Jeanine Smolec-Rivais : Je suppose que "Miss Mirza" est un pseudonyme, et que vous ne donnez pas votre nom véritable ?
Miss Mirza : Oh si ! Je m'appelle Christelle Sénaro.
J.S-R. : Pourquoi avoir choisi ce pseudonyme qui sonne un peu comme La-Dame-qui-dans-sa-roulotte-tire-la-bonne-aventure !?
M.M. : "Mirza" à cause de la chanson de Charlebois, et de ma chienne dont c'est le nom ! Et puis, je trouvais que "Miss Mirza" sonnait bien, donc j'ai choisi ce pseudo !
J.S-R. : Voulez-vous me donner votre définition de votre travail ?
M.M. : C'est un assemblage entre la peinture, la construction, les panneaux, tout ce qui, pour moi, représente la vie, la rue, les super-héros de mon enfance, les personnages récurrents qui m'ont marquée, qui ont marqué beaucoup de gens.
J.S-R. : Moi, je pensais que vous étiez très proche de la bande dessinée, même si ce que vous faites sont des collages. Mais vous diriez que c'est du "Street Art" ?
M.M. : Non, pas vraiment. J'utilise des matériaux qui viennent de la rue, c'est vrai ; de la récupération. Mais je ne me définis pas comme appartenant au courant du "Street Art".
J.S-R. : Vous vous diriez plus proche de l'esprit de la bande dessinée ?
M.M. : C'est difficile de se cataloguer !
J.S-R. : Je n'essaie pas de vous mettre dans une case !
M.M. : Non, je ne suis pas spécialement BD, parce que j'ai fait des personnages comme Hitchcock… Ce sont des univers différents. Chaque personnage appartient à un univers bien défini, et j'essaie de transposer ces univers sur mes tableaux, tout simplement.
J.S-R. : Prenons par exemple le tableau marqué "URSS / L'Usine / Lénine" : vous voulez dire "je refais une page d'histoire" ? "Je suis plus jeune, mais je connais quand même"… ? Que voulez-vous dire, dans ce genre de tableau ?
M.M. : Ce que je veux dire, c'est que cela a existé ; mais je ne veux pas du tout revisiter l'histoire ! Je veux juste essayer de défaire ce que cela représente pour moi.
J.S-R. : Et quand vous dites "défaire", cela signifie-t-il que c'est quelque chose qui est gravé en vous et qui grave ? Quand je dis "grave", je veux dire que vous en seriez tout à fait imprégnée. Est-ce en ce sens que vous dites "je veux défaire ce que j'ai en moi" ?
M.M. : Oui. Chacun en est imprégné. J'ai fait Mao, d'autres gens qui font partie de notre histoire. Même si ce n'est pas l'histoire de notre pays, cela fait partie de notre culture. Et je le revisite à ma façon.
J.S-R. : Je vois ici… Superman ? Et un autre personnage que je ne connais pas, mais dont je suppose qu'il est, lui aussi, connu ?
M.M. : Oui, c'est le Joker.
J.S-R. : Pour chaque tableau, vous prenez donc un personnage extrêmement connu des films, de la bande dessinée, des films de science-fiction... Et, vous le retraitez à votre façon ?
M.M. : Oui. J'essaie de faire ressortir le caractère un peu particulier de chaque personnage. Malgré que "Vario", le tableau qui est davantage axé sur le foot, le sport, etc. soit juste une petite anecdote. "Vario", c'est la France, c'est le plombier, en comparaison avec les grands joueurs de foot qui gagnent des millions, comme on le voit sur la plaque métallique. Je crée ces œuvres avec un peu d'humour, quand même, ce n'est pas à prendre au sérieux.
J.S-R. : En même temps, il me semble qu'il y a chaque fois un côté un peu de dérision ? Quand vous dites qu'il est "franchouillard" et que l'on voit le footballeur très gai, bien planté, bien élégant dans son geste de footballeur, mais qu'en même temps, vous avez gagné un million, cela rabat immédiatement la qualité sportive pour devenir du mercantilisme.
M.M. : Oui, je fais passer un message. On le voit ou on ne le voit pas, mais moi j'essaie de faire passer "mon" message, parce que je trouve que c'est plus intéressant. Chaque personnage a son univers, mais en même temps, il y a derrière une connotation que, personnellement, je veux décrier. Tout simplement !
J.S-R. : On peut donc raisonner de la même façon sur tous, sauf que votre héros ou votre héroïne change ?
M.M. : Exactement. Ainsi, lorsque j'ai fait quelque chose sur la guerre et la paix, j'ai pris Titi, mais j'aurais pu prendre quelqu'un d'autre. C'est lui, l'excellence, donc je m'en sers comme support pour faire passer mon message.
J.S-R. : Ceci dit, vous reprenez des messages du temps des Hippies !
M.M. : Ce n'est pas tout à fait ma génération, mais presque. Je suis née en 64, nous avons donc eu des retours.
J.S-R. : Sûrement, ne serait-ce qu'à l'école !
M.M. : Oui, tout à fait !
J.S-R. : Pour vous, cela a-t-il été une enfance libérée ?
M.M. : Au moment des évènements, je ne l'ai pas vraiment vécu puisque, en 68, je n'avais que quatre ans. Mais il est vrai qu'après, nous en avons bénéficié. Notamment pour les femmes.
ENTRETIEN REALISE A BANNE, SALLE DE L'ART ACTUEL, AU FESTIVAL BANN'ART ART SINGULIER ART D'AUJOURD'HUI 2012.