VERONIQUE PEYTOUR, peintre

Entretien avec Jeanine Smolec-Rivais

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            Jeanine Smolec-Rivais : Vous avez deux sortes de créations, me semble-t-il : celle où vous peignez de petites séquences de contes : et des personnages qui sont extrêmement érotiques, et possèdent des corps magnifiques. Quelle est votre définition de tout ce travail ?

            Véronique Peytour : Des séances de contes. Partout, on raconte une histoire, de toute façon. Parfois, il y a même l'histoire dans l'histoire.

 

                J.S-R. : Voulez-vous préciser ce que vous venez d'affirmer ?

            V.P. : Sur l'un de ces tableaux, c'est le petit Lulu qui découvre la vie. Il lui faut du temps, parce qu'il n'a pas fini de la découvrir. L'histoire n'est pas finie. Il va à l'ascension de la femme : toute une histoire, effectivement ! Parce que le chemin est long ! Mais je pense que cela en vaut la peine, tant pour lui que pour moi ! J'ai trop de plaisir à peindre ces séquences ! J'adore mon petit Lulu !

 

                J.S-R. : Votre travail est vraiment magnifique. Et techniquement, vos femmes le sont encore plus ! Ces corps de femmes donnent l'impression d'être en velours !

            V.P. : Je veux que ces images soient accessibles à tous ! Je ne veux surtout pas qu'elles choquent un enfant ! Je ne veux pas qu'il s'exclame : "Oh ! c'est une femme nue" ! Pour lui, ce doit être une statue, et lui un petit garçon qui regarde une statue ! Après, il y a bien sûr plusieurs niveaux de lecture. On peut voir, effectivement, ce petit garçon qui escalade la femme, parce que la femme est grande à découvrir, elle est grande dans tout ce qui est à découvrir chez la femme ! Donc, le chemin de l'homme est long. Périlleux. Parfois, il escalade, il avance, il retombe en arrière…

 

                J.S-R. : Plus dure sera la chute !

            V.P. : Plus dure sera la chute ! Mais il va remonter ! Il ne tombera jamais !

J.S-R. : Ces quatre tableaux sont non pas dépouillés, parce que vous avez tellement travaillé le ciel derrière, que l'on se sent vraiment devant "des statues" tellement elles sont belles ! Sculptées. Galbées. Et, en plus, on ne voit jamais leur visage. Par contraste, ces petites scènes qui sont directement des passages de contes…

            V.P. : Et qui sont très colorées… Là, je travaille directement avec la matière. Ce n'est pas la même technique. C'est une technique d'enduit, de pigments, de vernis, d'encre d'impression, de trompe-l'œil aussi dans les visages. Parce que le gros de ma profession, c'est de travailler sur des façades, en dehors de ma création personnelle. Ce que je fais, c'est façade murale, trompe-l'œil. Que je retrouve dans mes œuvres, en particulier sur les visages. Mais pour le reste, j'avais envie de travailler quelque chose de beaucoup plus spontané. Que je fais à la spatule et à l'enduit.

 

                J.S-R. : Et les reliefs ?

            V.P. : Ils sont faits également avec de l'enduit.

 

                J.S-R. : Vous donnez l'impression que tous vos petits personnages sont toujours en train de sortir d'une fleur !

            V.P. : C'est en effet très fleuri. Mais ils ne sortent pas forcément d'une fleur ! C'est la fleur, mais cela peut aussi être le soleil qui ramène la lumière. Ce sont tous les champs en fleurs… Tout cela se loge dans un paysage qui peut être une montagne, avec une forêt pour les éléphants qui sont derrière. Mais je veux rester dans quelque chose de très spontané, c'est vraiment la couleur qui l'emporte sur le reste.

 

                J.S-R. : En même temps, vous êtes dans un contraste entre ce côté granuleux de l'entourage ; et ces têtes parfaitement lisses…

            V.P. : Très douces, très légères, avec juste une pointe d'enduit. Très expressives, en fonction de l'histoire que je raconte. Que l'on peut se raconter, puisque ce sont des visages qui ont vu quelque chose. Quoi ? A vous de créer l'histoire qui va avec.

 

                J.S-R. : Mais lorsque je les regarde, je constate que l'une louche un peu vers vous, et l'autre regarde vers moi…

            V.P. : C'est une façon de créer un rapprochement entre les deux personnages. Il y a une fuite. Mais, effectivement, il y a une sorte de vague qui arrive sur eux. Donc l'idée, c'est de partir.

