elles, qu'elles appartiennent toutes à cette classe des désœuvrées qui occupent leur temps à papoter ; boire des coupes de champagne ; jouer du piano ou de la trompette, pour épater leurs "amies" !
Enfin, ce ne sont certes pas des jeunes filles en fleur ! Elles doivent frôler la quarantaine, l'âge où elles se sentent obligées de se maquiller outrageusement, les paupières très noires, les bouches charnues très rouges ! Mais toutes ont un nez long, carré, un profil arrogant, ce qui fait que, malgré tous ces atours, elles ne sont pas belles ; mais "la question de la beauté est secondaire en peinture, les grands peintres du passé étaient considérés comme tels lorsqu'ils avaient développé du monde une vision à la fois cohérente et innovante". (¹). Est-ce l'avis de Martine Dechavanne ?
En tout cas, il semble bien qu'elle ne soit pas d'accord avec la remarque d'un artiste affirmant qu'"il est intéressant de garder à l'esprit que les femmes représentées" (par des peintres) "sont la plupart du temps le produit du regard des hommes". Est-ce pour cela qu'elle les a bannis de ses œuvres ou que si elle en glisse un, il est toujours tellement androgyne qu'il ne contraste guère avec le lot féminin ? Et, si "souvent, dans leurs représentations, n'est retenu qu'un aspect de leur personnalité ou de leur rôle social", elle a choisi la femme hors de chez elle, la femme festive, aimant la vie et ses plaisirs ! La femme qui "a de l'allure", une autorité naturelle. La femme en grande complicité avec ses semblables, sans que jamais cette complicité évoque la moindre sensualité !
Ainsi, depuis bien des années, Fauve peint-elle avec une certaine liberté de gestes et des mouvements amples, des femmes en société ou seules, dans des teintes rouge-orangé et/ou violines. (Il serait d'ailleurs intéressant de lui demander si elle s'est baptisée "Fauve" à cause de son choix un peu obsessionnel de ces couleurs ? Ou l'inverse ?) Et il est surprenant de trouver soudainement sur ses cimaises, des femmes (encore) aux visages blanc cassé et aux vêtements et tous apprêts traités dans des teintes de gris ! Fauve finalement en mutation ?
Jeanine RIVAIS
(¹) Michel Houellebecq. La Carte et le territoire, 2010.
VOIR AUSSI : ENTRETIEN AVEC JEANINE RIVAIS : http://jeaninerivais.jimdo.com/ RUBRIQUE FESTIVALS BANNE 2012.
Aucune relation, aucune histoire commune entre les éléments de la création d'Olivia Guttierez ; si ce n'est de façon récurrente des bouquets ou parfois un coq. Et surtout que tous sont composés avec des graines collées drues sur le support. Des graines de provenances (vrais bouquets séchés et réutilisés ; cafés de Colombie d'où elle est originaire, lin…) et de tailles différentes peintes de couleurs différentes de façon à donner des compositions aux nuances vives. D'autant plus que chaque "sujet" est recouvert de vernis à vitraux brillants. Ainsi obtient-elle des compositions originales et agréables à l'œil. J.R.
VOIR AUSSI : ENTRETIEN AVEC JEANINE RIVAIS : http://jeaninerivais.jimdo.doc/ Rubrique COMPTES-RENDUS DE FESTIVALS : Banne 2010.
Il semble bien que les paysages de Valérie Prats soient autant de morceaux de souvenirs de voyages. Voyages avec exotisme ; là où règne toujours le printemps, parce que ses végétations luxuriantes sont éternellement vertes ! Avec pourtant quelques rappels possibles la ramenant à des lointains plus connus, comme les troncs rugueux couverts de cicatrices et les longues feuilles des palmiers. Mais aussi végétations imaginaires accrochées aux rives de quelque source puissante dégringolant sur des rochers. Tout cela, en ajoutant quelque chose d’elle-même. Sa touche personnelle. De sorte qu’une fois terminé, quel que soit le lieu abordé, se dégage du tableau une impression de calme et de sérénité ; une grande harmonie que rien ne semble devoir troubler. Incontestablement, l'artiste entraîne le visiteur vers ses "oasis” ; sensation paradoxale, puisque aucun individu n’y est jamais visible.
Aussi paradoxaux sont les "lieux" où se trouvent les personnages ! Car ils sont toujours non signifiants ; à tout le mieux proposent-ils quelques vagues formes carrées amorçant un passage étroit derrière l'individu, homme ou souvent femme ; nu(e) toujours. Debout, comme en représentation ; se regardant dans un miroir. Seul(e) dans le rectangle bien délimité qui semble l'enfermer. Conçu(e) en des couleurs éteintes, une légère touche de flou créant une distance avec le personnage.
En somme, chaque élément des pérégrinations ou des rencontres de Valérie Prats, paysages donc ou humains, est peint en teintes douces, avec une grande tendresse et proximité. Une peinture non pas narrative, non pas réaliste, mais stylisée ; aux lignes d'où est absent tout angle dur. Posées comme des évidences.
Jeanine RIVAIS
LES FEMMES DE MAGALI TARAGONNET
Depuis toujours, Magali Taragonnet a été une art-récupératrice ! Glanant tout ce qui est rouillé, intact ou brisé, métallique ou autre, signifiant ou pas… simplement quelque chose qui lui parlait, qui lui parle, qui va s'entasser aux limites de son atelier et qui, un jour entrera dans l'une de ses compositions.
Tout de même, pendant longtemps, et sans qu'elle en ait vraiment conscience, ces objets ont servi de carcan aux femmes qu'elle créait. Car si, pour chacune, l'anatomie était de terre, entraient dans son allure, des objets "trouvés". Les fixant, les entourant, les cernant, bien que souvent invisibles, s'assurant en fait de l'impossibilité pour elles de partir vers d'autres "ailleurs" !
Les femmes de Magali Taragonnet ! Elles étaient uniques au monde, la gent masculine n'existant pas dans sa création ! Toutes posées sur un socle rouillé, pour montrer qu'elles avaient conscience du passage du temps ! Et toutes bâties sur une même idée : leur aspect plantureux, bien en chair, potelé diraient les esthètes. Mais surtout, elles avaient en commun des énormes panards ! Ce qui contribuait à assurer leur assise terrestre ! Et puis, parce qu'elles étaient pudiques, elles portaient toujours comme les grands-mères, de jolis sous-vêtements qui les couvraient sans dissimuler leurs formes. Un peu coquines, donc, mais jamais érotiques ! Belles ! Leurs grands yeux largement ouverts sur le monde, pétillants de vie et d'intelligence ! Drôles, avec leurs petits nœuds-nœuds brillants dans les cheveux ou leur doigt dans le nez au-dessus d'un baril de poudre ! Avec cela, atemporelles, sans lien historique, sans lieu géographique, sans aucune connotation de situation sociale ! Quelle nostalgie, de ne plus les voir !
Parce qu'un jour, il y a eu trois "Petits chanteurs à la cage en bois", encagés, certes, mais chantant à pleine gorge. De la musique sérieuse, sans doute, parce qu'ils tenaient tous un livret à la main ! Drôles avec leurs cous de femmes-girafes, leurs mentons lancés en avant, leurs grands yeux et leurs bouches lippues largement ouvertes ! Ce pourraient bien être eux, les transfuges, les coupables ; eux qui auraient passé le relais et introduit la gent masculine dans le monde de Magali Taragonnet ?
Car depuis leur prestation, l'œuvre de l'artiste a totalement changé ! Sans pourtant perdre de sa personnalité, ni de sa qualité ! Mais n'ayant plus le même air de famille ; comme un paradis perdu qui serait désormais privé de son identité originelle ! Des hommes, qui ont des allures de saints (!!!) qui sont en fait ici un "Masaï tiré à 4 épingles" ; là des "Mauvais garçons", les yeux levés au ciel… Mais aussi un magicien au visage couvert d'une tête d'oiseau, tentant de dresser un "Poisson insoumis" ; une sorte de richard au visage très masculin portant la robe, avec à ses pieds un petit personnage dont la forme ressemble à s'y méprendre à un phallus !
D'où il s'avère, finalement,
*** Qu'aucun personnage n'a la même configuration : tubulaires comme pour "Les mauvais garçons" ; large, au corps constitué d'une gourde métallique pour "Ubu Max" ; formé de plusieurs étages d'objets de natures différentes pour "Amadeus" tenant à la main un rouleau de musique ; entièrement vêtu de noir, à croupetons sur une chèvre ailée pour "Le colporteur à la plume" ; langoureusement allongé sur un cadre de vélo orné d'une sacoche à dents, etc.
*** Que, désormais, les titres sont presque toujours présents, bien en vue sur les pieds du personnage. Comme si Magali Taragonnet était devenue plus littéraire, vu la complexité de certains tel "Le Cercle des collectionneurs d'opercules" ? A cela, elle n'a pas de réponse : "L'objet se crée", dit-elle, "et le titre vient". Ou (ces titres faisant souvent redondance avec le sujet), qu'elle s'inquiète du fait que le spectateur ne comprendrait peut-être pas de quoi elle "parle" ?
*** Qu'assurément, les accessoires sont désormais une partie importante de ses créations. Du moins les laisse-t-elle apparents (grille, cordes, verrou…) pour la "Carriole à clochette de Petit Pierre", ledit Petit Pierre pointant sa tête minuscule à la fenêtre.
*** Et que toutes les oeuvres, quelles que soit la configuration de leurs jambes reposent sur de vieilles planches, des palettes surannées, des pierres inégales…Comme si l'artiste pensait : "Qu'importe le support, pourvu qu'on ait l'ivresse !" Et peut-être ajouterait-elle : "Ce qui m'importe, c'est de développer une pratique plurielle, posant la question des matériaux, des gestes laborieux qu'ils impliquent de ma part, et des identités que j'en extrais" ?
Bref, Magali Taragonnet joue toujours dans la cour des grands. Son ultime objectif semble bien être de laisser une empreinte, SA trace singulière. Et chacun sait que tout artiste se grandit de ses propres paradoxes ; s'inscrit dans son temps non seulement par l'intensité de ses thématiques, la solidité et la cohérence de ses créations et de leur développement, la multiplicité et la variabilité de leur forme. Elle est devenue la créatrice, en somme, d'une œuvre ouverte, que le public a toujours plaisir à déchiffrer.
Jeanine RIVAIS
TEXTE ECRIT SUITE AU XXXIe FESTIVAL BANN'ART ART SINGULIER ART D'AUJOURD'HUI DE BANNE, EN MAI 2018.
VOIR AUSSI : ENTRETIEN AVEC JEANINE RIVAIS : http://jeaninerivais.fr RUBRIQUE COMPTES-RENDUS DE FESTIVALS : MIERMAIGNE 2008.
Avec un nom pareil, se dira le visiteur arrêté devant les œuvres de Pascale Le Mouëllic, elle est forcément bretonne ! Jugement totalement erroné, puisqu'elle est originaire du Midi ! Simplement, elle est depuis toujours récupératrice, très souvent des bords de mer. Et tous ses objets, tous ses personnages sont composés avec le produit de ses glanes (cailloux, coquillages, tressages d'osier, etc.). Et même si quelques marins en pull à rayures bleues et blanches se disputent ses cimaises avec des galets peints, des coquillages et autres boîtes de sardines, il ne faut voir là que menus détails dans un monde qui relève plus des petites histoires en général que du folklore breton.
