Jeanine Smolec-Rivais : Manitoba, est-ce votre vrai nom ?
Manitoba : Non, c'est mon nom d'artiste. Parce qu'il désigne une terre lointaine, en l'occurrence une province du Canada. Et il convient à mon âme voyageuse. Et puis, ce mot rappelle aussi les Indiens, Manitou, l'esprit. Nous avons tous en nous cette force, cette fougue de l'esprit, et nous sommes trop conditionnés. Il nous faut donc partir vers le rêve, le plus possible.
J.S-R. : Mais vous n'êtes ni Canadien, ni Indien, c'est donc uniquement un fantasme sur le nom ?
M. : Oui. En fait, la consonance me plaisait bien. Et, quand mes enfants sont nés, ma mère ne voulait pas qu'ils l'appellent "Mamie", alors ils l'ont appelée "Mamouna". Et, quand j'ai commencé à dessiner, j'ai décidé de choisir ce nom dont j'aime la musique.
J.S-R. : Comment en êtes-vous venu à dessiner et à peindre ?
M. : Il y a eu, proches de moi, des enfants qui se sont suicidés. Des amis aussi. Des ennuis dans le travail. Des façons de faire, des conditionnements dans la société qui ne me correspondent pas du tout ! J'ai dû retisser des liens, me raccrocher. C'est ma seule liberté, parce que, là, je suis entier, c'est moi !
J.S-R. : Vous faites un travail très coloré. Lorsque l'on arrive devant vos œuvres, avant même de voir ce que vous peint, on ne voit que la couleur, les couleurs tout à fait harmonieuses. Cela fait-il partie de la démarche dont vous venez de parler ?
M. : Oui. Puisque, en fait, parce que mes amis ont montré en y mettant un terme, qu'ils n'avaient pas pu réussir leur vie, j'ai voulu montrer que moi, j'avais l'énergie. Il s'agit de montrer une solidarité qui n'existe plus dans le monde actuel, et que j'exprime avec ces formes qui se conjuguent et ces couleurs qui sont les couleurs de la vie.
J.S-R. : A regarder vos œuvres, je constate que vous avez plusieurs sortes de constructions : Soit elles ne remplissent pas l'espace, et l'entourage est construit autrement que le centre. Soit elles remplissent l'espace, et l'on a alors l'impression qu'elles auraient envie de déborder ! Mais ces dernières sont plus rares. Pourquoi cette marge ou au contraire ce trop-plein ?
M. : J'ai besoin de montrer une richesse intérieure que nous avons tous, par rapport au niveau de l'esprit. En fait, la vie est riche ; il suffit de regarder la nature qui progresse sans cesse. Notre esprit n'a besoin que de progresser. Donc, au départ, j'ai construit des œuvres qui donnaient l'impression de flotter ; des œuvres aériennes. J'ai voulu leur donner un mouvement qui semble naturel. Je me définis comme peintre "biomorphe". Je suis très amateur de musique, notamment des Pink Floyd, j'aimerais que l'on dise que je suis "peintre floydien" ! Ensuite, le remplissage a pour but de montrer qu'il y a plusieurs mondes. Comme le monde intérieur, le monde extérieur. Ce que l'on croit être et qui n'est pas forcément la réalité. Et puis, aller puiser dans toute philosophie extérieure, recréer une mémoire collective et toucher l'inconscient des gens parce que je travaille par mon inconscient.
J.S-R. : Je reprends ma question : A partir du moment où l'on voit bien ce qui a été exprimé, on s'aperçoit que, parfois c'est tellement plein qu'il n'y a plus un seul espace vide ; ou alors il y a de grands espaces laissés vides. Quand décidez-vous de l'un ou de l'autre ?
