CONSTRUCTIONS ALEATOIRES ET VIES INCERTAINES CHEZ FANNY DE OLIVEIRA.
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Beaucoup de peintres peuvent-ils se targuer de créer des œuvres aussi paroxysmiques que celles de Fanny de Oliveira ? Car, dès qu'il s'approche de ses cimaises, le visiteur est saisi par le sens du mouvement qu'elle imprime à chacune de ses mises en scène. Mouvements tournants, semblables aux vagues au moment du ressac ; jaillissements d'eau dévalant la toile, entrecroisements enneigés couvrant d'improbables habitations réduites à des entassements de géométries simplistes et apparemment instables.
Le tout en de lourdes couches de matière décomposée en taches et traits épais qui négligent l'illusion de la perspective. D'ailleurs, comment l'artiste pourrait-elle se préoccuper de perspective, alors que toutes ses œuvres sont des huis clos, et que chaque scène est vue au plus près ? Traitée en épaisseurs de couleurs pâteuses noires ou rouges sombres, s'étalant généreusement tantôt à longs traits du pinceau ; tantôt en aplats méticuleusement appliqués. Chaque tableau se présentant comme ayant sa propre lumière tourmentée d'harmonies contrariées… Mais toujours semblant rayonner…
Et toujours aussi, la foule ! Théâtres bondés de spectateurs, grouillements gesticulatoires de gens lors de manifestations, scènes de la Passion, enterrements… Encore et toujours la foule. Au point qu'il semble impossible à l'artiste de concevoir l'homme seul ! Mais pas la foule façon Ensor, par exemple, où le visage de chaque personnage est parfaitement lisible : Non, une masse à peine linéarisée, serrée contre les éléments du fond, comme incluse dans l'arrière-plan architectural… Chaque personnage certainement "là", mais jamais en tant qu'individu.
Et elle, Fanny de Oliveira, où est-elle dans ces cadres magmatiques, dans ces ébauches de structures réduites à des formes primales ? Il semble évident que la préoccupation actuelle de cette artiste consiste à "SE" chercher ? Sans doute, au fil des années, à mesure que toutes les éventualités exploratoires, ses intuitions, ses réactions pulsionnelles seront déchiffrées, parviendra-t-elle à se sortir de cette foule ? A moins que, ayant découvert en elle les raisons de ses choix actuels, et dégagé la philosophie de sa démarche, elle continue de s'y sentir bien et décide de les poursuivre. Qui sait ? En tout cas, il est d'ores et déjà intéressant de voir une authentique créatrice mettre son talent au service d'une non moins authentique création en devenir. Rendez-vous dans dix ans !
Jeanine Rivais.
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MUSEE DE LA CREATION FRANCHE : 55 avenue du Général De Lattre De Tassigny, 33130 Bègles. Tél : 05.55.85.81.73.
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