Chaque année, le dernier weekend de septembre ramène entre les murs de la Création Franche de Bègles, un public amateur d'œuvres qui, malgré et hors de la récupération éhontée pratiquée dans tous les lieux dits d'arts, demeurent résolument marginales. 

          Manifestation protéiforme, au cours de laquelle les gens qui se réclament de la mouvance brute traditionnelle créent la plupart du temps par besoin d'être en prise directe avec leur vécu, avec le sensitif. Des artistes animés du désir d'embellir leur vie d’œuvres d'une fraîcheur, d'une rutilance toutes particulières. Mais en même temps, d'oeuvres ancrées dans la mémoire de leurs racines. Subséquemment, osant sans états d’âme les "dits" les plus inattendus, ils y déclinent à l’infini humour, souffrance, plaisir, quotidien et fantasmes, liberté et insolence ; y affirment leurs associations inimitables de couleurs, formes et matières ; y bousculent et enchevêtrent leurs images de graphismes, de pictogrammes qui dansent autour de personnages plus fantaisistes que réalistes… 

          Une manifestation annuelle, dont la volonté est d’être une rencontre, des artistes, des histoires, des idées, des visiteurs qui retrouvent à chaque fois agréables surprises et questionnements. Bègles, de Gérard Sendrey fondateur à Pascal Rigeade émule fidèle, a en effet adopté le parti-pris de rester dans une tradition et La Création franche est désormais avec La Fabuloserie de Dicy et le LaM de Villeneuve d'Ascq le gardien des témoignages de plus d'un demi-siècle de marginalité. 

          Souhaitons donc que, pour longtemps encore, se retrouvent entre les cimaises, tous ces créateurs qui, en se dégageant des formes classiques, en s’emparant des matériaux les plus insolites, en réalisant des petites portions d'eux-mêmes sous forme de réalisations universelles, d'ailleurs parfois éphémères, participent de la vie dans l’art marginal ! 

Jeanine RIVAIS