M. : En fait, je ne choisis pas ; je me laisse vraiment guider. C'est un art de l'instinct et de l'instant qui dépend de ce que je suis en train de ressentir, des personnes que j'ai rencontrées, des vibrations que j'ai ressenties avec ces personnes ; c'est vraiment un travail intuitif. Je n'ai pas de règle définie. Par exemple, celui qui s'intitule "Toboggan Résurrection", a été créé alors que j'allais me faire opérer des hanches, et que je craignais cette opération. La deuxième fois, je me suis obligé à mettre dans mon esprit que c'était une "renaissance", que j'allais remarcher, recommencer à avancer. Et c'est ainsi que je crée un mouvement dans mon esprit.
J.S-R. : Mais quel est votre état d'esprit quand vous faites le "trop-plein" ? Et quand vous faites le vide ?
M. : Je n'ai pas d'état d'esprit particulier. Je me mets dans un état végétatif. Il arrive que j'aie des blocages, mais ils ne durent pas, je les laisse passer. Et même, souvent, je m'en sers. Il n'y a pas de règle, je veux garder cette liberté de mon intuition.
J.S-R. : Je reprends ma question : A partir du moment où l'on voit bien ce qui a été exprimé, on s'aperçoit que, parfois c'est tellement plein qu'il n'y a plus un seul espace vide ; ou alors il y a de grands espaces laissés vides. Quand décidez-vous de l'un ou de l'autre ?
M. : En fait, je ne choisis pas ; je me laisse vraiment guider. C'est un art de l'instinct et de l'instant qui dépend de ce que je suis en train de ressentir, des personnes que j'ai rencontrées, des vibrations que j'ai ressenties avec ces personnes ; c'est vraiment un travail intuitif. Je n'ai pas de règle définie. Par exemple, celui qui s'intitule "Toboggan Résurrection", a été créé alors que j'allais me faire opérer des hanches, et que je craignais cette opération. La deuxième fois, je me suis obligé à mettre dans mon esprit que c'était une "renaissance", que j'allais remarcher, recommencer à avancer. Et c'est ainsi que je crée un mouvement dans mon esprit.
J.S-R. : Mais quel est votre état d'esprit quand vous faites le "trop-plein" ? Et quand vous faites le vide ?
M. : Je n'ai pas d'état d'esprit particulier. Je me mets dans un état végétatif. Il arrive que j'aie des blocages, mais ils ne durent pas, je les laisse passer. Et même, souvent, je m'en sers. Il n'y a pas de règle, je veux garder cette liberté de mon intuition.
J.S-R. : Ce travail de peinture serait donc à la fois un travail de libération et de protection ?
M. : Oui, tout à fait. Libérateur parce que l'on a besoin de rêver, j'ai besoin de créer ce monde pour moi idéal, de regarder la nature, la force des éléments, la terre, la mer… Essayer de montrer ce chemin qu'il faut certainement retrouver par rapport à la société.
J.S-R. : Les titres. Certains sont tout à fait traditionnels : "Clef d'envol" ou "Danse du feu". Il n'y a là rien à dire. D'autres sont dans des langues étrangères, souvent de l'espagnol, comme "Cataluna", "Libertad". Mais sur certains, vous avez fait des jeux de mots : Comment vous viennent ces jeux de mots par rapport au tableau ?
M. : En fait, ce que je fais, c'est prendre une photo de l'œuvre ; je la regarde, et je réfléchis pour trouver le moteur, ce qui vraiment me frappe par rapport à ma vision des choses. Par exemple, j'en ai intitulé un "Mon bon cœur te gagnera" parce que l'on dit "Ton bon cœur te perdra", et j'ai pris l'inverse. J'essaie alors de faire appel à la conscience, de ne pas s'arrêter à des idées reçues. D'employer l'humour. D'essayer d'étonner. Parce que mon âme est ainsi, voyageuse. Une ode à la vie.
ENTRETIEN REALISE LORS DE LA RENCONTRE INTERNATIONALE D'ART SINGULIER DE MARSAC, LE 7 JUILLET 2012.