ARNAUD LABARGE, sculpteur

Entretien avec Jeanine Smolec-Rivais

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                Jeanine Smolec-Rivais : Arnaud Labarge, voulez-vous me donner une définition de votre travail ?

            Arnaud Labarge : Je suis un "faiseur". Je ne me prétends pas artiste. Je récupère un grand nombre de morceaux d'acier, de fer… qui encombrent les campagnes, que je glane au gré des promenades dans les chemins, et je les rassemble dans des visions imaginaires et fantastiques.

 

                J.S-R. : Vous ne préférez pas "récupérateur", parce que "faiseur" a une connotation vraiment péjorative ?

            A.L. : Les gens n'ont qu'à regarder mon site Internet, et venir me voir, ils verront la différence de travail. Je crois que l'action m'importe plus que les mots.

 

                J.S-R. : Diriez-vous que vous travaillez dans l'énorme ?

            A.L. : Tout dépend de ce que vous appelez "énorme" ?

                J.S-R. : Je vois vos voitures qui mesurent près de deux mètres, vos instruments de musique… qui sont bien plus volumineux que ce que font en général les récupérateurs de métaux ! Et leurs œuvres n'ont généralement pas le côté massif que présentent les vôtres. Les vôtres donnent l'impression d'être "assises dans le monde", bien posées là, et presque vivantes en fait.

            A.L. : Il faut manifester beaucoup d'énergie quand on fait quelque chose, qu'on peint, dessine, sculpte... Quelle que soit l'action, l'énergie est indispensable si nous voulons restituer un peu de notre intensité, de notre lumière à travers nos sculptures. Effectivement, mes sculptures sont massives, elles sont posées, mais après, c'est un choix : il faut beaucoup de légèreté, il faut laisser passer la lumière, il faut travailler avec une densité, et surtout avec perspicacité pour que l'œuvre ne soit pas trop lourde et trop chargée.

 

                J.S-R. : Il me semble que l'un de vos instruments de musique est une exception, dans votre création : tous les autres sont en creux, tandis que celui-ci est en plein ? Est-ce pour ressembler vraiment à l'instrument de musique ?

            A.L. : Non, ce n'est pas la vraie ressemblance qui m'intéresse. C'est l'aboutissement, du début à la fin, d'un objet qui ressemblera à ce qu'il ressemblera, mais avant tout je ne veux pas recopier. Je vais m'inspirer de choses réelles, voiture, quad, banquette, etc. mais je vais y mettre les ingrédients que je peux trouver. Après, je suis plus dans l'action que dans les paroles. Et ce n'est pas pareil.

                J.S-R. : Quand vous avez devant tous un tas de ferrailles, comment décidez-vous que vous allez commencer un quad ou un banjo, etc. ?

            A.L. : Ce n'est pas moi qui décide. C'est en fonction de ce que je trouve que je crée. Sauf quand j'ai des commandes, où c'est un autre travail. Mais d'une façon générale, je ne choisis pas. Je me laisse influencer au fil et au gré des récupérations, et des petits morceaux d'acier que je trouve.

 

                J.S-R. : La plupart des matériaux que vous avez récupérés sont vraisemblablement voués à la rouille, d'où le côté un peu éphémère de votre travail ? Ou vous essayez de le pérenniser en luttant contre cette rouille ?

            A.L. : Je traite les sculptures à l'huile de lin, je fais mes petites popotes ! J'évite le Rustol parce que cela brille un peu trop et que je n'aime pas le côté clinquant. Certaines de ces sculptures sont à l'extérieur depuis des années, et elles n'ont pas bougé et ne bougeront pas, parce que le fer s'est stabilisé.

 

           

            ENTRETIEN REALISE A BANNE DANS LES ECURIES, AU FESTIVAL BANN'ART ART SINGULIER ART D'AUJOURD'HUI 2012.