"Ca reste quelquefois des mois, des années dans mon tiroir, mais je sais que c’est là. Un jour, je trouve un nouveau petit élément et tout à coup, je me dis : « Mais ça, ça va avec ça ! ». Alors je m’y mets, les ciseaux, la colle, c’est vite fait", disait Prévert, parlant de ses collages !

          Pas sûr qu'il en aille de même pour Eric Martin lorsqu'il part, avec les siens, pour des voyages interstellaires ! Sur la nuit cosmique, jetée à grands traits désordonnés du pinceau chargé de matières, il va placer ses personnages. Il ne découpe pas à tort et à travers dans tout ce qui lui tombe sous la main. Il a ses sources privilégiées, apparemment des revues scientifiques dans lesquelles il choisit des cosmonautes. Car, pour cet artiste, toutes ses récupérations viennent du papier, et toutes ses créations se font sur papier. 

          Le voilà collagiste : Le choix des motifs qui vont composer l’image est extrêmement précis. Prennent place sur la page ici une fusée au décollage, là des machines (des ordinateurs ?) ; ailleurs, ses cosmonautes sont en plein travail : Apparemment sorti dans l'espace, l'un photographie les paysages, tandis qu'un autre, à la manœuvre, contrôle ses fameuses machines ; et qu'ailleurs, trois appartement à un autre vaisseau supportent un véhicule rond qui ressemble à s'y méprendre à une Terre en réduction ! Ailleurs encore, un groupe semble aux prises avec le sol (on n'aperçoit plus leurs jambes ! ), tandis que volent autour d'eux, très denses, toutes sortes de grésils colorés. 

          Et puis, une surprise de taille : tous les cosmonautes d'Eric Martin sont musiciens. Les uns jouent sur des pianos (qui, pour être dans l'espace, n'en ressemblent pas moins à des pianos terrestres !) D'autres ont même constitué un orchestre ("OTX-The Space music"), qui jouant de la guitare, qui du piano, qui de l'harmonica …

          Ainsi, le processus de création revêt-il une certaine fulgurance, un flot ininterrompu d’associations d’idées. Les idées d'Eric Martin qui s’en sert pour son expression. Laquelle, composée des documents venus d'illustrations de textes différents, décale le sens de l’image, lui changeant alors sa fonction et sa nature afin de les faire siens. Car ce sont bien SES rêves qu'il colle sur chaque page ! SES voyages fantasmatiques qui, d'un lieu sidéral à un autre, l'emmènent loin, bien loin de son quotidien ! 

Jeanine RIVAIS

VOIR AUSSI : MARTIN ERIC : ENTRETIEN AVEC JEANINE RIVAIS : http://jeaninerivais.fr Rubrique FESTIVALS : IIe BIENNALE INTERNATIONALE D'ART HORS-LES-NORMES DE LYON 2007.