D'autant que, désormais, sa création a évolué. Moins de petits objets ; et plus de personnages. Comme si était apparue chez elle une volonté de plonger dans ses sources les plus profondes. Une série de personnages ballottés, tiraillés par des cordes (réelles) qui les fixent aux quatre côtés du cadre dont ils dépassent d'ailleurs souvent les limites, comme si leur existence dépendait de leur pouvoir de transgression.
Conçus sur un paradoxe qui veut que, tantôt peintures et tantôt sculptures, toutes les têtes soient réalistes (visages rieurs, surpris, attentifs…) ; les cheveux drus, frisés ou raides, blonds ou bruns, sans doute selon l'humeur de l'artiste. Ou peut-être sa fantaisie ? Par contre, si la danseuse de fandango virevolte dans sa totalité, ici se prélasse une sirène ; ailleurs le dessous de la taille se résume à une fleur largement épanouie ; la blonde émule de Marilyn Monroe a des pieds de poulet ; le jeune troubadour a de multiples pendentifs à la place des jambes ; et le bas du corps de la jeune femme immortalisée dans son cadre ovale disparaît sous un bouquet de boules bleues et blanches, etc.
Malgré ces "manques", toutes ces petites créatures ont ce côté instinctif des images prises sur le vif, "les sens en mouvement", traduisant des impressions de la vie quotidienne, très brèves, des émotions uniques, des petits éléments narratifs…. Et puis, profondément intéressée par l'humain, Pascale Le Mouëllic quitte les personnages solitaires, module des corps lovés, enlacés, imbriqués : des couples mobiles, voire des triploïdies, avec une grande interactivité entre les protagonistes…
Les couleurs chaleureuses, jamais violentes sont devenues emblématiques de ces petites créatures et corroborent une grande liberté d’interprétation de cet univers serein, insolite, d'une singularité sans angoisse, d'une vivacité poétique, une acuité picturale, une tendresse à fleur de toile. Un bel hymne à la vie !
Jeanine RIVAIS
VOIR AUSSI : ENTRETIEN REALISE A SAINT-PAUL LE JEUNE, AU FESTIVAL BANN'ART ART SINGULIER ART D'AUJOURD'HUI 2012.
Longtemps, la peinture d'Anaïs Le Coz a été qualifiée d'"abstraite". Peinture basée sur la mémoire émotionnelle, par opposition à la mémoire visuelle ; ne proposant ni images, ni couleurs, mais des impressions, des sentiments, des images intérieures. Et d'aucuns auraient pu la classer parmi les "nuagistes". A partir de là, chez elle comme chez tous les "peintres du ciel", chacun pouvait voir la mer, la montagne… dans ses créations ; c'est-à-dire réagir subjectivement à ses "propositions". Car, c’était un travail d’abstraction totale, allant chercher ses racines et sa force dans l’émotion. Pour ce faire, il lui fallait posséder de grandes qualités techniques, et savoir ne prodiguer rien d'ornemental, ni même de simplement décoratif !
Il semble qu'à un moment donné, lassée peut-être de cette vérité nue, l'artiste ait décidé d'opérer à partir du domaine très intériorisé de l’abstraction un glissement vers une gestuelle plus figurative, voire plus formelle. En venant doucement à l'"Abstraction figurative", ont émergé du magma primaire, des êtres à peine ébauchés. Des personnages ou des lieux ont commencé à être suggérés, à devenir des espaces, des volumes. L'artiste a alors semblé chercher, comme menée par un fil d'Ariane, une chose oubliée dans le temps. Son travail a mélangé des éléments figuratifs et des envolées abstraites. Le langage intime, secret, de code, personnel, est devenu une sorte d'écriture magique.
Enfin, est-ce parce qu'au fil du temps, l'Art abstrait est devenu dans l'esprit d'Anaïs Le Coz, "une poésie sans sujet, sans thème, sans exposé d'une problématique, et dont le sujet ne serait pas le poème. Une poésie qui ne parlerait pas d'elle-même, comme confite dans son jus. Elle ne serait pas automatique, elle n'en appellerait pas à l'inconscient. Elle recevrait ce qui l'entoure, en éveil à toute la sédimentation du présent : un réceptacle ou une chambre d'échos" (¹) qu'elle a décidé un jour de passer de cette formulation à l'Art figuratif ?
Pour autant, entrant de plain-pied dans le figuratif, elle est aussi entrée dans le merveilleux. Et se succèdent depuis lors de petites scènes fantasmagoriques, comme autant d'épisodes de contes où se rencontreraient biches aux bois fleuris et princesses coiffées de lourds hennins aux longs voiles flottants ; fées peut-être, éclairées de lunes et de soleils, reposant parmi une sylve abondante ; frêles personnages couverts de maillots/peaux fleuris, bizarrement dotés de queues dans lesquelles circuleraient quelque liquide générateur de serpents, entourés de scorpions et autres bestioles inattendues : un monde plus inquiétant, assurément, issu d'histoires exotiques par opposition aux scènes paisibles, sortes de mandalas dans lesquels une jeune femme mi-aquatique, mi-aérienne la tête couverte d'une coiffe compliquée, presque une fleur, semble reposer dans quelque île lointaine.
Le tout, abstrait et figuratif, conçu en de belles couleurs pâles, assortiments de gris ; ambiances de verts doux, de bleus azuréens. Des harmonies de couleurs, formes et matières par associations avec l'histoire qui se construit, comme une génération spontanée. Une peinture qui parle de rêves, de sensations, de visions où nature, humains et bêtes vivent en harmonie, où les personnages fantasmagoriques ne sont jamais loin. Une création imaginaire, des scènes de fééries qui emmènent loin la propre imagination du visiteur.
Jeanine RIVAIS
(¹)Frédéric Valabrègue
Quand il n'est pas à la pêche (la preuve de cette passion figure souvent sur ses toiles), Stéphane Montmailler peint ou sculpte. Une œuvre très hétéroclite en apparence, et néanmoins tellement personnelle qu'il est impossible de la confondre avec d'autres.
Certes, s'il ne peint pas des poissons, c'est l'humain qui le préoccupe ! L'humain jamais très à l'aise, peint sur des décors non définis mais toujours inquiétants (sols incandescents, éléments incertains volant autour du personnage sur fonds de ciels tourmentés ; couples jambes plongées dans l'eau, côte à côte mais ne se regardant pas, bras le long du corps (ne s'enlaçant donc pas), raides devant de vieux murs apparemment couverts d'indescriptibles plantes rudérales. Le tout peint avec n'importe quel outil qui lui tombe sous la main, ses doigts en premier lieu, le pinceau par hasard, et pourquoi pas la truelle ? Et toujours dans des teintes de gris, de rouges mêlés à des bruns…
Parfois, il se détourne vers la mythologie et c'est alors un minotaure, lascivement allongé, semblant flotter au-dessus des ruines d'une ville !
Lorsqu'il quitte les humains, Stéphane Montmailler devient Art-récupérateur, et avec les richesses découvertes lors de ses glanes, abandonnant peut-être son mal-être, il se lance dans des œuvres pleines d'humour teinté d'un brin d'ironie piquante. Déferle alors un bestiaire surprenant d'imagination : tatou protégé par des grilles de moulins à légumes ; chèvre à bascule ; grenouille grimpant à l'échelle pour indiquer qu'il fait beau dans le monde animalier de l'artiste !... Réalisé chaque fois en des tailles plus grandes que nature !
Et c'est ainsi que, sous ses airs d'éternel jeune homme hors-normes, Stéphane Montmailler est passé maître dans l'art de peindre le monde tel qu'il ne veut pas qu'il soit ; et les bêtes telles qu'elles devraient être !
Jeanine RIVAIS
VOIR AUSSI
ENTRETIEN AVEC JEANINE RIVAIS : http://jeaninerivais.jimdo.doc/ Rubrique FESTIVALS : Banne 2013.
Lorsque son envie, son goût tournent à l'obsession, le monde de Jean-Luc Tastevin se peuple de papillons. Là commence l'impossible défi : Qui dit papillon, pense à un être aérien, léger, fin, aux ailes délicatement tachetées. Les papillons de cet artiste sont monolithiques, pesants, raides, arrimés au sol par de puissants empattements.
Pourtant, à l'évidence, il se veut réaliste, respectant minutieusement sur "son" insecte, les courbes de celui qu'il a en tête ; martelant les ailes pour y créer brillances et matités… Mais les découpes sont dépourvues de dentelures ; les corselets sont roidement tubulaires ; les antennes immobiles ; et les taches éthérées représentées par de lourdes clefs plates, pinces, etc.
En somme, tout semble paradoxal dans le monde de Jean-Luc Tastevin : Peut-on penser que cette lutte contre la matière est sa façon d'exprimer ce qui dort en chacun : le désir de voler (paradoxe accentué par son choix de travailler le métal qui, par définition, l'empêchera de réaliser son souhait) ? Et, dans les multiples possibilités liées à ce désir, pourrait-il s'agir consciemment ou non de l'illustration de l'impossible aventure d'Icare, cloué au sol, mais rêvant jusqu'au fantasme de s'envoler ? De la quête fébrile de l'entomologiste tentant non plus de découvrir mais de créer un bel insecte inconnu ? De la fascination du peintre rêvant d'ocelles colorées mais ne chargeant sa palette que de l'éclat froid du métal ? S'agirait-il de tout cela à la fois ? De bien d'autres questionnements encore ?
Quelle que soit la réponse, il y a, dans l'univers de Jean-Luc Tastevin, dans le transfert de sa fantasmagorie à l'insecte symbolique, une véritable démarche porteuse d'une poésie d'espoir à contretemps, de rêve de légèreté antithétique de la pesanteur qui, depuis les origines, a empêché l'homme de quitter la terre ?
Jeanine RIVAIS
Les années ont passé. La passion de Luc Tastevin est devenue véritable boulimie dont on retrouve la trace (les traces) sur son corps, en tatouage ; sur sa veste comme la rosette de la Légion d'Honneur, etc.
VOIR AUSSI CE TEXTE AVEC D'AUTRES ILLUSTRATIONS A : TEXTE DE JEANINE RIVAIS : "LA CHASSE AUX PAPILLONS DE LUC TASTEVIN" : http://jeaninerivais.jimdo.com/ Rubrique FESTIVALS SAINT-AMANT-ROCHE SAVINE 2011.
