Dans la préface de ce catalogue "Têtes à Têtes", une brochure à s'en mettre plein la tête... il m'a semblé important de parler de l'autoportrait, mais aussi des motivations pour l'achat d'une œuvre d'art et de mon expérience de collectionneuse, car ce n'est un secret pour personne, je suis une collectionneuse, et pas seulement d'œuvres d'art... Depuis presque trente j'ai accumulé (ceux qui ont eu l'occasion de voir une petite partie de ma collection savent que c'est le mot qui convient) plus d'un millier d'œuvres ! Et le plaisir que j'ai à vivre au milieu d'elles est immense, magique et indéfinissable. Avec certaines, des artistes chers qui sont partis au pays des mille et une étoiles, ne me quitteront jamais... car leurs œuvres les perpétuent, rare privilège des artistes ! Grégo, Nicole, Nicolas, Ramon, Jean Léonard, Giloux, Thierry, Bob, Alain, Henri... J'ai également choisi pour le début de cette brochure trois poèmes qui m'ont plu pour commencer ce "Têtes à Têtes" et particulièrement ce beau poème que j'ai découvert : "L'AUTRE", qui parle de différence.

L'autoportrait concerne chacun de nous dans la mesure où tout être porte en lui la forme entière de l'humaine condition. De nos jours, alors que l'humain se trouve coincé entre deux options antagonistes : l'individualisme le plus forcené conjugué au nivellement des émotions et des valeurs orchestrées par les médias, produire un autoportrait ne va pas sans dimension problématique. D'autant qu'il fait partie intégrante de l'histoire de l'art et que les plus grands s'y sont essayés. Plus modestement, même si j'en suis sûre, certains d'entre eux feront partie des grands de cette génération, quelques artistes des 3A ont glissé dans leur page un autoportrait, un petit jeu pour le retrouver... auquel les aficionados de Bann'Art se prêteront avec plaisir. Vous trouverez dans ce catalogue un panel représentatif des diverses tendances ayant animé les dernières décennies en arts plastiques, des portraits découpés sur les fenêtres de l'âme : l'exutoire paradoxal avec une figuration colorée, les jeux visuels, la figuration des années 80, les encres ou les pastels, l'Expressionnisme, le Réalisme, le Lyrisme émotif, l'humour noir, les collages, la chorégraphie gestuelle et colorée, les figurations nouvelles ayant tenté de s'imposer dans la mouvance de la nouvelle subjectivité, la Nouvelle Figuration issue de la photo narrative, les animaux humanisés... Pour les matériaux, le panel est vaste : la terre, le chewing-gum, le papier, la résine d'arbres, le textile, le métal, les matériaux de récupération...

Reste à savoir comment cohabiter avec ces visages de L'AUTRE : doit-on considérer un autoportrait comme un peu de l'autre à domicile, comme un baromètre toujours fixe du temps qui s'écoule autour de lui, un simple prétexte à peindre dont peu importe le sujet qui se subordonne au style, une notable exception dans une œuvre vouée à d'autres fins, un miroir déformant de nos spécificités humaines. J'en passe et des meilleures... Un projet beaucoup plus audacieux qu'il n'y paraît car il pose la question de ce qui se collectionne, ce avec quoi on est prêt à cohabiter et pourquoi, ce qui vous touche ou vous donne la chair de poule, et ça, surtout ne pas chercher à savoir pourquoi, achetez-le sans aucune hésitation ! Car cette petite étincelle qui vient du coup de cœur, c'est la clé pour amorcer le déclic... Coup de cœur, coup de foudre, coup de sang... et toutes ces petites choses simples qui vous touchent et vous interpellent ! Et si l'émotion est là, le champ des possibles est infini ! L'obsession du collectionneur, c'est aussi une quête de la beauté et cette beauté n'est pas l'apanage des chefs-d'œuvre hors de prix et d'artistes cotés en bourse, quand l'achat est uniquement un placement et l'œuvre précieusement conservée à l'abri des regards... au fond d'un coffre ! Car l'art est insaisissable... et irrécupérable par une société basée sur le bling bling et le paraître, et il est à la portée de tous ! C'est ce choc émotionnel, cette pulsion amoureuse qui anime tous les collectionneurs et le fric ne fait rien à l'affaire. Ce choc émotionnel est la source vitale de toute action qui vaille dans une existence lorsqu'on retient des choses qui ont compté. Le pouvoir salvateur de l'art est magique et sans limites pour transcender sa vie et apporter sa petite contribution à un espoir, un rêve utopique d'un monde meilleur, plus juste, plus humain et plus fraternel.

Ce catalogue est dédié à Nicolas Daim qui nous a quittés et qui devait exposer pour la première fois au festival. Cette page dans cette brochure le garde dans la mémoire des artistes du Festival Art Singulier-Art d'Aujourd'hui. Et là-haut, au pays des mille et une étoiles où il a rejoint les artistes poètes, je suis sûre qu'il en est heureux!

                                             Marthe Crégut-Pellegrino.

CE TEXTE A CONSTITUE L'ESSENTIEL DU DISCOURS D'INAUGURATION DU XIXe FESTIVAL (Mai 2012)