Jeanine Smolec-Rivais : Pouvez-vous préciser quel est votre nom ?
EOA : Mon nom d'artiste est EOA. Véronique Hahn, dite EOA.
J.S-R. : Quelle est votre définition de votre travail ?
EOA : Cette série est composée de petites cristallisations qui ont été faites sur des poèmes que j'écris. Ce sont des collages sur isorel, avec des incrustations d'objets, des choses que j'ajoute. Et c'est vraiment le texte qui guide la forme et le collage.
J.S-R. : Que disent vos textes ?
EOA : Ce sont des poèmes qui parlent d'amour ; de thèmes divers… Et les petites bulles sont en fait les strophes des poèmes.
J.S-R. : Vous ajoutez par exemple un soutien-gorge, un petit slip… Est-ce pour créer une note érotique ? Ou pour prolonger ce que vous avez dit dans votre poème ?
EOA : Pour l'illustrer, plutôt. Pour ajouter une note non pas érotique, mais plutôt humoristique. Pour moi, du moins.
J.S-R. : L'un n'empêchant pas l'autre !
EOA : Non, bien sûr. Et puis, j'aime beaucoup tout ce qui est arts forains, tout ce qui est magique, mystérieux… Je ne sais pas trop ce qui pourrait définir ma démarche.
J.S-R. : Ce sont donc des collages. Il me semblait pourtant que certains passages étaient des peintures ?
EOA : Non. Uniquement des papiers collés.
J.S-R. : Vous faites des découpages dans des revues… ?
EOA : Oui, dans des revues.
J.S-R. : Que faut-il que vous propose une page, pour que vous décidiez d'en découper une partie ?
EOA : Je découpe plusieurs parties et ensuite je les positionne dans ce que j'ai envie d'assembler. Je ne les sélectionne pas particulièrement, ils viennent et je les associe.
J.S-R. : Et qu'est-ce qui détermine la forme du support, puisque vous dites que c'est sur isorel et inspiré de vos poèmes. Pour l'une de vos compositions, je pourrais dire que c'est une sorte de tirelire, de sac. Mais pour les autres, je n'arrive pas à déterminer la motivation dans la forme !
EOA : Le sens du poème, en fait. Le sens du poème qui me fait dessiner la forme ; un forme dynamique, je trouve. C'est le sens du poème qui me fait déterminer la forme générale que je vais donner.
J.S-R. : Par exemple, quelle est la démarche pour l'un d'eux ?
EOA : C'est l'histoire d'une petite fille qui s'est noyée. Et le support a la forme d'une bouée. Elle s'est noyée dans le cadre d'une sortie scolaire, Et tout le poème est basé sur l'idée qu'elle n'a pas pu être sauvée par l'encadrement scolaire, d'où l'idée de créer une bouée.
J.S-R. : Sur un autre, vous avez vraiment laissé des couleurs nettes, resplendissantes. Mais vous l'avez voilée avec du tulle, pourquoi ?
EOA : Justement, c'est toujours la base du poème. Celui-ci s'intitule "C'est l'attente". Tout le poème est basé sur quelqu'un qui attend le retour de son bien-aimé. Avec le travail de Pénélope… on peu tout imaginer sur l'attente, la longue attente de l'être aimé qui revient ou qui ne revient pas, d'ailleurs !
J.S-R. : Et quand vous ajoutez ce que je croyais être une clef et qui, en fait, est un sceptre ?
EOA : Ce poème s'intitule "Deuil". Et j'ai créé cette œuvre à la suite du décès de ma maman. J'ai été inspirée par cet évènement, j'avais vraiment besoin d'en parler. Et cette réalisation représente la tombe. La tombe qui ne se soulèvera jamais. Et la personne est sans doute ma mère.
J.S-R. : En tout cas, pour vous, c'est une reine ? Puisqu'elle a la couronne et le sceptre.
EOA : Oui. Tout ce qui est brillant, scintillant, tout ce qui brille à la lumière.
J.S-R. : Mais ces ajouts signifiants sont toujours très fragmentés, très petits… Jamais de grandes surfaces ; toujours comme des petits joyaux que vous auriez incrustés dans l'œuvre ?
EOA : Oui. De petites choses qui illuminent le tableau.
J.S-R. : Donc, vous vous définissez comme peintre ou comme poète ?
EOA : Comme les deux, en fait ! Peintre-poète, mais à vrai dire je ne sais pas trop, parce que ce n'est pas vraiment de la peinture…
J.S-R. : Non, mais c'est collé de façon tellement dense que finalement, on a l'impression que cela en est…
EOA : C'est un bricolage poétique. Et du bris.
ENTRETIEN REALISE A CHANDOLAS, AU FESTIVAL BANN'ART ART SINGULIER ART D'AUJOURD'HUI 2012.