François-Noël Martin s'est-il un jour fâché avec les textes discursifs, qu'il a décidé de les déchirer, les lacérer, de façon à les rendre anonymes ? D'autant que, dans le même esprit, il s'insurge contre les affiches et décide de les détruire pour faire siens les fragments ainsi récupérés. Puis, partir de ce qui semble un fond peint non-signifiant et reconstituer un monde qui lui convienne ?
Mais, dans ce cas, il le reconstruit éminemment chaotique ; impossible à définir historiquement, géographiquement, socialement… Plus aucune réalité dans cet univers de lambeaux appropriés, "recollés", "maculés", "recomposés" pour faire émerger de ces assemblages fragmentaires de couches successives d'éléments dont les textes sont devenus illisibles, une nouvelle beauté anarchique !
Il est alors évident que non seulement François-Noël Martin joue avec les rythmes qu'il génère ; mais surtout qu'il joue avec le langage, se rapprochant ainsi de ceux, individuels ou groupes qui ont, avant lui, œuvré en ce sens : les Dada, Dietman, Aeschbacher, le Nouveau Réalisme, le Pop'Art, etc. Mettant en place par arrachage, accumulation, décollage… recomposition, recollage… de ces textes ou affiches qui ne lui appartiennent pas, la valeur plastique et poétique de ceux qu'il combine avec de beaux caractères noirs, rouges ou blanc, gras ou linéarisés, énormes ou minuscules ; portraits détruits pour les recomposer autrement, c'est-à-dire, donner vie à des personnages autres…
Disposant le tout en des trames complexes, creusant ainsi une voie personnelle où le matériau de l’affiche est strictement à usage imagier, loin de la fonction quasi sociologique qui lui était initialement attribuée.
Lorsqu'il effectue ainsi ce travail de destruction et de reconstruction François-Noël Martin a-t-il conscience de renoncer à toute représentation dialectique et signifiante pour un ou d'autres avant lui, d'un tableau originel ? Subséquemment, de supprimer un ou des artistes (s) ? De faire fi de références linguistiques s'organisant en fonction de pensées logiques ; de créer en somme ce qui a été appelé des "joutes graphiques" où la lettre est chargée d'une force picturale ; et ce faisant, de briser ce que l'écrivain Michel Butor appelait le "mur fondamental édifié entre les lettres et les arts" ?
Jeanine Smolec-Rivais