MEMOIRE SOCIALE ET CULTURELLE CHEZ RHODE BATH-SCHEBA MAKOUMBOU
N'était que les peintures qui les entoure ont un air très contemporain, le visiteur se retrouvant parmi les sculptures de Rhode bath-Schéba Makoumbou, aurait le sentiment d'être transporté dans un village d’individus noirs comme le charbon, anonymes et, ce qui est encore plus surprenant, tous féminins. Car cette artiste d'origine congolaise, qui apparemment, a depuis longtemps, migré vers d'autres continents, se veut néanmoins "caution" de cette civilisation laissée derrière elle, et dont elle a le sentiment qu'elle va disparaître !
Femmes, donc, mais femmes aux corps usés par le labeur, positionnés pour le travail, présentés dans la plus grande quotidienneté : retour de chercher du bois ou de l'eau ; pilage du mil dans le mortier, etc. Femmes coquettes, néanmoins, tailles de guêpe ; seins généreux : cuisses solides et longues. Portant turbans, corsages, jupons ou pantalons à l'évidence tissés et teints autour de la hutte, dans un grand déploiement de couleurs vives. C'est forte de cette revendication de l'africanité, et parce que la sculpture n'est vivace que dans les sociétés sédentaires, vivant du labeur de la terre, que Rhode Bath-Séba Makoumbou a choisi de mettre ainsi ses personnages au travail.
Et le hiératisme des corps renforcé par le choix des matériaux raidis par le temps (sciure et colle à bois sur une structure métallique) ; la frontalité des œuvres souvent partageables par une ligne médiane ; et la prépondérance des têtes qui, rehaussées du turban, de la gourde ou du fagot, conçues en surfaces tendues et volumes anguleux sont presque aussi importantes que les corps, font que ses oeuvres sont aussi structurées que les sculptures primitives … conférant à cette projection de son imaginaire sa spécificité propre, culturelle et identitaire.
Peut-être peut-on s'étonner qu'elle n'ait pas également abordé l'aspect cultuel par des œuvres personnifiant les ancêtres disparus, enracinés dans des mythes transmis de génération en génération par les contes et le bouche à oreille. Mais gageons que, désireuse comme elle l'est de témoigner, ayant si profondément réfléchi sur son désir de "dire", cette absence ait été mûrement pensée ?
Jeanine Smolec-Rivais.