Sculpteur, Giovanni Scarciello l'est depuis toujours ! Sur métal qui plus est ! Œuvres réalisées tantôt à partir de récup' de vieux outils agricoles : socles de charrue, anneaux, herses, pelles, vieilles pièces mécaniques…..). dénichés dans des fermes ou au hasard de ses pérégrinations. Dans ce cas, il lui arrive d'utiliser l'objet, l'outil tel quel ; mais le plus souvent, même s'il laisse en évidence la trace du passage du temps, il lui fait subir quelques modifications. Avec pour chacune, comme pour tous les récupérateurs, des moments de latence où l'artiste se demande si cette pièce convient bien à son attente ; si cette autre ne serait pas mieux ! Tantôt elles sont fabriquées à partir de plaques de métal acquises dans des casses. Et alors, pour chaque réalisation, il lui faut découper des tôles, à la main ou au laser ; amener les formes qu'il veut réaliser ; faire une armature, parfois, pour pouvoir créer des volumes. Marteler, ciseler, souder… Certaines sculptures sont donc plates, d'autres en ronde-bosse, mais jamais janiformes. Ainsi naissent des œuvres de métal. Et pour du métal, c'est du métal ! Des œuvres lourdes ! Massives ! Robustes ! Petites ou grandeur nature ! Des œuvres aussi bien humanoïdes qu'animalières !
Ainsi prennent corps des coqs fièrement dressés sur leurs ergots, leurs plumes dessinées une à une sur le métal, les pennes des ailes élégamment découpées ; des poissons et autres animaux revus par la fantaisie de Giovanni Scarciello. Mais aussi, des humains, des robots, en découpe ou en plein, sérieux ou humoristiques; tantôt incroyablement réalistes ; tantôt à peine ébauchés, presque abstraits ; mais toujours immédiatement reconnaissables. Toujours, bestiaires ou humanité hybrides, issus de sa mythologie personnelle. Laquelle se laisse emporter par les fantasmes, les fantaisies de cet artiste qui lui offre, également, vu la dureté du métal et le fini, la perfection des réalisations, la plus assurée pérennité !
Jeanine RIVAIS
VOIR AUSSI : SCARCIELLO GIOVANNI : ENTRETIEN AVEC JEANINE RIVAIS : http://jeaninerivais.fr Rubrique COMPTES-RENDUS DE FESTIVALS
ENTRE BONHEUR ET SOUFFRANCE, L’ŒUVRE DE NIC0LAS DAIM, peintre
A en juger par ses œuvres, Nicolas Daim n’est pas un personnage simple ! Pourtant, de prime abord, quiconque se retrouve au milieu de ses toiles, a le sentiment d’une grande explosion de couleurs acidulées dans lesquelles vivraient de petits êtres qui en occupent la majeure partie. Cette impression tient essentiellement aux fonds : "rose-bonbon" ou "bleu-layette", l’artiste y passe d’une grande planéité monochrome (Fräsmachine), sorte de berceau tendre et confortable, de cocon harmonieux où se niche un unique individu ; à des reliefs polychromes compacts (La conversation envenimée, Perception lunaire à sa fenêtre…) ; créant à coups de lourds tamponnements du pinceau, des géographies imaginaires où se dérouleraient des vies moins idylliques. Ailleurs, témoignages inconscients peut-être (Pictaz, Déjeuner à Montrose…) de son désir de prouver qu’il " sait " dessiner, il a ponctué ses espaces d’une multitude de fleurs, oiseaux, ectoplasmes, pictogrammes à la Mirô (Viva la libertad à dada) ; de rouleautés aux arabesques emplies de stries (L’homme-requin, Lieberwüchtrag rendez-vous ) ; et surtout (Hund) de ce qui ressemble, de loin, à des groupements sporadiques homoncules, mais s’avère être d’infimes graphismes décoratifs, réalisés avec des précisions de dentellière.
Cette nécessité primale ; cette angoisse apparemment, de prouver son savoir-faire et son savoir tout court, entraînent d’ailleurs Nicolas Daim vers un premier paradoxe : le recours périodique, lui qui atteste d’une œuvre déjà très élaborée, à des référents picturaux ; et ce sont alors, outre Mirô déjà évoqué, des "copies" remémorées de primitivismes pluriculturels, de compositions à la Matisse, de cubismes façon Picasso. D’une facture parfaite, ces œuvres apportent certes la "preuve" dont il a besoin ; mais n’enrichissent pas sa création. Pas plus que les emprunts des titres à l’anglais et à l’allemand ; d’autant que de fréquentes anomalies grammaticales ou lexicales en gênent l’appréhension immédiate. Ces titres, souvent naïfs- (Donne-moi la main, Mangez Zozjos, La nuit du Roi oiseau…) ; discursifs ou allusifs (Poulet aux hormones nourrient à la fiente de porcs, La vache folle, Taxi Driver…) sont d’ailleurs généralement imaginés a posteriori ; et, s’ils prouvent la volonté ludique de leur auteur, son intérêt pour le monde extérieur, ils n’apportent pas non plus d’éclairage nouveau sur ses œuvres.
Une fois évacuées ces quelques restrictions, le visiteur en revient à l’"histoire" proposée par chaque toile ! Et se retrouve dans un monde foisonnant de personnages humanoïdes ou animaux très stylisés : tantôt ils sont linéarisés, corps et membres filiformes conçus sans aucune proportionnalité, au gré d’un rythme fantaisiste ; tantôt, au contraire, ils imposent leur masse monolithique ; tantôt, mélange de l’une et l’autre apparences, l’artiste confère à leur pesanteur une élégance surprenante, au moyen de délicats idéogrammes qui vont des cœurs et des cravates les plus sophistiqués aux soleils les plus souriants, etc.
Pourtant, sous ces apparences débonnaires, commencent à percer quelques autres paradoxes récurrents dont le couple de Donne-moi la main, assis sur un banc pourrait être l’exemple parfait : L’"homme" est tronqué verticalement, comme si son corps déjeté n’avait pu loger sur la toile ; et ses deux yeux ronds sont dardés sur le visiteur ; tandis que la "femme", carrément de profil, un œil perçant au front, l’autre au menton, est omniprésente , bien plantée sur ses jambes fines, chaussées de souliers à talons hauts. Des lèvres des deux protagonistes s’échappe un unique cœur, mais leurs bouches béantes découvrant leurs énormes molaires (dont chacun sait que leur rôle est de broyer), suggèrent qu’ils ne murmurent pas, qu’ils hurlent leur amour, comme en un besoin de s’auto-persuader ? Leurs bras, situés à l’arrière, fusionnent en une unique main aux gros doigts étalés à égale distance des amoureux. L’autre main, masculine, démesurée, s’avance comme un trident vers le ventre rebondi de la femme qui y a posé sa propre deuxième main, comme en une caresse.
A ce stade de l’analyse, l’artiste se récrie : le personnage incomplet n’est pas l’homme, mais la femme (la preuve, on voit l’un de ses seins, et ce long appendice est sa jambe !) Et l’autre, "celle" qui a des cheveux longs et que l’on croyait enceinte, est l’homme (voyez son nœud papillon et ses bottes de cow-boy !) : D’où il faut conclure à la dualité de ces créatures : l’une supposément de sexe mâle, mais capable de porter un enfant ; l’autre sans ventre apparent, mais définie comme féminine, etc. Les mêmes dilemmes naissent à l’examen d’autres tableaux : Ce Guerrier africain vers 1850 semble seul, protégé par un bouclier qui est en fait son corps ; tandis que ce qui est supposé en tenir lieu, surmonté d’une tête en filigrane, est collé à lui, devenant un alter ego, une sorte d’ange gardien emplumé ; et ce qui est voulu comme un bracelet, devient une troisième entité à tête de mort ! Tout se passe, en fait, comme si aucun personnage ne pouvait assumer sa solitude ; comme si chacun se dédoublait, voire se dé-triplait, etc. Du chien à langue-serpent, aux poulets à quatre pattes rayées ingérant des porcs entiers ; des interlocuteurs qui ne se regardent pas à Cadollon le Sans-Culotte au corps-squelette suivi de son ombre ; des mains-crochets qui semblent destinées à agripper des proies, à celles, gros boudins/sexes tellement raides et hypertrophiées qu’elles en sont impotentes… toutes les valeurs sont faussées, les apparences trompeuses ; et, d’œuvre en œuvre, le spectateur découvre les intrications d’un monde aux situations bancales ; aux définitions inversées…
Cela l’amène à la certitude que, finalement, tout n’est pas…rose… dans l’univers de Nicolas Daim ; qu’il est en train d’explorer les arcanes d’une création témoignant du profond mal-être vécu par le peintre ! Et ce qui est également paradoxal, c’est que, conscient de ce mal-être qui l’habite, celui-ci est animé de la volonté de n’en rien montrer (d’où les couleurs gaies, l’aspect décoratif, les jeux de mots des titres…) ; mais qu’il est inconscient de la façon dont, indépendamment de lui, il le traduit sur ses toiles ! Là où ses visiteurs fouissent les méandres psychanalytiques de sa création, et subséquemment de sa vie, il refuse d’aller au-delà de l’apparence, se bornant à dire que "c’est rigolo" et qu’il (mais là, il n’y a pas de contradiction) prend grand plaisir à peindre de la sorte : Et c’est finalement cette distorsion entre le dit, sa gravité, son intensité ; et le refus du créateur, ou son impossibilité de voir cette réalité libératoire, qui rendent son œuvre perturbée tellement attachante et personnelle !
Nicolas Daim aborde la trentaine et son travail tellement hors-les-normes est, bien sûr, encore en gestation ! Mais tous les signes sont là, attestant que, à force de chercher en tous sens, il est bien passé derrière le miroir ; que, d’ores et déjà, il est l’un des grands dans cette mouvance !
Jeanine RIVAIS
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Nicolas Daim nous a quittés le 20 août 2011, à quarante ans ! Bien trop jeune, pour mourir, en pleine maturité de sa vie et de son œuvres.
Fidèles à sa mémoire, ses parents présentent régulièrement ses tableaux en des expositions d'Art singulier.
VOIR AUSSI : "NICOLAS DAIM NOUS A QUITTES" : http://jeaninerivais.jimdo.com/ Rubrique NECROLOGIE
Est-ce parce qu'il est aficionado de longue date ? Est-ce parce qu'il admire particulièrement la beauté et la force brute du taureau qu'Albert Langlois sculpte depuis des années cet animal ? Presque exclusivement, d'ailleurs, même si quelques infidélités prouvent qu'il est capable de réaliser ici d'autres animaux, là un Charlemagne et sa Reine en majesté… Non qu'il ait la prétention de représenter l'animal grandeur nature ! Ses créations sont plutôt petites ; et conçues dans ses matériaux de prédilection, la terre et le bronze. Même si, parfois, il déroge encore à ces choix en adoptant ici une paire de cornes authentiques ; là en les dorant de façon presque outrancière, ailleurs en terre carrément intégrées au matériau du corps et à sa couleur, etc. .
L'artiste a tellement de façons de représenter un taureau que chaque nouvelle expérience est un véritable exercice de style, avec une façon bien à lui de l'épurer ! Parfois, allant au plus simple, au plus primitif, le corps de l'animal, carrément sur le ventre ou monté sur quatre pattes raides, adopte la forme d'une demi-enclume, la partie plate suggérant le mufle même pas esquissé. Pas d'yeux, pas de gueule ; Deux pointes dardées dans le prolongement du corps ; et c'est tout. Et pourtant nul spectateur ne s'y tromperait, l'allure de l'animal fonçant droit devant lui, est bien là !
