PEINTURES ET ECRITURES CHEZ SOPHIE RAINBAULT, dite DEL MAMBO

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          Depuis la nuit des temps, l'homme a écrit sur des parois où il dessinait. Seules, les écritures ont changé, mais le message est demeuré identique : chacun sait que l'écriture est une forme de dessin codifié. Que ce dessin peut être très simple ou très complexe. Lorsque peinture et dessin sont conjugués en une œuvre unique, les mots tentent d'envahir le plus d'espace possible. Aux graphismes de défendre leur territoire ! C'est ce qu'ont essayé d'exprimer les artistes d'Art brut lorsque leurs écritures répétitives jusqu'à être obsessionnelles remplissaient intarissablement les interstices et les marges de leurs dessins.

     

          C'est bien ce que semble faire Del Mambo lorsqu'elle couvre ses dessins d'écritures. A la différence que, souvent, chez les artistes procédant ainsi, les écritures non signifiantes ne jouent qu'un rôle spatial, tandis que les siennes sont chaque fois de petits messages ! Toujours en un style très gestuel, très lancé, de façon que la ligne danse sur la toile, inscrivant ses formes, lesquelles sont la plupart du temps "contenues" "dans" le dessin, comme sur la tasse dans laquelle bouillonnent une foule de personnages blancs surlignés de noir, tandis que l'un d'eux tout noir s'exclame "Purée de moi". Sur cette peinture, l'artiste a voulu faire de jolis effets de calligraphie en repassant de blanc les lettres noires sur fond rouge, de sorte que seuls le début et la fin du message sont lisibles. 

 

        Ailleurs, elle remplace souvent les lettres par de petits dessins, comme sur celui où deux siamois sont réunis par un cordon, au sommet du crâne, à la bouche, la poitrine et le ventre, tandis que leurs jambes sont totalement confondues : Entre oasis et palmiers, Martiens, villes-champignons, chien hargneux et grand-père appuyé sur sa canne, leurs corps sont entièrement tatoués ! 

          Ailleurs encore, sur fond blanc évoquant vaguement une silhouette citadine et ciel noir opaque, avance un cycliste au visage renfrogné tandis que son épaisse chevelure est couverte de mini-maisons imbriquées en tous sens ; et que son ombre portée est faite de minuscules formes géométriques blanches sur fond noir. 

 

        On pourrait à l'infini décrire deux têtes/montgolfières, une sorte d'ivrogne entouré par des bouteilles, tandis que des milliers de fantasmes s'agitent au-dessus de sa tête ; ou un animal à roulettes, mû apparemment par une clef ventrale sur laquelle une déclaration solennelle  annonce qu'"APRES AVOIR TUE LA VILLE LA BAGNOLE TUE  (le reste étant illisible demeurera donc mystérieux) ; etc. Et voir combien l'imaginaire et le sens du jeu de Del Mambo savent se diversifier pour chaque nouvelle œuvre. ..

 

     En venir aux multiples pages blanches de dessins en noir et blanc, tous bâtis sur le même principe central, mais tous différents : têtes seules ; personnages lovés seuls ; groupes tellement compacts qu'il est impossible de préciser le nombre de protagonistes. Et ceux-là sont purement graphiques. Nulle écriture n'en compromet la pureté ! 

 

     Ainsi, l'imaginaire de Del Mambo la promène-t-il de dessins en écritures, en écritures/dessins… Comment décide-t-elle de tel ou tel choix ? Est-ce une question de rythme du tableau ? Est-ce parce que, à mesure que le ou les personnages, le ou les objets se créent, la ou les écritures s'ajoutent… une histoire se raconte à elle ? Et qu'elle aime cette petite histoire ? 

 

         Et finalement, cette petite histoire ne serait-elle pas pour elle la clef du bonheur ? Qui sait ? 

Jeanine RIVAIS

TEXTE ECRIT SUITE AU BIZ'ART FESTIVAL 2017 DE HAN-SUR-LESSE EN BELGIQUE.