LYDIE THONNERIEUX, SCULPTEUR

Entretien avec Jeanine Smolec-Rivais

*****

                Jeanine Smolec-Rivais : Lydie Thonnerieux, comment définissez-vous votre travail ?

            Lydie Thonnerieux : C'est un travail de sculpture et de modelage, axé sur le travail de la terre. Mon matériau de prédilection est le grès qui me permet toute liberté pour exprimer tout ce que l'être humain peut avoir comme sentiments. Je suis sensible aux contes de fées, tant du point de vue de la beauté que de leur naïveté et aussi de la noirceur qui peut en découler.

                J.S-R. : Je vois trois démarches dans votre travail : une dont on pourrait dire qu'il s'agit d'éléments pris sur des "chevaux de bois" (même s'ils sont en terre !) Ce sont des enfants grimpés sur des animaux un peu bizarres.

Ensuite, nous entrons vraiment dans le domaine du conte, avec la reine, une vierge avec des bois sur la tête etc. Nous sommes là dans un monde précieux contrairement au précédent qui était très ludique ; des rois, des princesses… l'une d'elles paraissant plus mécanique que les autres ?

            L.T. : Oui, certaines sont comme des petits pantins, manipulées et il y a un manipulateur. C'est un peu comme une métaphore de l'être humain. Nous sommes tous un peu des pantins. On nous manipule. Nous manquons tous de liberté. C'est ce que je voudrais tendre à montrer, le fait que nous soyons tous emprisonnés dans une sorte de carcan. Avec quelqu'un qui nous manipule, et nous laisse finalement avec très peu de liberté.

                J.S-R. : D'autres me semblent aussi avoir la tête qui remue. On pourrait dire qu'elles voyagent dans leur tête, mais que leur corps reste immobile.

            L.T. : Tout à fait, c'est bien cela. Finalement, je me dis aussi que la femme –parce qu'il y a ce côté féminin- a du mal de sortir du corps où elle est emprisonnée ! La femme a du mal à trouver un espace de liberté. Depuis la nuit des temps, nous avons l'impression d'être libres, mais finalement nous sommes figées dans un grand nombre de choses ! Nous avons du mal à nous libérer des liens que nous tissons avec nos parents. Ensuite, nous sommes emprisonnées par rapport aux enfants. C'est ce que je veux présenter.

                J.S-R. : Avec la troisième partie, nous sommes carrément dans le monde des pantins.

            L.T. : Ceci est la deuxième phase de mon travail. J'ai commencé par des personnages appartenant aux contes de fées. Maintenant, il arrive vraiment vers un côté un peu plus noir et plus "pantin". J'ai vraiment le sentiment d'évoluer dans mon travail.

 

                J.S-R. : Vous évoluez donc dans la noirceur ?

            L.T. : Oui, dans la noirceur.

 

J.S-R. : Le pessimisme, plutôt ?

            L.T. : Oui. Ce sont des poupées que l'on peut tout de même cajoler…

 

                J.S-R. : Certes. Mais vous êtes très proche de l'esprit vaudou, parce que je vois que vous leur avez piqué des aiguilles dans le cœur !

            L.T. : Mais il me semble que nous avons tous des piques au cœur, de temps en temps ! Donc, finalement, c'est comme des malaises qu'elles ressentent. J'exprime des sentiments comme l'aliénation, comme la peur, comme l'angoisse…

 

           

                ENTRETIEN REALISE A CHANDOLAS, AU FESTIVAL BANN'ART ART SINGULIER ART D'AUJOURD'HUI 2012.