 

J.S-R. : Le problème, c'est que le spectateur est là, qu'elles sortent de cette fleur, mais après, que se passe-t-il ?

            V.P. : C'est l'histoire qui va avec ! A lui de l'inventer !

 

                J.S-R. : En fait, ce que vous avez donc voulu montrer, c'est "Il était une fois…"

            V.P. : Oui ! Il était une fois, et c'est forcément une scène de vie…

            Mais pourquoi prenez-vous une photo ? Vous ne savez pas forcément tout le décor qu'il y a autour ! Et vous ne savez pas… Ce qui est beau, justement, c'est que l'on ne sait pas pourquoi le visage est expressif ! Que ce soit la peur, la joie, etc. Mais chaque visage a une expression. Cette émotion qui passe sur ces visages tous différents vient de quelque part. A nous d'inventer d'où ?

            Ce qui m'importe, c'est l'expression du visage, avec toutes ces couleurs, toutes ces techniques. Ce n'est pas la photo, l'instantané que l'on aurait pris avec tout le décor autour.

 

                J.S-R. : Quand il s'agit de vos éléphants. Là, par contre, ils sont sortis de la fleur ! Et l'impression est qu'ils sont en route ! D'ailleurs, ils sont deux, un petit et un grand !

            V.P. : L'éléphant qui symbolise la protection, la sagesse… Cette partie-là est très symbolique!

 

                J.S-R. : Comme dans le conte de Kipling, par exemple, avec le petit Mowgli…

            V.P. : Le "petit d'homme"…

 

                J.S-R. : Oui. Cette suite de tableaux serait donc en fait une sorte d'épopée ?

            V.P. : Toute une histoire, effectivement. En général, il y a une suite.

                J.S-R. : Dites-nous comment vous procédez pour réaliser le velouté de vos femmes ? Parce qu'elles sont tellement belles !

            V.P. : Là, ce n'est plus la technique du trompe-l'œil ! C'est vraiment dessiné et peint à l'acrylique.

 

                J.S-R. : Et c'est la structure tellement serrée de la toile qui crée cette impression ?

            V.P. : Non, c'est ma technique ! Ce sont des années et des années de travail qui font que j'arrive à un détail très fin ! Même sur une toile qui n'a pas été apprêtée.

 

                J.S-R. : Mais si elle n'est pas apprêtée, la toile doit boire la peinture !

            V.P. : Non, j'ai un châssis basique, avec une toile ordinaire ! Je n'ai pas rajouté de gesso, d'enduits, etc. pour boucher les pores. Je travaille directement sur la toile telle que je l'achète. C'est grâce à mes multiples années de trompe-l'œil que j'arrive à faire tous ces dégradés, toutes ces nuances ! Savoir où est la lumière, donc si telle jambe va passer devant l'autre, etc. Et puis, je n'ai jamais de documentation. Ni de modèle vivant.

 

                J.S-R. : Dans cette partie, vous avez mis vos petits personnages seuls dans vos fleurs. Et les fleurs paraissent plus structurées que dans les "contes" où elles donnent l'impression que la corolle s'étale.

            V.P. : Oui, mais dans celles-ci, c'est la petite chipie, avec tout son patchwork ! Ce qui m'intéresse, je le redis, c'est l'expression en fonction du décor. Essentiellement le regard. Le regard qui est dirigé "vers" quelque chose. Mais on ne sait jamais quoi. A nous de le déterminer !

 

                J.S-R. : L'une, en effet, nous regarde avec un air coquin ! Une autre me semble beaucoup plus romantique ! Et celle-ci semble une petite intello curieuse ! En fait, c'est amusant de définir comment on les ressent.

            V.P. : Oui, et de se dire : "Tiens, je me retrouve plus dans celle-ci, ou dans celle-là" !

                J.S-R. : Y a-t-il d'autres questions que vous auriez entendre, et que je n'ai pas posées ?

            V.P. : Non, sauf que je peux ajouter que j'ai une formation de dessin académique. Que j'ai commencé le dessin vraiment très jeune ; puis que j'ai continué par une formation de dessins pour les enfants. Et puis, à seize ans, j'ai commencé le travail de la fresque, du trompe-l'œil. Et que, finalement, je peux travailler du 5 cm² à 300 m² !

 

                J.S-R. : Avec le même enthousiasme, apparemment !

            V.P. : Voilà ! Du moment que je peins, tout va bien !

 

 

                ENTRETIEN REALISE A CHANDOLAS, AU FESTIVAL BANN'ART ART SINGULIER ART D'AUJOURD'HUI 2012.