Créatrice sans limites, sans préjugés, sans contraintes, Moutte peut passer de la terre au bois ; d'un matériau sommairement bûcheronné à une substance sophistiquée ; de la peinture à la gravure ; de la création spatiale à la peinture… Le résultat est une œuvre protéiforme allant du portrait massif aux traits taillés (littéralement) à coups de serpes, à la chenille longiligne dans lequel elle mêle œuvre et décor, par exemple les jambes des personnages de la tapisserie africaine devenant les pattes de l'animal ; passant de l'arbre porte-bonheur surchargé d'offrandes à un individu arborant chemise criarde et multiples fanfreluches ; du portrait mordoré parce qu'elle a préservé la texture du bois de "Monsieur et Madame Bouleau" à "Miss Croquemitaine" éclatant de couleurs, en exploratrice caricaturale…
Le plus curieux est la façon dont cette autodidacte met en marche son imagination lorsqu'elle devient créatrice d'Art-récup'. Il faudrait dire lorsqu'elle réalise ses œuvres en passant du végétal (écorces, bois, racines, langues-de-bœuf séchées…) au minéral (galets, cailloux…) ou à l'animal (os, coquillages, plumes…) ; trouvant l'impossible conjonction de divers éléments qui en feront une chenille, un arbre, un totem, etc. ; "se promenant" d'œuvres ludiques " racontées ", à d'autres au contraire à peine ébauchées…
Finalement, cette absence de définitions et cette recherche de formes tellement différenciées, n'est autre, pour Moutte, qu'une quête de liberté, apportée par chaque nouveau matériau. Le plaisir, l'envie d’exprimer le vide, l’espace, la lumière, la résonance avec tout ce qui fait partie de la troisième dimension ; et par opposition, l'envie d’aborder le volume, dans le sens du plein. Ou simplement, travailler le trait, couvrir une surface...
Pour cette artiste, qu'importe la démarche, puisqu'elle parle toujours de l’être humain, de la sociabilité, des regards qui parlent de beaucoup de choses ; ou de l'absence de regards qui l'emmène vers d'autres orientations…
Jeanine Smolec-Rivais.