Que font, d'habitude, les jeunes femmes de vingt-deux ans ? Elles se marient, ont des enfants, un travail, une quotidienneté assez banale, en somme ! Rien de tel pour Angèle qui s'interroge picturalement sur le monde, sur le cosmos, sur la relation de l'Homme à ce monde, à ce cosmos, et à la façon dont tous ces éléments se conjuguent pour que chaque spectateur, la surprise passée, puisse laisser libre cours à ses émotions, son sens du merveilleux, de l'inattendu, face à ce développement composite, cette scénographie d'une sobriété exemplaire.
Car Angèle n'use de nul "effet", nulle surenchère : sur des murs noirs, elle déploie son parcours fait de "peintures cosmiques" sur fonds noirs, entrecroisées d'écrits poétiques qui véhiculent ses exhortations adressées à : elle-même ? au visiteur qui les lit et réagit subjectivement ? à la terre entière qui est concernée par les interrogations, mais aussi les remarques tour à tour enjouées, angoissées… de cette jeune artiste ?
Il peut sembler au visiteur évident d'avancer en suivant l'itinéraire circulaire prévu par Angèle. Mais, il peut aussi analyser -du moins tenter d'analyser- retracer selon son cœur, l'histoire, l'aventure qu'elle narre au cours de cet itinéraire ! Commencer, par exemple par son interrogation sur l'humain : "L'humain est aussi vaste que l'univers. Que connaissons-nous de l'univers ? Une toute minuscule, minuscule, minuscule partie. Alors, que sommes-nous ? Nous n'en savons… qu'une toute minuscule, minuscule, minuscule partie".
Partir avec elle dans un cosmos, dont l'œil -tel celui d'un cyclone- est le centre de l'inconnu (et subséquemment du tableau).
Découvrir au centre de ce magma, un embryon humain, affirmant "A chaque naissance, c'est la naissance de l'univers qui se reproduit à l'infini…".
Parvenir à un petit enfant nimbé d'une auréole bleue, confiant au soleil "les murmures de" (son) "âme". - Et toi, alors ?... Qu'est ce qui regarde à travers tes yeux à cet instant ? - A travers mes yeux ?... Je crois que ce sont des années lumières de questionnements, des années lumières d'existence.
Puis, sur fond de ciel mêlé de bruns et de noirs, évoquer un soleil parfaitement circulaire, sur le bord gauche duquel se dessine en filigrane minuscule l'embryon vu plus haut. Scander vers lui, une sorte d'hymne : "Entends, au creux de ton âme des soleils naissent, brûlent, et meurent. A chaque instant. A jamais. Et ceci, indépendamment des cycles du corps.
Est-ce l'enfant de tout à l'heure ? Un autre jouant "aux petits bateaux" ? Dans un ciel tout noir, où seul point un quartier de lune descendante, lire ce qu'elle proclame (pour le visiteur ? pour l'enfant étonnamment dehors la nuit ?) "Eh oui, je vous ai vu" ! Comme si le parcours d'Angèle passait par la transgression ?
Se rassurer en retrouvant le cosmos, en une incantation rassurante commençant par : "Ne t'inquiète pas…"
Parvenir en un lieu qui pourrait être le résumé du périple puisque, entre phrases écrites en minuscules, est accroupi une sorte de centaure à gauche de l'embryon étendu sur fond noir dans un cadre blanc ; au-dessus duquel bat un cœur entre veines et artères ; à droite d'une carte de la Terre au centre d'un rectangle placé dans un autre rectangle où brillent des milliers d'étoiles ; à droite d'un carré blanc portant un sigle indéfini… Comme si l'artiste, de mythologie en réalité, de la naissance vers le rien, avait terminé son voyage spatial et était revenue à son interrogation originelle ?
Enfin, retrouver l'embryon -donc la vie- et ses deux icônes porteuses de réflexions : "Il peut paraître inné de vivre. Cela peut paraître être de l'ordre de la normalité. Pourtant il n'y a rien de moins normal, il n'y a rien de plus fou que la naissance de la vie". // "Tu te souviens ? Nous sommes passés par les galaxies avant de naître au monde. Et on y repassera en sens inverse pour notre dernier voyage. Comme une première et ultime traversée. Je l'entends encore dans mon corps, l'épais silence qui sépare les galaxies".
Ainsi pourrait être circonscrit le périple d'Angèle, voyageant à travers le cosmos, invoquant la lune et le soleil, plaçant dans son périple au long cours, l'enfant pas encore né, et l'enfant dans son jeune âge, tous deux ayant toute la vie devant eux. Un message d'espoir donc.
Mais il va de soi qu'une telle transcription ne peut être que subjective, ne représentant que des étapes sélectives dans le parcours d'Angèle. Cette présentation "permet en tout cas d'exprimer ce qu'il y a au-delà des mots, au-delà du visible. Elle permet d'exprimer ce qui nous traverse et parfois paraît plus grand que ce petit corps humain". Il reste à savoir si, de présentation en présentation, elle-même effectue toujours le même itinéraire ou le modifie au gré de ses fantasmes ? Et puis, elle est bien jeune, pour de si graves questionnements : qu'en sera-t-il, lorsque l'âge venant, elle les affrontera de nouveau ?
Jeanine RIVAIS