D'autres fois, le résultat est presque réaliste, avec le poitrail exagérément puissant, le garrot élevé à cause de la posture presque droite du cou ; les pattes cylindriques terminées par deux petits ronds ; la tête collée au cou par la barbiche. Pas de lèvres, deux yeux d'un bleu vif très latéraux, des oreilles minuscules. Et l'animal est toujours cornalon. Tous les éléments morphologiques maximalisés à l'avant, en somme ! Tandis que l'arrière est réduit autant que faire se peut ; appuyé sur des pattes arc-boutées ; terminé par une queue minuscule.
Et puis, Blanc, noir, bleu… monochrome toujours, luisant ou mat. Le pelage ras sauf la crinière gravée dans la matière, ou écaillé, tacheté, la musculature jouant de la lumière. Parfois, en veine d'humour, Albert Langlois s'amuse. La bête devient jouet. Il lui prépare alors quatre roulettes "faites maison". Etonnant que, jusque-là, il n'ait jamais envisagé d'en faire un minotaure !
Mais, quelle sur soit la formulation et la destination de chaque œuvre nouvelle, la construction en est toujours rigoureuse, Les traits de ses animaux sont suggérés, parfois absents, pourtant on les reconnaît à leur posture, aux attitudes familières qu'entraîne chaque situation. Finalement, la sculpture d'Albert Langlois est si présente, si tactile ; ses sensations picturales ne cessent de s’élargir, de se développer, si bien qu'à chaque exposition, il emmène "ailleurs" le visiteur ! Côte à côte avec sa bête fonceuse, au long de son fil d'Ariane personnel, jusqu'au fond de son très ancien labyrinthe.
Jeanine RIVAIS
VOIR AUSSI : ENTRETIEN AVEC JEANINE RIVAIS : http://jeaninerivais.fr Rubrique comptes-rendus de festivals BANNE 2009.
Des fonds dans lesquels des nuages plus ou moins consistants suggèrent une sorte de chaos ; sur lesquels des formes fuyantes apparaissent ; cheminent ; dansent ou simplement se posent à l'avant-plan : personnages ou animaux plus suggérés que montrés. Demi-énigmes, demi-révélations, le tout dans des couleurs douces et harmonieuses.
Par contraste, des pages de bandes dessinées, aux motifs d'encres vives aussi allusifs et tumultueux, mais s'agitant en huis clos, ectoplasmes, fantômes peut-être, ou spectres, suggérant ici une tête, ailleurs un personnage évasif en effervescence, un animal… au gré des fantasmes du spectateur. Tandis que des bulles proposant des écritures aléatoires, pictogrammes, graffiti s'ajoutent aux dessins, donnant l'impression de "si" plein que pas une virgule ne pourrait être ajoutée.
Mais Guy Béraud est aussi sculpteur : tantôt tout à fait réaliste, représentant ses personnages en buste comme naguère les riches bourgeois avec l'homme célèbre de la famille, auxquels les nuances obtenues sur le bronze tantôt brillant, tantôt mat, confèrent une raideur toute militaire ! Tantôt, au contraire, partant dans une fantasmagorie inattendue, il place côte à côte des êtres animaliers taillés d'un seul bloc, où seuls les visages sont expressifs ! Mais bizarrement, ils semblent les avoir échangés : ce qui pourrait être un corps de cigale affiche un énorme mufle peu engageant ; le plantigrade appuyé sur ses mains/fourchettes, a un visage d'humain bon enfant ; le lion (?) arbore un cou de femme-girafe formé d'anneaux concentriques ; etc. Tous couverts de vernis qui accentuent la richesse des nuances qui enveloppent ces corps monoblocs !
Ainsi, cet artiste navigue-t-il au gré de sa fantaisie entre deux et trois dimensions, surprenant chaque fois le spectateur ; allant d'une effervescence graphique à des masses plastiques ; témoignant de la richesse et de la diversité de son imaginaire !
Jeanine RIVAIS
VOIR AUSSI : TEXTE DE JEANINE RIVAIS : http://jeaninerivais.jimdo.doc/ Rubrique FESTIVALS : "Art brut et outsider, Singulier, Meysse 2016.
Voilà près de quatre décennies que Basquiat est mort. Néanmoins, son influence mémorielle continue de s'exercer sur nombre d'artistes qui, comme lui, peignent une sorte de peinture conçue, en dépit de tous les questionnements, avec tant de certitude, que chacune est surlignée sans hésitation d’un unique trait de pinceau ; montrant diverses couches et repentirs. Travaillant directement sur la toile, sans dessin préparatoire. Couvrant, entourant leurs personnages soit de graffitis, soit de minuscules pictogrammes...
Autodidacte, Idi Eder semble bien être de ceux-là, mais une descendante qui aurait adouci le "dit" dont elle semble s'être fait l'émule ; l'aurait simplifié en ne laissant que quelques coulures et taches. Réalisant des oeuvres très colorées, alors que paradoxalement, elle emploie très peu de couleurs, la plupart des œuvres n'en ayant que deux, voire trois, chacune servant de faire-valoir aux autres : une dominante de gris et violets ; un blanc "sale" (¹) sur un bleu ; avec des piquetis de rouge lie de vin ; le tout jeté à grands coups de pinceau ou au contraire à petits coups léchés pour cerner de plus près les personnages. Et ce qui est surprenant, c’est qu’à partir de ces couleurs plutôt neutres qu'elle place côte à côte ou se chevauchant, elle parvient à faire non quelque chose de tragique ou d'ennuyeux, mais une oeuvre à connotation calme. Car, lorsque ses "gens" se regardent de leurs grands yeux exorbités, ils le font sans agressivité, comme en des relations de bon voisinage.
Tout cela animé d’une grande volonté démonstrative proposée sur des toiles où l’artiste ne s'arrête à aucun tabou : Comme dans les créations d’enfants auxquelles ses œuvres s’apparentent souvent, elle peint sans se soucier de proportions, d’équilibres et surtout de perspective… Et pourtant, tout ce petit monde se retrouve solide sur ses pieds, à la fois empreint de connotations poétiques, et éclatant de vivacité.
Très linéarisés au milieu de leur espace, les personnages d'Idi Eder sont souvent seuls, tendant vers le visiteur en off leurs têtes quadrangulaires ; avec une façon bien à eux de ribouler de leurs yeux ronds ; le nez et la bouche réduits à une ligne minuscule. Si elle décide de les faire vivre en groupe et de rendre ses créatures plus réalistes, elle prend alors son élan et en dessine sans interruption le contour, ne faisant que deux petits crochets pour les lèvres et le nez pointu. D'autres fois encore, elle plonge carrément dans l'individu à tête de mort, exagérant la hauteur des dents et le volume des yeux ; le personnage étant alors chapeauté et portant jupe au-dessus de ses jambes/cannes !
Ainsi, seul ou en groupe, chacun raconte-t-il à sa manière une saynète lisible au premier regard. Et chaque fois, il s'agit d'individus non définis socialement, géographiquement, historiquement… intemporels, donc. Ainsi, l’unité de l’ensemble, malgré la diversité proposée, tient-elle à la patine extrêmement personnelle de l'exécution ; à son sens de l’harmonie trouvé dans les tumultes de la toile, passant de l’éclat des couleurs et l’abondance de la matière au primitivisme des graphismes. Ainsi, l'artiste use-t-elle à n’en pouvoir mais, d’une absolue liberté formelle ; et Idi Eder est-elle la créatrice d’une œuvre généreuse, singulière, spontanée, authentique, éminemment personnelle.
Jeanine RIVAIS
(¹) Rien de péjoratif dans le mot "sale", cet adjectif signifiant que les couleurs ne sont pas pures.
"Chacun sait que le portrait est un genre artistique qui regroupe des représentations de personnes sculptées, peintes, dessinées... Le portrait, tout au long de son histoire, oscille entre le souci de l’imitation du caractère plus ou moins réaliste et celui de l’idéalisation du modèle. Il existe différents types de portraits : en pied (la personne entière), en buste (jusqu’à la taille), en demi-grandeur (jusqu’aux cuisses) mais aussi, assis, de dos, de face, de profil, de trois-quarts, individuel et de groupe…". (¹)
Dans cet esprit, toutes les œuvres d'Annette Pral ont une géographie commune : un "lieu" sans définition sociale, sans géométrie ni perspective. Là, sur le devant de la scène, jouent ou pianotent, rêvent sous la lune, trinquent, étudient, admirent leurs fleurs, dansent… des groupes de singuliers individus. Ils ne se regardent pas, parce que tantôt ils ont les yeux clos, complètement introvertis, assis côte à côte, mais isolés mentalement du reste du groupe ; tantôt leurs regards convergent vers un même point situé droit devant eux. Ils "posent", dans l’attitude faussement naturelle des gens qui, face à l’appareil, attendent la sortie "du petit oiseau". Etranges instantanés de non moins étranges figures conçues en des tailles très proches, mais toutes se ressemblant comme issues d’une même appartenance : têtes à l'ovale déformé par des pommettes accentuées, front large, sourcils épais et nez épaté et en trompette ; lèvres, lippues, fendant le visage d’une ligne pour, selon la courbure, créer une expression dubitative ou souriante (rarement), insolente ou timide, vulgaire, "en cul de poule"… pour manifester l'impatience, la déconvenue, l’agacement ou le scepticisme ! Le crâne est couvert de cheveux tantôt épais, tantôt clairsemés ; tantôt bruns ou couleur seigle ; tantôt coiffés "en arrière" ou au contraire ramenés sur le front… mais toujours "obligatoirement" raides, "en baguettes de tambour" comme le dit l'expression populaire ! Quant aux vêtements, ils sont de tous lieux, de tous temps, d'aucun milieu particulier, faisant des ces personnes des êtres totalement atemporels ! Impossible de parler de leurs pieds, car ils sont représentés attablés, ou debout sur des jambes descendant au mieux jusqu'aux mollets !
Et dans tout ce petit monde peint sans souci de véritable réalisme, la première évidence de cette démarche si particulière, tient à ce que, face à ces groupements quasi-familiaux (à cause de la ressemblance) sans rien d’ethnologique ; dans ces tableaux où elle met en scène, ici des gens solitaires, là des couples, des trios, etc., qui semblent sur chaque œuvre cohabiter dans la paix et la plus parfaite harmonie, vient un moment où l’artiste estime la scène posée, "équilibrée" et où, étonnée et satisfaite peut-être, elle arrête enfin son pinceau ! L’équilibre ainsi trouvé, en somme ! Une fois résolu ce problème formel, la seconde évidence tient au "dit" d'Annette Pral. Car la riche matière et les couleurs soit vives soit douces qui donnent consistance et vie aux personnages, suggèrent, comme il est dit plus haut, des sentiments très divers, mais ne respirant que rarement la gaieté, la joie de vivre !
"Peindre", dit-elle, "c’est imaginer que tout est possible". Et chacun sait que, dans un portrait, tout fait sens : posture, regard, vêtements, accessoires, décor. Le portrait renvoie chacun de nous à sa propre personnalité. Le sujet devient l’objet du regard des autres, de son propre regard. Depuis si longtemps qu'Annette Pral travaille sur ces portraits tellement personnels qu'ils seraient reconnaissables entre mille, ne peut-on penser qu'elle peint chaque fois un petit peu d'elle-même ; qu'elle tente de répondre en image à la question "qui suis-je ?" ?. Qu'en se cherchant, elle "rencontre" le rêve qu'elle se fait picturalement, toujours le même et toujours différent ; et que, subséquemment, c'est aussi celui qu'elle fait faire au visiteur ?
