LES DESORDRES PICTURAUX DE STEPHANE VIVIER

"Ta peinture, c'est la pagaille" a-t-on dit un jour à Stéphane Vivier. Pas du tout ! Ses œuvres, au contraire, sont parfaitement structurées ! Les situations "décrites" bien en place ! Les personnages, seuls ou en couples, bien calés pour regarder le visiteur situé en off, le hélant (à en juger par leurs bouches ouvertes), lui faisant des signes de bienvenue. A l'évidence, s'ils l'invitent à venir partager leur vie, c'est en toute convivialité, l'air de dire : "Il faut nous prendre comme nous sommes" ! Et, en effet, l'artiste les peint dans des situations "ordinaires" de la vie de gens "moyens" : Aucune gêne chez cette femme promenant son chien, et affichant de profil son ventre de femme enceinte jusqu'aux yeux ! Ni dans la vive discussion surgie entre ouvriers du "Jour de paie"… Aucune inhibition chez cette femme nue comme celles qui s'exhibent dans les vitrines d'Amsterdam, sauf que, -peut-être par hasard ???- sa main se "retrouve" à cacher son sexe ! Mais le hasard n'aurait donc pas joué dans le cas de la dame lascivement allongée au milieu d'une bande de pochards qui ne se gênent pas pour lui prodiguer des attouchements !! Ni pour ces sortes d'hétaïres entrelacées sur la couche de quelque lupanar !...

            Et voilà que, tout soudain, l'image de Stéphane Vivier, le peintre donc et pourquoi pas l'homme, change. Serait-il coquin ? Traquerait-il la chair fraîche, lui qui s'annonçait si innocent avec son gentil couple attablé au bistrot ; avec ses gens du commun vaquant à leurs occupations !?

            Mais alors, ce ne serait pas sa peinture qui serait en pagaille, mais son esprit, partagé entre la banalité du quotidien, et ses fantasmes d'homme qui a des désirs et des délires ! Comment –et pourquoi ?- le lui reprocher ? D'autant que la naïveté de son expression picturale, le choix de ses couleurs gentiment oppositionnelles, mêlant sans tabous les rouges et les verts crus, les jaunes et les bleus… sa manière de linéariser ses personnages, simplifier les visages lorsqu'il en a envie ; ou, au contraire ne pas hésiter à creuser de lourdes rides dans un faciès abîmé par la vie ; accentuer les éléments qu'il veut mettre en relief ; peindre untel chauve ou donner par contraste à d'autres une surprenante opulence aux chevelures... tout ce qui fait, en somme, de son œuvre, une création originale, pleine d'humour et de gravité à la fois, amène le visiteur à voir que ce jeune artiste a toutes les audaces d'un autodidacte ! Aucune gêne, aucune inhibition ! Mais… n'est-ce pas ce qui a été écrit de ses personnages ? Serait-ce alors une façon de se mettre mille fois en scène ? Et dans ce cas, être dans et hors de la toile, quelle meilleure recette pour exprimer son talent en devenir ?

                                               Jeanine Smolec-Rivais.