MATHIEU LEWIN, peintre et dessinateur
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Une première impression suggère au spectateur que les œuvres de Mathieu Lewin sont des pages de bande dessinée. Mais il n'en est rien. Chaque œuvre est une petite histoire en soi, où les protagonistes évoluent dans un décor hypersophistiqué, qui plus est directement situable géographiquement et sociologiquement.
Et il est facile d'imaginer l'artiste, le nez collé sur son support, en train de carreler le pavé du "King" ; tournicoter les poils qui couvrent ses bras ; lacer ses baskets ; ajuster ses rideaux… agripper les multiples mains fantasmatiques hérissées d'ongles suraigus de la femme "En manque" effondrée dans ce qui peut être un caniveau dont les ondes roulottent une à une… tourner à la cuiller de bois les compositions culinaires du "Cuisto", au milieu de ses casseroles et des ingrédients de ses plus belles recettes… ou encore tricoter à points menus la veste du "Mac" et son chapeau…
Il faudrait prendre ainsi détail par détail, ajout par ajout, décor par décor, tous les éléments émergeant de ces fonds tellement denses qu'ils en semblent impénétrables et souvent tagués d'écritures anarchiques ; devant, au milieu, parmi… lesquels Mathieu Lewin place ses personnages.
Personnages qui, tous, sont grotesques, dotés de trognes aux dents énormes, souvent dégoulinant de bave, chique, etc. Barbes drues, cheveux en bataille ou au contraire frisottés à l'excès… Doigts boudinés lourdement bagués ; oreilles couvertes de pendeloques tels les corsaires des plus féroces îles caribéennes…
Personnages du peuple, à en juger par la rusticité de leurs vêtements ; par la violence de leurs croyances religieuses allant jusqu'au "Sacrifice"… Mais tentant souvent de changer de classe sociale, comme ceux qui font une "Balade en voiture" dans une énorme décapotable à l'américaine !
Une création tellement kitsch qu'elle en est fascinante, tantôt plaisante avec "La drague", tantôt grossière avec "C'est la merde" ; tantôt naïve, "Chez la Voyante" ; poétique toujours… mettant au défi quiconque se lance dans la contemplation d'une œuvre, de la quitter avant d'avoir intégralement reconstitué "SA" propre histoire !
Jeanine Smolec-Rivais