Car apparaît alors une nouvelle évidence : c'est qu'elle est l'auteure prolixe et talentueuse, d'une œuvre sympathique, curieuse et fascinante, originale, conviviale, interrogative et exploratoire, vivante en somme ; réalisée avec une incontestable sincérité !
Jeanine RIVAIS
VOIR AUSSI : ENTRETIEN AVEC JEANINE RIVAIS: Site : http://jeaninerivais.jimdo.com/ Rubrique FESTIVALS, BANNE 2014.
(¹) Texte lu sur Internet.
Le portrait est une forme d’expression artistique incontournable, un art auquel s'essaie chaque génération d’artistes. Et force est de constater que chacune a eu son style, sa vision différente ! Même si, à chaque fois, l'artiste se propose d'en donner sa propre représentation. Selon les époques, l'un va vouloir rendre la personnalité du sujet ; un autre sa physionomie ; un autre encore s'attachera à sa beauté, un autre enfin à marquer l'usure du temps sur son visage…
Il semble bien que les portraits de Marion Ribardière soient tous placés de face, mais, comme indifférents au visiteur en off. Qu'ils soient tous introvertis, leurs yeux clos sur leur vie ! Que les commissures de leurs lèvres sont toutes tombantes, comme s'ils étaient désabusés (ce qui pourrait justifier leur introversion ? ) Que leurs joues soient creusées et leurs oreilles décollées ; que leur chevelure abondante soit toujours à demi-hirsute ! Et il est à remarquer, par ailleurs, que ces portraits sont tous masculins et tous traités au format d'une photo d'identité.
Vient ensuite la matière avec laquelle ils sont composés : chaque œuvre s'organise autour d'un sujet central à partir duquel la peintre équilibre le reste de la toile. Jamais elle ne fait un trait net : elle commence par une succession de coups de pinceau, les fait se chevaucher, revenir, circonscrire le "cœur" de la toile, puis les parties subséquentes ; tantôt minces couches ; tantôt magma de couleurs mêlées, pour lequel elle pose, superpose, appose longuement à grandes traînées du pinceau surchargé ou au contraire presque sec, épaisseurs sur épaisseurs de peinture ; telle couleur faisant vibrer les autres. Elle en vient, à force de superpositions irrégulières à une véritable gangue lourde et chaleureuse, avec laquelle elle va faire naître son personnage. Aucun élément de décor, uniquement des fonds non signifiants… ce que l’on pourrait en fait appeler des "non-fonds", et qui les prive de toute dynamique (d'où, une fois encore la justification de leur introversion). Aucune rupture. Il semble que la main vienne d’elle-même vers le centre de la toile ; fouisse ces non-formes préalables ; compose à petites touches une silhouette. Une continuité, un mouvement progressif, un long travail de gestation à la fois des individus et du tableau ; où le visiteur sent la complicité entre le "faire" et le "dit" ; entre la main et le cœur de l’artiste.
Parfois, lasse peut-être, de ces "portraits d'identité", Marion Ribardière en vient à des "corps". A peine émergents, mais émergents assurément ; aussi gymniques que la précédente série était statique. Mais encore mal cicatrisés, raboteux ; si atrophiés que membres et sexes sont incertains… Comme on imaginerait la glaise encore malléable de quelque Golem au terme de sa gestation. Le fond lui-même a changé. D’indéfinissable, il est devenu magma d’une surprenante densité. De carcan, il s’est fait protecteur de cette "naissance". Pour autant, elle non plus, en considération de son côté non-identifiable, ne propose aucune réalité sociale ou sociologique, géographique, philosophique…
Et c'est ainsi que, de ses visages multiples à ses ébauches d'individus, l'artiste choisit son "dit" au gré d'évolutions, de rythmes qui lui conviennent, d'enchaînements profus qui la font rêver. Et se pose alors pour le spectateur, la question de ses motivations: pourquoi le rapport au portrait fascine-t-il tellement Marion Ribardière et tant d'artistes avec elle ? Peut-être parce qu'en la (les) renvoyant à l'"autre", il la (les) renvoie à elle-même (eux-mêmes) ? Parce qu'il renferme, en un rectangle restreint, réminiscences et images d'un passé plus ou moins lointain ? Qu'il oblige la (le) peintre à se confronter à tout ce qui est intime et dormant en elle (lui) ? L'artiste elle-même connaît-elle la réponse ?
Jeanine RIVAIS
Du clown triste aux commissures des lèvres tombantes, au clown drôle riant de toutes ses dents ; de ceux qui ont un visage bovin aux lourdes lèvres, aux narines largement évasées et à la chevelure adroitement méchée, à ceux qui sont reproduits en surlignages fins ou qui sont pointillés façon aborigène, Link semble passionnée par les présences multiformes proposées par cet artiste habitué à se présenter dans la sciure du chapiteau. Mais d'une blonde égérie chevauchant un Bacchus éméché, à l'écuyère dansant au milieu des étoiles ou aux sirènes évoluant dans les vagues, elle s'intéresse aussi à la nudité des corps féminins tout juste stylisés, aux anatomies longiformes.
Une œuvre légère, un petit clin d'œil coquin : Link et ses protéiformes centres d'intérêt ?
J. R.
ETERNELS AMIS CAMPAGNARDS D'ISABELLE DUBUIS
Isabelle Dubuis évolue dans un monde animalier hyperréaliste et fantasque. Provocateur et plein d'humour. Anormal et fantaisiste. Référent, aussi, car telle vache est vêtue d'une robe Marie-Antoinette d'après Madame Vigée Lebrun ; telle ânesse porte un pantalon style "Petites filles modèles", etc. Un monde où les animaux sourient de leurs grands yeux fixés sur le visiteur en off. Car ils prennent la pause pour être immortalisés devant des tentures fleuries, brodées, dorées etc.
Cette passion animalière est tellement exclusive et boulimique que le visiteur se demande si Isabelle Dubuis a un jour rêvé d'être zoologue ? Mais alors, que serait devenue sa vocation de peintre de l'humain ? Car si chaque sujet EST, comme il est dit plus haut, un animal, les grands yeux tendres sont bien ceux d'un humain, une femme le plus souvent ! Un monde familier, domestique, portant sur la beauté, la puissance, l'individualité de l'animal personnalisé. Jouant sur le sensible donc, sur l'émotion Racontant une histoire à travers laquelle on sent la tendresse de l’artiste. Mémoriel, enfin, et militant, puisque chaque animal est "dans la vraie vie", un de ses "amis" qu'elle côtoie quotidiennement en parcourant la campagne environnant sa maison !
Jeanine RIVAIS
VOIR AUSSI : ENTRETIEN AVEC JEANINE RIVAIS : http://jeaninerivais.jimdo.doc/ Rubrique COMPTES-RENDUS DE FESTIVALS : Banne 2010.
Et COURTS TEXTES DE JEANINE RIVAIS : EVASIONS DE LA PEINTURE 2014 et 2015, Page des exposants.
LE MONDE DE L'ENFANCE CHEZ ABIY GEDIYON
D'où viennent donc les familles d'Abiy Gediyon ? Ou bien où vont-elles ? Quel que soit le sens de leurs pérégrinations, toutes sont en déplacement "vers", sur leurs véhicules rudimentaires, (petites barques, trottinettes, et surtout vélos ; pourquoi pas à dos d'âne ? Ou tout simplement à pied !…). Voyageant sous des ciels aux couleurs extrêmes, allant du rouge et jaune incendiaires au bleu très foncé, velouté. Représentés aussi bien en peintures qu'en collages, voire en dessins à peine esquissés…
Le plus souvent, les adultes ont l'instinct grégaire, voyageant en groupes où un personnage féminin (la mère ? ) semble emmener tout son petit monde. Un monde laborieux d'ailleurs, montrant un groupe rentrant lorsque la pêche a été fructueuse ; ou une petite vendeuse accroupie devant son minuscule étal, ventant sa marchandise ; ou peut-être encore le linge familial qui, venant d'être lavé, est étendu sur un fil sous l'arbre de la cour… !
Mais le thème favori d'Abiy Gediyon est le monde de l'enfance. Un gentil monde tendre, de "petits", l'un accroché à son poisson favori, regardant les millions d'étoiles au firmament ; d'autres assis sur les nuages, chantant peut-être une chanson ; un autre encore monté sur son âne, chevauchant tranquillement ; ou deux frères sirotant une tasse de jus de fruit, assis côte à côte dans une barque chargée de mystérieux paquets ; assis parfois au bord de la terre, admirant la lune ; d'autres fois naviguant dans le ciel accrochés à des arbres volants… Car son monde enfantin est aussi paisible, rêveur, heureux. Quittant le milieu quotidien des grands, il devient un univers fantasmagorique, universel !
D'autant que, sachant que cet artiste est d'origine éthiopienne, et vit en France depuis une décennie, il est difficile de faire la part ethnologique, dans son œuvre ; et définir l'influence de son nouveau milieu. Il semble bien, finalement, que comme tout artiste, il ait su faire un heureux mixage des deux ; et que le voilà témoignant aussi bien de son passé que de son présent, grâce à son talent de peintre, tout simplement.
Jeanine RIVAIS
VOIR AUSSI : ENTRETIEN AVEC JEANINE RIVAIS : http://jeaninerivais.jimdo.com/ RUBRIQUE FESTIVALS BANNE 2013
Mathilde Le Mancq est très jeune. Cependant, familière de la Borne dont chacun sait que ce village est la Mecque de la poterie, elle possède déjà une solide technique en cette matière. Le visiteur peut donc se demander avec un peu d'humour, si c'est du fait d'être encore à l'âge où les souvenirs restent vifs qu'elle joue avec des cubes ? Et si elle ne serait pas férue d'histoires policières, qu'elle légende lesdits cubes en anglais, voire en vieil anglais, ce qui est tout de même très inattendu et original !
Un des pionniers de la poterie avant-gardiste au Japon, Yagi Kazuo qui traça un chemin sans précédent en se détournant de la tradition de la poterie nippone, évoquait le secret de sa création qui se traduirait par "la cicatrice due à la confrontation entre la vocation d’un art conceptuel et autonome à venir, et la conception passéiste d’un récipient utilitaire". Pour Mathilde Le Mancq, il semble bien qu'une telle "blessure" n''existe pas, puisqu'elle mélange sans états d'âme ses cubes (sculptures, donc) à ses bols (poteries) !
En examinant les cubes en terre cuite de cette artiste, le visiteur serait tenté de penser que les faces carrées figurent les quatre éléments : la terre, l’eau, l’air et le feu. Mais sans doute n'en est-il rien, puisqu'à ces volumes très géométriques, elle allie des formes coniques fantaisistes, façon pots à tabac géants. Et si une partie des faces ou des rotondités sont ornementales, (damiers, tirets entrecroisés, espaces pointillés, fleuris, couverts de minuscules croix de toutes natures)… son sous-bois de champignons dont les chapeaux rouges couverts de points blancs évoquent les mortelles amanites, pourrait bien être la transition entre ces éléments décoratifs et la "philosophie" de l'artiste?
