Jeanine Smolec-Rivais : Violaine Blanchet, vous semblez bien jeune ; et pourtant, il me semble qu'avec vos œuvres, vous parcourez deux continents ?
Violaine Blanchet : Oui, deux ou plusieurs car j'essaie d'aller un peu partout, chercher l'inspiration et m'exprimer. Sur le thème de la femme, toujours.
J.S-R. : Parfois, l'inspiration semble évidente : Prenons cette femme grandeur nature qui semble au cabaret : vous l'avez conçue d'après le film "Cabaret", avec Liza Minelli ?
V.B. : Oui, dans l'état d'esprit du cabaret, effectivement.
J.S-R. : Elle est absolument magnifique. Et en plus, je trouve que c'est une performance que l'on ne voit nulle part les raccords entre les morceaux. A moins que vous n'ayez réussi à la cuire en une seule fois ?
V.B. : Elle est en onze parties, parce que mon four est tout petit. Certaines parties sont déjà collées, d'autres non pour me simplifier les problèmes de transport.
J.S-R. : Pour en revenir à vos continents, il me semble qu'il y ait quand même les œuvres blanches et les noires ? Pourquoi ce choix ? D'autant plus que les blanches sont toutes très brillantes ; et que les noires sont mates ?
V.B. : Je travaille avec de la faïence, qu'elle soit blanche ou brune. En fait, le côté blanc était le début de mon travail. Tout était très brillant, avec beaucoup d'émaux. Pour le côté "africain", j'ai laissé la peau volontairement brune, pour essayer de me rapprocher de la réalité et avoir ce côté brut et naturel, un peu rugueux de la terre brune. En mettant du brillant, bien sûr, sur les lèvres, les colliers, les cheveux.
J.S-R. : On peut remarquer également que les blanches sont toutes dans leur entièreté, alors que les noires ne sont que des têtes. Pourquoi cette différence ?
V.B. : En fait, les femmes noires sont montées sous forme de tableau. Et l'idée était que ce soient des femmes qui sortent du cadre. D'où quelques mains, mais pas trop qui apparaissent. Tout dépend de ce que je voulais représenter et montrer.
J.S-R. : Justement, si elles sont dans un cadre, certaines comme vous venez de le dire, le transgressent. Par contre, elles sont toutes sur du blanc, donc sur un fond non signifiant. Il n'y a pas de mise en scène, pas de lieu, de date… qui puissent les connoter ? Elles sont hors du temps, hors de toute géographie, tout milieu social. Sans contexte, en fait.
V.B. : Oui, on peut dire cela ainsi. Le côté blanc, c'était le côté léger, afin de ne faire ressortir que les têtes et les scènes.
Mais il y en a d'autres en préparation, qui auront la peau plus rose, plus réaliste.
J.S-R. : Venons-en à vos femmes blanches : elles sont toutes très altières, très précieuses, très sophistiquées. On ne peut vraiment pas dire qu'elles appartiennent au petit peuple !
V.B. : Il y en a de toutes origines, des flamencas, des Arlésiennes. Il y a aussi un peu de Chine, un peu d'Afrique des années 30 !
J.S-R. : Justement, les robes longues qu'elles portent sont-elles uniquement esthétiques ? Ou est-ce pour leur donner un petit côté rétro ?
V.B. : J'aime beaucoup le côté froufrou, les volants, le côté petites fleurs. Je me régale à les réaliser. Et, plus la robe est longue, plus la décoration s'y prête.
J.S-R. : Certaines sont grandes, pratiquement toutes de la même taille. Pourquoi ces deux séries ?
V.B. : Les petites mesurent 45 cm de hauteur, à cause la taille de mon four ; et les grandes sont réalisées en plusieurs parties. Qui sont collées par la suite. Et elles se retrouvent ainsi en une seule partie.
J.S-R. : Ce doit être très long de les décorer comme vous le faites ?
V.B. : Oui. De plus, il y a le côté émaillage ; avec une deuxième cuisson ; puis une troisième partie où j'utilise de l'or ou du platine, que j'applique également au pinceau. Enfin, une troisième et dernière cuisson !
J.S-R. : Si je regarde leurs visages, elles sont toutes souriantes. Comme si elles étaient en représentation, et dans l'obligation d'être aimables. Est-ce parce que vous, vous souriez toujours ?
V.B. : Je ne sais pas ! C'est parce qu'elles sont heureuses d'être ici !
J.S-R. : Et vous ?
V.B. : Je suis ravie aussi !
J.S-R. : Si je vous demande une définition de votre travail, que me répondrez-vous ?
V.B. : Qu'elles doivent représenter la femme selon ma manière et mon regard. Dans des origines et des pays différents.
J.S-R. : Vous sculptez depuis longtemps ?
V.B. : Un peu plus de dix ans, maintenant. Et cela fait un peu plus de deux ans que je sillonne la France pour montrer mon travail, et exposer au maximum.
J.S-R. : Et comment avez-vous découvert Bézu ?
V.B. : En fait, c'est Jean-Luc Bourdila qui m'a découverte lors d'une exposition d'un weekend à côté d'Aubagne, à Roquevaire, chez Danielle Jacqui.
J.S-R. : Question commune à tous les artistes : Y a-t-il des thèmes que vous auriez aimé aborder et que nous n'avons pas abordés ? Des questions que vous auriez aimé entendre, et que je n'ai pas posées ?
V.B. : Non. Sauf une petite précision : en dernière cuisson, je travaille avec des perles de verre que je colle sur certaines sculptures. Et toutes "Mes filles" –puisque je les appelle ainsi- ont un prénom, étant donné que ce sont toutes des pièces uniques. Je les personnalise encore plus avec ce petit prénom, que l'on n'est pas obligé de respecter, bien sûr !
J.S-R. : D'ailleurs, j'ai remarqué que ce sont presque tous des prénoms exotiques ?
V.B. : Oui, un peu, mais ce sont tous des prénoms existants. Je choisis à chaque fois, le prénom qui, pour moi, correspond bien à la sculpture juste terminée.
J.S-R. : La plupart commencent par un "V" : comme Violaine ?
V.B. : Oui, tout à fait.
ENTRETIEN REALISE AU FESTIVAL GRAND BAZ'ART A BEZU, LE 26 MAI 2012.