VERO LHOMMET, VITRAILLISTE

Entretien avec Jeanine Rivais.

*****

            Jeanine Rivais : C'est la première fois que vous venez à Banne ? Pensez-vous être ici au titre de l'"Art singulier" ? Ou de l'"Art d'aujourd'hui" ?

lhommet
lhommet

Véro Lhommet : Oui, c'est la première fois. Je crois être avec les Singuliers, avec mes éclats de verre et mes capsules.

 

            JR. : Vous pensez donc que ce qui vous place avec les Singuliers, c'est la notion de récupération ?

            VL. : Notion de récupération. Et puis : pas commun.

 

            JR. : Avant de parler de vos vitraux, nous allons parler de votre obsession. Parce que je pense qu'à ce stade, on peut parler d'obsession, pour les capsules. Comment les récupérez-vous ? Et sont-elles déformées quand vous les récupérez ?

            VL. : Non. Et je colle dessus un petit papier…

 

            JR. : Vous parliez tout à l'heure de l'origine de ces capsules. Mais, à part le petit tour crénelé, vous supprimez finalement cette origine ?

            VL. : Oui. En fait je change leur fonction. C'étaient des capsules, cela devient des bijoux.

lhommet 1
lhommet 1

JR. : Venons-en aux vitraux : Ce sont des morceaux de verre récupérés ? Les décharges étant de moins en moins florissantes, n'est-il pas de plus en plus difficile de récupérer des verres de toutes les couleurs ?

            VL. : Il y a un mélange de verres contemporains, de pâtes de verre, des verres de toutes origines, même des verres de lunettes. Et tout est taillé.

 

            JR. : Je vois par exemple un ensemble de verres bleus. Avez-vous trouvé ces verres en un même endroit ? En plusieurs endroits ? Ou avez-vous cassé la bouteille pour utiliser les morceaux obtenus ?

            VL. : C'étaient des bouteilles d'eau de rose. Je les jette, je les casse, puis je les taille.

 

            JR. : Certains de vos vitraux sont figuratifs. D'autres carrément abstraits, même si vous ajoutez parfois des pétales et des boules. En fait, ce que vous cherchez, c'est une composition esthétique, et non pas une composition signifiante ?

            VL. : Oui. Ou alors, par mon parcours, par ma réflexion personnelle, j'arrive à de nouveaux éléments, par exemple de la faïence. Mais aussi beaux soient les morceaux, cela reste froid. Alors que, ce que j'aime, c'est donner une âme à des matériaux inertes.

 

lhommet 2
lhommet 2

 

            JR. : Il est évident, à voir vos compositions, que vous êtes une très bonne coloriste. Alors, comment choisissez-vous vos couleurs ? Par exemple toutes ces couleurs de violine ? Et la couleur conditionne-t-elle la forme ? Par exemple, sur l'une de vos œuvres, tous les éléments violets sont des pétales ou des boules ? Est-ce le fait qu'ils soient violets qui a amené la forme de l'œuvre ? Ou bien travaillez-vous autrement ?

            VL. : Ce n'est pas complètement réfléchi. Je me laisse porter par l'instinct, la spontanéité… Des éléments qui m'échappaient et puis me donnaient l'impression de vivre un moment de grâce. Cela ne s'explique pas.

 

            JR. : Donc, vous ne dessinez pas avant de réaliser vos œuvres ?

            VL. : Non. Rien. Même pour les mosaïques ou pour mes "capsd'art". Cela se compose au fur et à mesure. C'est comme si je peignais. Avec les vitraux, c'est une autre démarche, parce qu'il faut penser à la lumière.

 

            JR. : Même question qu'à tout le monde : est-ce qu'il y a des questions que vous auriez aimé que je vous pose et que je n'ai pas posées parce que je suis totalement novice dans l'art du vitrail ?

            VL. : La lumière est le problème principal. A Banne, je me suis adaptée par rapport à la grotte. De sorte que les vitraux apparaissent comme des tableaux vivants.

 

lhommet 3
lhommet 3

            JR. : Moi, je supprimerais le cadre rigide que vous avez mis autour, et j'essaierais d'aller dans des formes un peu plus folles. Ne pas avoir cette géométrie que vous vous imposez.

            VL. : Oui, mais ce que vous voyez, sont des éléments qui ne sont pas évidents à trouver : ce sont des portes qui ont déjà une âme, d'anciennes fenêtres, des bois qui ont du corps, qui ont une histoire…

 

            JR. : Il me semble finalement que, si j'étais dans la même recherche que vous, je supprimerais carrément le cadre. J'essaierais d'avoir un peu de folie, parce que je trouve qu'en fait, vos vitraux sont très sages.

            VL. : Oui ! Mais dans ce genre de création, il y a aussi le côté pratique, puisqu'il y a la forme et le format d'un carreau. Les gens peuvent l'adapter tout de suite dans une porte vitrée… Je ne vois rien d'autre à ajouter, à part vous inviter dans mon atelier !

 

                

JR. : Eh bien, rendez-vous un jour où nous passerons par là-bas !

lhommet 4
lhommet 4

Cet entretien a été réalisé à Banne, dans la Grotte du Roure, le 15 mai 2010.