Car le reste des surfaces est consacré au "dit" dessiné ou écrit de Mathilde Le Mancq. Une philosophie par vraiment optimiste, d'ailleurs. Car si certains clowns rigolent ou font des clins d'yeux au visiteur, si un Nounours prend un petit air farceur… une déclaration fait tache, écrite en gros caractères : "I AM THE QUEEN OF NOTHING" : "Je suis la reine de rien du tout" ! Si jeune et si désabusée, écrivant ailleurs "All that is left are the old days", "Tout ce qui reste sont les jours anciens" ; "NOTHING GETS BETTER" (Rien ne s'arrange) ; "Careful not to slip on my… dreams" (Attention à ne pas glisser sur mes rêves…) (certains mots manquants à cause de l'arrondi du pot !). Ce désenchantement écrit peut être contredit par les clowns déjà évoqués qui sont dans leur rôle drolatique (encore que certains font grise mine !) ; mais corroboré par des joueurs à l'air sinistre ayant sans doute perdu jusqu'à leur chemise ; par un majeur surallongé faisant un doigt d'honneur ; par un "employé" à lunettes, la joue appuyée sur sa main, l'air mortellement ennuyé, clamant "Monday fun" (le plaisir du lundi) ; etc.
Toute cette création réalisée en grès cuit à très haute température ; décorée aux engobes de porcelaine sous glaçure transparente ; côtoyant d’autres pièces de puzzles, motifs géométriques ou morceaux en relief avec ou sans travail d’émail.
Pour employer un vocabulaire très à la mode, l'œuvre de Mathilde Le Mancq combine l'intime et l'extime. Ses cubes et ses cônes, voire ses poteries, qui offrent toute une gamme de motifs et de thèmes variés sont comme les bribes d'un récit imaginaire nourri de réminiscences et leur mise en scène leur donne une puissance intemporelle. A suivre !
Jeanine RIVAIS
Longtemps, Hervé Fogeron a été sculpteur, menant de front deux productions : l'une toute blanche ; et l'autre en couleur. Uniquement pour le plaisir d'aller de l'une à l'autre ; de choisir l'une plutôt que l'autre. Les premiers parce que le blanc était pour lui primordial, qu'en les laissant blancs il avait le sentiment qu'ils étaient entiers, que leur vie connaissait la plénitude. Pour les autres, les sculptures en couleurs, il s'était fixé un "canon" de beauté qui faisait qu'il les rendait belles, laides, blondes ou brunes… protégées ou non par une épaisse couche de vernis selon qu'elles étaient destinées à demeurer intra ou extra muros !
Aujourd'hui, le voilà dessinateur. Et il s'attaque aux métiers, chaque artisan présenté comme une photographie et arborant les outils de sa profession : le boulanger sa miche ; le serrurier un pêne ; le maçon sa truelle ; etc. Mais le monde du travail n'est pas le seul sur lequel il a posé sa griffe : les festivités également, comme "Le renne de Noël" tout enguirlandé qui d'un air rigolard se pourlèche les lèvres, à croire qu'il est le cuistot et… imagine-t-on qui est dans la cocotte ? Pourquoi pas, aussi, un passage cosmique avec ses "Guerriers de l'espace" ? Et puis, la vie au quotidien avec des personnages attablés, seuls au regard nostalgique ; en famille devisant sereinement, mordant dans un quignon de pain, buvant une bolée…
L'érotisme est également l'une des préoccupations d'Hervé Fogeron. La nudité au moins, qui fait s'exposer une femme, cuisses largement écartées, seins mamelonnés, rieuse, comme aimant provoquer ainsi le visiteur. Ou, au contraire, visage fermé, triste et en colère, tenue peut-être de s'exhiber contre son gré ?
Et puis, inéluctable, voici la mort discutant en toute convivialité avec un confrère, tous deux écrabouillant des crânes humains ! Dansant sur une table à laquelle sont installés deux de ses comparses ! Assise, devisant d'un air rigolard avec une autre semblable à elle-même !... La mort donc, toujours riant, comme pour narguer le visiteur ; lui rappeler qu'il peut regarder ces témoignages avec sérénité ? humilité ? arrogance ? mais que ces squelettes lui renvoient l’image de ce qu'il adviendra de lui dans le meilleur des cas ; d’où, face à ces images tellement réalistes, une sensation d’oppression et d’angoisse allant crescendo. Mais alors naît le sentiment que “pour le moment”, il est bien vivant, arrogant lui-même face à la mort qui ne saurait l'emporter déjà ! Subséquemment, l'œuvre d'Hervé Fogeron prend l'allure inattendue chez cet artiste tellement joyeux, d'une double démarche entre reconnaissance ethnologique et culturelle et incitation cultuelle ! Un peu perverse aussi, provocante pour des gens habitués à ne traiter les cadavres et surtout leurs crânes qu'avec la plus grande révérence.
Ainsi, s'il a toujours pratiqué l'humour, Hervé Fogeron en est venu à l'humour noir, très noir ! A réfléchir, même, sur les aspects et le sens de la vie. Quant au visiteur malgré lui perturbé, il en est à se demander si la récurrence des bandes blanches entourant chaque œuvre n'est pas une manière de contenir ses émotions, les maintenir en une sorte de huis clos ; si ces dessins ne sont pas des exutoires permettant à l'artiste de conjurer ses obsessions ; aller au-delà de lui-même ? Qui sait ?
Jeanine RIVAIS
VOIR AUSSI : FOGERON HERVE : ENTRETIEN AVEC JEANINE RIVAIS : http://jeaninerivais.jimdo.doc/ Rubrique COMPTES-RENDUS DE FESTIVALS : Banne 2012.
Autodidacte, Jacques Boyer est un créateur d'Art-Récup'. Et l'une de ses passions, presque une addiction, est la création de poissons fascinants, exécutés avec les glanes qu'il a découvertes…
Mais surprise ! Car cette année, une énorme tortue occupait la majeure partie de son stand : carapace conçue comme la coque inversée d'une barque, jambes fixées par des roulements à billes ; pieds/fourchettes à longues dents ; tête cylindrique tendue vers le visiteur !...
Et puis, pour se prouver peut-être qu'il n'est pas aussi addict aux poissons qu'il a été écrit, seule une tête très colorée, faite de morceaux de poterie, et armée d'un aileron, représentait cette famille animale.
Tandis que, pour confirmer son indépendance créatrice, il avait placé derrière ce monstre deux têtes "humanoïdes" rigolotes ; une tête de porc au groin métallisé ; et pour faire bonne mesure, une série de petites sculptures métalliques plates, découpées pour représenter paysans et animaux de la ferme.
Tous objets démontrant s'il en était besoin, que Jacques Boyer sait se renouveler, créer ses œuvres tout en s'amusant, et en provoquant le visiteur.
Jeanine RIVAIS
VOIR AUSSI : : TEXTE DE JEANINE RIVAIS : " LES ICHTYOLOGIES PROTEIFORMES DE GILLES BOYER" : http://jeaninerivais.jimdo.doc/ Rubrique FESTIVALS BANN'ART juillet 2017.
LES MOSAÏQUES DE VALERIE CALMELS
"La mosaïque est un art visuel, outil d'interprétation d'une image ou d'un motif géométrique, où chaque tesselle est choisie et taillée pour permettre à l’assemblage final de reproduire cette image et de transmettre une émotion. L’art de la mosaïque se façonne à travers les éléments qui nous entourent dans la vie : le verre, la céramique, le marbre, les coquillages, les bouchons de liège ou tous autres objets de diverses couleurs pouvant être réutilisés et avoir un second souffle dans une mosaïque" (¹). L'artiste choisit donc ses minuscules tesselles: triangles, carrés, et polygones… les prépare, taille, assortit, assemble, applique sur un support et les lie ensemble en comblant leurs interstices par un ciment de chaux ou de mastic à l’huile. Le résultat est une sorte de peinture très réaliste où évoluent souvent hommes, animaux ou plantes mais pouvant d'autres fois représenter des figures géométriques, tout simplement des jeux de formes et de nuances.
Cette dernière possibilité est le choix fait par Valérie Calmels. Elle réalise des objets susceptibles de décorer les pièces d'une maison, et appartiennent donc au quotidien : pendentifs muraux, (auxquels cas, elle ajoute souvent une glace, de façon à ce que l'objet devienne miroir) ; chaises coffres…
Pour les rendre plus décoratifs, elle joint quelquefois des fioritures déséquilibrées ; décale le miroir pour éviter trop de géométrie ; pose les unes au-dessus des autres des plateaux de tailles différentes ; détourne parfois le plateau supérieur pour y coller une photo, un dessin… accroche tous ces objets raffinés sous des branches laissées à l'état brut afin de créer un contraste.
Un travail de longue haleine, d'une extrême précision technique, d'une harmonie des formes et des couleurs. Toutes qualités qui relèvent plus de l'artisanat que de l'art singulier ou contemporain. J.R.
(¹) Cf. Wikipédia.
CAGETTES ET IMAGINATION CHEZ LISE VAN BAAREN
Décidément, celui qui a écrit que l'imagination des artistes est infinie a exprimé-là une idée au-dessous de la vérité ! Car, si tous les sont capables de composer leurs œuvres avec toutes sortes d'objets hétéroclites, pouvant aller jusqu'aux déchets et épluchures, personne, semble-t-il, n'avait pensé à prendre des cagettes (plus banal que cet objet, tu meurs !), les découper en lanières de deux centimètres environ (imagine-t-on le travail, la patience et le mal aux mains que représente cette prouesse ? ) et les combiner pour réaliser oiseaux, coquillages, animaux, etc. Auxquels elle ajoute un soupçon de métal et d'écorce ! Telle est la performance de Lise Van Baaren !
Ainsi, ayant choisi surtout un monde animalier, passe-t-elle, sans complexe, d’un sujet à l’autre, offrant au visiteur quelques propositions surprenantes. Car elle a, apparemment, cette facilité à concevoir ses oeuvres non seulement comme des objets plus ou moins "discrets" séparés par un espace neutre qui les entoure, mais comme pris dans le monde, modifiés par lui, leur donnant du sens à travers leur relation… Elle ne s'impose pas, pour ce faire que des choix diversifiés, des supports variés (grandes sculptures, rondes-bosses, petits formats…), elle agit aussi dans la conception d’une installation, qui fait du spectateur un agent essentiel. Sachant que celui-ci va vouloir "tourner autour" de chaque réalisation, donc changer de points de vue, elle dispose ses objets de telle sorte qu'une perspective lui permettra de considérer l'ensemble comme un "tout" ; ou bien au contraire, de percevoir chaque élément sans qu'aucun autre ne trouble sa vision !
Pour en venir à cette perception, il faut à Lise Van Baaren concevoir ses œuvres autrement que les traditionnelles sculptures de bois, pierre, etc. De la première lanière installée, jusqu'au moment où elle décide que tout étant parfaitement équilibré, l'œuvre est finie, il lui faut pressentir la suivante qui va être le prolongement ou l'antithèse de la précédente. Sentir que de cette façon, les croisillons seront solides, apporteront du sens à la sculpture en gestation ; la colle donnant une forme définitive à la construction ! Une tête de cheval, un busard tendu vers une proie, un poisson, un coq… forment alors le florilège de cette œuvre fortement marquée par le poids de l’objet, ou plutôt son absence de poids, car, contrairement aux œuvres de terre dont le poids augmente à mesure que se construit l'œuvre, l'ensemble des lanières reste certainement d'une légèreté inattendue. Pressentant cette différence, le visiteur ne manque pas d'être intrigué par cette composition qui n'a évolué comme aucune autre !
