Tous ceux qui, pendant des années, avaient suivi les destinées de "Céramiques insolites", ont pu mesurer le degré de difficultés rencontrées par Alain Kieffer, auteur et animateur de cette manifestation, pour en assurer la pérennité. Jusqu'à ce qu'il doive jeter l'éponge !! Empêchées, les Céramiques insolites ont survécu dans les mémoires, avec le sentiment d'un immense regret !

            Heureusement, les réserves d'énergie d'Alain Kieffer et sa volonté de perpétuer sa démarche artistique vers les autres, semblent inépuisables ! Grâce à son acharnement, telles un phœnix, les voilà renaissant de leurs cendres, ces "Céramiques insolites" ! Et de nouveau Saint-Galmier peut s'enorgueillir de présenter à un public qui était nombreux et dont il faut espérer qu'il aura su rester fidèle, une manifestation devenue biennale, et toujours hors du commun. Avec la seule différence qu'au lieu d'être printanière, elle annoncera l'automne. Saison glorieuse, bien souvent, acceptons-en l'augure !

Et, de nouveau, se pose la question : Qu’ont-ils donc d’"insolite", ces artistes qui vont venir ou revenir à Saint-Galmier ? Ou plutôt, qu’est-ce qui rend leurs œuvres "insolites" ? De nouveau, comment les définir mieux que le dictionnaire écrivant : "qui surprend par son caractère inattendu, inhabituel", et donne comme exemple le Facteur Cheval et son Palais idéal ? Et peut-on imaginer meilleure référence que ce bâtisseur de génie qui, en toute innocence, s’exprimait ainsi : "J'avais bâti, dans un rêve, un palais, un château ou des grottes…"

            Car, ce sera bien le rêve revenu ! Le rêve qui, de nouveau, sera le lien entre les œuvres à la fois si différentes mais en même temps si proches, illustratives de cette renaissance. Comme un prolongement de la définition initiale : originales, hors-normes, "insolites", d'autant que, humanoïdes, végétales ou animalières, elles continueront d'être définies comme des "sculptures figuratives décalées ; invitation à la curiosité, à la surprise, au voyage sensoriel, poétique et ludique".

La preuve que cette singularité, cette disparité et cette proximité continuent de fasciner les artistes, c'est que nombreux seront les "revenants". Mais, il y aura aussi "les nouveaux", ceux que le titre de la manifestation a attirés, mais qui ont encore tout à découvrir de ce monde basé sur trois mots-clefs, formes, couleurs et… convivialité.

Tous, alliant brillamment modernité et nostalgie. Depuis toujours attirés par la matière, proposant leurs créations de terre. De terres, plutôt. Terres de toutes couleurs, de toutes textures, brillantes ou mates, chamottées ou lisses, nues ou émaillées, naturelles ou livrées à la violence du feu. Car nombre de ces artistes vouent un véritable culte païen à ce feu possiblement destructeur mais aussi créateur ; au raku qui provoque l’homme depuis plusieurs siècles, et dont ils exploitent les richesses… Le raku qui joue avec glaise, pigments et émaux pour engendrer des métallisations, des noirs, des mats et des brillants…

Bref, quelle que soit la technique, mille combinaisons aussi complémentaires ou oppositionnelles, aussi imprévisibles a priori, que la psychologie véhiculée par les œuvres qui en émergent. En somme, ces artistes proposeront leurs humanoïdes, leurs plantes fantaisistes, leurs animaux chimériques, spectaculaires et provocateurs ou au contraire sagement mis en scène, après les avoir créés, aimés, cuits, admirés ; après avoir éprouvé du regret parfois, si le résultat n'était pas idéal ; mais après avoir joui à chaque instant de cet échange fusionnel.

Qu'ils soumettront au regard d'autrui. Et nul doute que l'émotion viendra comme à l'accoutumée de cette rencontre avec les visiteurs qui ne manqueront pas de s'étonner, s'exclamer, admirer… Qui se laisseront conter des "histoires" bien vivantes, ou se surprendront à concevoir les leurs, face à ces créations. Imaginaire contre imaginaires, fantasme contre fantasmes, fantasmagorie contre fantasmagories… n'est-ce pas la combinaison parfaite générée par ces œuvres uniques et protéiformes, déroutantes… insolites !?

                                                                                              Jeanine Rivais.

CETTE PREFACE A ETE PUBLIEE DANS LE CATALOGUE 2011 DE CERAMIQUES INSOLITES.