Tout de même, tout ne peut pas être parfait dans le monde de cette artiste : ce matériau si curieux est on ne peut plus sensible aux variations hygrométriques, aux différences de températures et au souffle du vent ! Ce qui l'impose impérativement et strictement comme des sculptures d’intérieur.
Néanmoins, cette création hors-normes et originale, fait de Lise Van Baaren une créatrice sans limites, sans préjugés, sans contraintes. Le résultat est une œuvre protéiforme et cependant de la plus parfaite unité. Finalement, cette absence de définitions et cette recherche de formes tellement différenciées, n'est autre, pour la sculptrice, qu'une quête de liberté, apportée par ce nouveau matériau. Le plaisir, l'envie d'éviter le plein, d’exprimer le vide, l’espace, la lumière, la résonance avec tout ce qui fait partie de la troisième dimension !
Jeanine RIVAIS
TERRE ET FER, LES CREATIONS DE JEAN-CHRISTOPHE BRIDOUX
Longtemps, les femmes ont cousu, filé, tissé… produisant à chaque fois des assemblages de fils, un travail qui accompagnait leur quotidien. Un jour, certaines d'entre elles se sont mises à tisser des fils de fer, produisant en toute liberté, des compositions qui pouvaient aller de l'arachnéen aux fils arrachés dans les vieilles vignes ! Abstraites ou figuratives, ces sculptures jouaient des pleins et des creux; des lumières et des ombres, grâce à des projections sur les murs, cessant d'être des ouvrages de dames, pour devenir des créations très féminines.
Mobile en haut, stabile en bas
Telle est la Tour Eiffel
Calder est comme elle
Oiseleur du fer, horloger du vent, dresseur de fauves noirs
Ingénieur hilare
Architecte inquiétant
Sculpteur du temps
Tel est Calder.
Texte de Jacques Prévert.
Et puis, des artistes masculins ont commencé à s'intéresser à ces dentelles métalliques, permettant de conjuguer divers matériaux. Jean-Christophe Bridoux est l'un d'eux, qui s'est lancé dans des œuvres grandeur nature. Et qui, bien entendu est plus Calder qu'Eiffel, vu la finesse des éléments avec lesquels il construit ses animaux et personnages.
Dans les sculptures de Jean-Christophe Bridoux, oeuvres légères, entièrement linéaires, jetées, avec un sens inné du mouvement aérien, sur des courbes ou des obliques, semblant défier la pesanteur, le corps chevalin souvent, humain parfois est omniprésent, symbole du durable et de l’éphémère, de la gravité et de la légèreté. Car ses œuvres sont à la fois conçues de fil de métal et de terre générant ainsi des parties lourdes, opaques, adjointes à la légèreté fildeférique ; le tout devenant à partir de dehors chaotiques, un ensemble structuré, fait de fragmentations, effractions, confinements, constitutifs de singularité et d’ambiguïté : Les fils entremêlés constituent le squelette, soulignant l’évanescence des sujets, leur fragilité ; la terre leur donnant leur force et leur matérialité. Sur ce fil étiré, tordu, entrecroisé, et par l'introduction calculée ou aléatoire de ces plaques de terre, l'ensemble prend tout son sens, le fil étant la limite où tout peut s'écrouler, l'argile imposant sa force ; les ajouts colorés plus ou moins importants, rouges ou argentés au gré de l'inspiration de l'artiste, venant accentuer les contrastes.
Une fois le cheval bondissant, le cavalier installé… les œuvres de Jean-Christophe Bridoux deviennent des mises en scène de rencontres ambivalentes, entre des choses personnalisées ou animalisées et la réalité de l'artiste. Car, à l'évidence, ces constructions tellement personnelles ne peuvent être que la mise à jour de ses affects devenus de lointains échos d'émotions passées peut-être et laissant la place à de nouveaux bouleversements. Chacune de ses oeuvres révèle assurément la mémoire d’un ressenti ; leur vigueur générant subséquemment chez le spectateur une profonde admiration étonnée ; un saisissement devant la puissance expressive et onirique de ces sculptures.
D'autant que l'artiste n'oublie jamais un élément essentiel : la lumière. L'installation des ombres. Fascinant jeu d'ombres portées, fidèles ou décalées selon la source et la place de la lumière. Jean-Christophe Bridoux et l'illusion ! Car les œuvres de ce métallier de talent génèrent une bien réelle alliance de vigueur et de rigueur avec la minutieuse recherche de ces jeux d'ombres murales, projetées par ses créations.
Jeanine RIVAIS
Le geste de coudre
"Coudre à gros points raturés
Des tissus à la trame usée,
Des toiles fanées
Alanguies,
Apesées de secrets froissés… " VERONIQUE DEVIGNON
Statues, idoles, fétiches, poupées, peluches, marionnettes... l'homme et surtout la femme ont conçu toutes ces représentations à leur image. Ils rivalisent ainsi, sciemment ou non, avec les mythes très anciens. Il y a, dans le thème de la Poupée, tout à la fois l'acte créateur, l'amour, la folie et la cruauté, et souvent l'humour, comme c'est le cas dans les poupées de Michou Irrmann.
Avec, à la clef, une réflexion sur le geste répété à l'infini, au point d'en paraître obsessionnel. Toujours le même ou avec de menues variantes, l'art de coudre ou broder avec des fils somptueux, un tissu choisi avec soin. Un long travail, toujours, des mains et du cœur ; des centaines d'heures penchées sur l'œuvre en cours. Ainsi le spectateur imagine-t-il cette dame. Car, du "chemin de table" longuement brodé à ses poupées aux petits airs rétros, ce sont bien ces gestes qu'il retrouve lorsqu'il s'arrête à son stand ! Des objets artisanaux, peut-être, mais surtout une façon de s'attaquer à l'être humain qui, apparemment, accompagne sa vie. Des liens qu'elle essaie de représenter du bout de son aiguille. Des "personnages" toujours différents, n'ayant jamais la même tête, la même allure. Comme les êtres humain, en somme ; mais finalement toujours les mêmes, tant cette artiste a trouvé un style bien à elle !
Leur laissant l’apparence de poupons, de doudous, des petits êtres qu’on aimerait tenir serrés contre soi ! Toute une vie sociale proposée par ces petites créatures : la famille, les émotions ("Papa, Maman, Bébé" ; "Les amoureux") ; la danse présentée par des poupées gesticulantes ; la jeunesse figurée par telle poupée aux cheveux verts et à la robe fleurie ; les animaux personnalisés aussi, avec "Le troupeau de moutons" ; la vie et cette femme/chaise au visage tellement humain qu'il pourrait être un autoportrait, et le ventre ouvert pour attester qu'elle est enceinte, qu'elle peut donc être mère !
Et puis, des objets plus quotidiens, des lampes, par exemple, aux réservoir de porcelaine ou d'étain, mais à l'abat-jour brodé comme le faisaient naguère les dames de l'ouvroir !
Enfin, des contes avec leurs petits personnages étalés sur de l'herbe étincelante, au milieu des dentelles, fleurs, oiseaux, etc. Un retour sans doute, au temps où bêtes et gens se parlaient et se comprenaient ?
Tout cela dans de belles couleurs qui corroborent l’humeur de Michou Irrmann. Car l’artiste est une coloriste talentueuse : elle sait comme chez les poètes, créer des ruptures, silences, plages de repos lui permettant de s’isoler, prendre du recul par rapport à ses personnages...
Des oeuvres gaies, stimulantes à la fois pour l’esprit et le cœur. Leur charme naïf, l’élégance de la broderie qui en détermine les éléments, créent un stupéfiant travail, un microcosme, une tranche d’humanité, qui charment le visiteur.
Jeanine RIVAIS
Des fleurs parfois et des femmes toujours, voilà ce que représente essentiellement l'œuvre de Gabi Irrmann. Des hommes aussi, bien sûr, mais postés là comme par hasard, pour servir aux femmes de faire-valoir, ou pour "faire couple" !
LA FEMME, donc, La femme dans tous ses états, qui plus est ! Etranges instantanés de non moins étranges figures stylisées, intemporelles, conçues en des tailles différentes, mais toutes se ressemblant finalement, comme issues d’une même appartenance : têtes à l’ovale accentué, sourcils arqués, et nez volumineux, yeux lourdement fardés cil à cil. Quant aux lèvres, elles se conjuguent en deux variantes : fendant le visage d’une ligne pour, selon la courbure, y créer une expression dubitative ou souriante, insolente ou timide ; ou pulpeuse pour suggérer quelque moment d'abandon possible ? Sur la tête, les cheveux sont toujours drus, frisés ou raides, noirs, rouges, ou blonds ; courts ou longs, etc.
Des femmes dans tous les états possibles : seule, vêtue d'un simple tutu bleu, dansant de tout son corps filiforme ; ou d'une très décolletée robe écossaise, bras et jambes en étendard, dansant quelque gigue endiablée ; en totem, robe fleurie, face au père (?) de son enfant, minuscule à ses pieds ("Les zigues") ; à la plage, nageant sous un ciel azuréen, ou allongée, lascive en maillot minima !
Néanmoins, à regarder ses œuvres, il est évident que l’intérêt de Gabi Irrmann va surtout aux visages. Et peut-être parce qu'il est peut-être un peu géomètre (à en juger par les composantes de sa chaise noire et blanche, taillées en des parallèles inattendues et parsemées de dessins posés brutalement) il place, couvrant le tableau, des alignements verticaux de personnages dont chacun est en format carte d'identité. Travaillant alors des fonds informels à grands traits de pinceau, il descend du haut du tableau vers le bas, plaquant la tête de chaque protagoniste qui couvre la poitrine du précédent. Une façon de les montrer grégaires, mais disciplinés ! Une démarche formelle, surprenante, pour une œuvre tantôt en deux dimensions ; tantôt dans l’espace sous forme de sculptures.
D'autant que, tout soudain, voilà que l'artiste ajoute, sur un pied d'égalité avec les personnages, ici un coq, là un loup peut-être, ailleurs un oiseau non défini… ; tous "relevés, dressés", à l'instar des humains en somme, sans que le visiteur sache ce que l'auteur a voulu expliquer (à moins qu'il ne s'agisse d'une savante démonstration de l'évolution des espèces), sauf à confirmer qu'il n'obéit à aucun tabou ; que chaque tableau dans sa variété picturale, est finalement très sophistiqué et parfaitement équilibré ; "à l'aise" !
Ainsi, avec humour et talent, Gabi Irrmann offre-t-il ses oeuvres très colorées, très expressives ! A la fois multiples et uniques dans leur répétitivité ! Identifiables au premier regard parce que d'un style très personnel ! Impossibles à situer dans le temps ou dans l'espace, du fait de leurs vêtements sans âge, fantaisistes, voire irréalistes, résolument hors de toutes les modes ! Fraîches, comme émergeant d'un conte ! Des œuvres épanouies, en somme, dans lesquelles il emmène ce visiteur au gré de ses fantaisies lyriques et un peu naïves ; de son monde fantasmatique.
Jeanine RIVAIS
Autodidacte, Jacques Boyer est un créateur d'Art-Récup'. Et l'une de ses passions, presque une addiction, est la création de poissons fascinants, exécutés avec les glanes qu'il a découvertes…
Mais surprise ! Car cette année, une énorme tortue occupait la majeure partie de son stand : carapace conçue comme la coque inversée d'une barque, jambes fixées par des roulements à billes ; pieds/fourchettes à longues dents ; tête cylindrique tendue vers le visiteur !...
Et puis, pour se prouver peut-être qu'il n'est pas aussi addict aux poissons qu'il a été écrit, seule une tête très colorée, faite de morceaux de poterie, et armée d'un aileron, représentait cette famille animale.
Tandis que, pour confirmer son indépendance créatrice, il avait placé derrière ce monstre deux têtes "humanoïdes" rigolotes ; une tête de porc au groin métallisé ; et pour faire bonne mesure, une série de petites sculptures métalliques plates, découpées pour représenter paysans et animaux de la ferme.
Tous objets démontrant s'il en était besoin, que Jacques Boyer sait se renouveler, créer ses œuvres tout en s'amusant, et en provoquant le visiteur. J.R.
VOIR AUSSI : TEXTE DE JEANINE RIVAIS : " LES ICHTYOLOGIES PROTEIFORMES DE GILLES BOYER" : http://jeaninerivais.jimdo.doc/ Rubrique FESTIVALS BANN'ART juillet 2017.
Contrairement à l'année précédente où Claudine Guibert témoignait de son souci de l'environnement, de l'écologie, et proposait de véritables constructions issues de ses glanes en milieu rural, elle présentait cette année, tout aussi né de récupérations, un assortiment d'oiseaux très en mouvement, qui picorant, qui courant sur ses pattes menues, qui encore couvant une série de galets n'ayant rien d'ovoïdes ! Petits, grands… pattes courtes ou échassiers… Parfois même, on ne peut plus bizarroïdes car elle dérivait vers des sortes d'animaux dont les pattes à pieds fourchus portaient une tête indescriptible et un corps/cocon qui, apparemment, servait d'abri à de minuscules humains…
Quant aux humains, il y en avait aussi, pas beaucoup ! Comme si, cette année, les préoccupations de l'artiste étaient uniquement ornithologiques ! Pas jaloux, ils offraient au passant leur bonne bouille gentille aux grands yeux ronds !
Finalement, les œuvres de Claudine Guibert sont toujours surprenantes. Dans ces temps de consommation d’images et de paroles, elles apportent au visiteur, par leur spontanéité et la simplicité de leur conception, le calme, des sensations simples, un sentiment de convivialité.
Jeanine RIVAIS
VOIR AUSSI : TEXTE DE JEANINE RIVAIS : " CREATURES ET CONSTRUCTIONS DE CLAUDINE GUIBERT" : http://jeaninerivais.jimdo.doc/ Rubrique FESTIVALS BANN'ART 2017.
"Depuis la Préhistoire, l’homme s’est intéressé aux animaux. Il a vécu avec eux et s’en est nourri. Mais il les a aussi regardés, dessinés peints ou sculptés. Il a inventé à leur sujet des légendes, parfois douces et belles, parfois terrifiantes auxquelles il a cru longtemps. Ainsi les animaux n’ont pas seulement partagé la vie quotidienne de l’homme, ils ont également habité ses rêves". ("Les animaux fantastiques" Véronique Willemin. Réunion des musées nationaux.)
Est-ce par souci de réalisme ou par suite de ses rêves, que Paule Gréboval sculpte dans la terre ses petits animaux plus vrais que vrais ? Ou bien parce qu'elle s’interroge sur l’humanité, sur nos origines et le reste de part animale et instinctive qui nous habite ; sur la place des animaux dans la société, ainsi que la teneur et la qualité des relations humano/animalières ?
Quelle que soit la réponse, elle est l'auteure d'un étrange bestiaire, tantôt quotidien, tantôt exotique, se préoccupant à la fois de la réalité de l'animal et de la perception de son attitude : une sorte de bestiaire hybride, issu de sa mythologie personnelle. Et c'est ainsi que se retrouvent, mise à part la petite "souris grise" si familière, ici une bestiole rousse lourdaude, à nez de crocodile, petite queue, pattes épaisses terminées par des doigts et crête sur le dos. Là, une autre allant du blanc à la naissance de son nez pointu au vert de son corps gonflé comme celui d'un zancle et au rouge de sa minuscule bi-queue, conçue d'un seul bloc, sans articulations, seules les pattes brunes, ridées, terminées par trois doigts ongulés, semblant sortir de son ventre… Ailleurs, l'allure de l'animal ressemble à s'y méprendre à un bouddha vert bronze foncé à tête de grenouille ; ou gris du chapeau bicorne, à la jupe écaillée cachant à demi des doigts de pieds recroquevillés, avec une tête porcine… Ailleurs encore, un petit ours brun à la tête carrément humaine, encapuchonnée, montre ses terribles dents, comme dans les contes ; un minuscule lion est tout frisé comme ces caniches dûment toilettés ; un animal non identifié arbore des oreilles frisées et une trompe éléphantine ; un oiseau tout noir s'annonce par son énorme bec ; etc. Et toujours de gros yeux globuleux sans paupières ; ou au contraire minuscules sortant à peine de leurs orbites ; des oreilles collées au cuir chevelu ou pas d'oreilles du tout. Et chacun dispose de son pré carré herbu orné ou non de fleurs…
Ainsi, entre réalisme, fantastique et mythologie, les animaux demeurent-ils omniprésents dans le monde de Paule Gréboval. Passant tour à tour du monde sauvage et/ou fabuleux, aux bipèdes ou quadrupèdes domestiques qui nous rapprochent d’un environnement familier. Un univers narratif plein de gentillesse et de fantaisie.
Jeanine RIVAIS
Les histoires que se raconte Mosou sont toujours tirées de lointains souvenirs ou de vieux contes parlant de gens, d’animaux… Des histoires "d'ailleurs", en fait ! Des histoires de gens qui ont la tête creuse parce qu'ils ont toute leur vie pour la remplir ! D'animaux qui parlent de voyages, d'exotisme, tel l'éléphant ; du quotidien tel un petit bonhomme/pot à tabac doté de nageoires ; le coq à la lourde crête ou le canard aux ongles de pieds peints…
Et puis, des "gens", des fillettes blondes comme l'été ; des femmes mûres aux cheveux gris, les unes dansant, les autres regardant le visiteur de leurs yeux lourdement maquillés. Rien que des femmes, alors ? Non pas, car voici de jolis totems, à deux étages ; masculins malgré la présence surprenante de seins proéminents, chapeautés, bonnetés, colletés… leurs visages superposés rieurs, sévères, surpris, provocateurs… chaque fois différents.
Des œuvres pleines de bonhomie, de couleurs, d'humour, qui par leur petit côté rétro, emmènent le visiteur vers un temps où animaux et humains se parlaient. Des histoires fantasmagoriques, en somme !
Jeanine RIVAIS
VOIR AUSSI : ENTRETIEN AVEC JEANINE RIVAIS : COMPTES-RENDUS DE FESTIVALS : http://jeaninerivais.fr Rubrique BANNE 2009
Travaillant toujours la terre, Annie Boumaza qui avait l'année précédente apporté au festival de Banne uniquement des personnages est venue en 2018 avec des objets qui relèvent plutôt de l'artisanat que de l'art singulier : tableautins et boîtes rappelant la mer avec ses poissons très colorés, cacti, coquelicots. J.R.
VOIR AUSSI : TEXTE DE JEANINE RIVAIS : " PEINTURES ET SCULPTURES ANTHROPOMORPHES D'ANNIE BOUMAZA" : http://jeaninerivais.jimdo.doc/ Rubrique FESTIVALS BANN'ART septembre 2017.
Peintures et sculptures plongent Véronique Peytour dans le monde du quotidien. Un monde rural, apparemment, sauf peut-être pour la flore qui, terrestre ou lacustre, arbres ou algues, prend de drôles d'aspects écailleux qui font plutôt penser à des végétations exotiques.
Pour le reste, elle est concernée par l'habitat, d'abord. Petites maisons étroites, ouvertures minuscules, (ce qui pourrait présupposer un climat froid) ; chapeautées de toits pointus, à cheminées. Murs couverts de fleurs, souvent. Et conçues en de belles couleurs vernissées sachant capter la lumière, ce qui fait briller les angles (grâce à un soleil absent de la "scène" mais chaud au cœur de l'artiste ?) Maisons de guingois, toujours, perchées sur les rochers en haut des collines, auxquelles le voyageur accède par de petits chemins caillouteux, bordés de champs verts ou bruns selon les saisons.
Et puis, elle est concernée aussi par les us et coutumes campagnards : de la poulette aux ailes délicatement bordurées, picorant dans la cour ou couvant sur son nid, à l'église se profilant à l'horizon, ou au vent ployant les arbres, tout est là, peint ou sculpté. Mais le summum du quotidien, n'est-ce pas le linge apparemment juste lavé à la rivière, accroché à un fil entre deux arbres du jardin ?!! Belles robes de cérémonies un peu rétro, d'ailleurs, et manteaux chics, (suggérant donc l'aisance de leurs propriétaires) ! Ce qui est d'autant plus surprenant, que nul personnage ne traverse jamais les œuvres de la peintre. Même la poulette évoquée ci-dessus semble (à l'exception de quelques poissons) l'unique être vivant sur ses cimaises.
Enfin, distincts de ce qui précède (ou s'y rattachant par quelque fête païenne ou religieuse, à moins qu'ils ne soient là, croyances ancestrales obligent, que pour chasser les mauvais esprits du village ? ), et d'autant plus paradoxaux qu'ils représentent des visages humains, Véronique Peytour réalise des masques ovales, très sophistiqués, picturalement "brodés" : nez au profil grec, bouches et yeux lourdement fardés, quelque mèche coquine plaquée sur une joue ou un front. Inattendus dans l'univers vide de toute vie de l'artiste, ces masques plongent le visiteur dans une atmosphère étrangère aux "scènes" situées à leurs côtés, renforcée par leur présence intemporelle et tellement esthétique.
Ainsi, de son "dit" et du "non-dit" très suggestif que le visiteur ressent à chaque détour de tableau, cette artiste réalise-t-elle une œuvre dans laquelle elle propose son idée très personnelle de la nature ; et sait très bien mettre en valeur le côté paisible des paysages ruraux dont elle semble friande !
Jeanine RIVAIS
VOIR AUSSI : TEXTE DE JEANINE RIVAIS : http://jeaninerivais.jimdo.doc/ Rubrique FESTIVALS BANN'ART ART SINGULIER ART D'AUJOURD'HUI 2012 .
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TEXTES REDIGES SUITE AU FESTIVAL BANN'ART ART SINGULIER ART D'AUJOURD'HUI DE MAI 2018.