Jeanine Rivais : Brigitte Breyton, êtes-vous normande ?
Brigitte Breyton : Non, pas du tout. Le nom "Breyton" est originaire de la Drôme.
JR : Si j'ai bien compris, c'est la première fois que vous exposez dans un festival d'Art singulier ?
B.B. : Oui.
JR : Alors, quelle est votre impression ?
B.B. : Je suis super heureuse ! Je m'y sens bien. Voilà trente ans que je fais ce métier, j'ai donc fait beaucoup de salons, d'expositions… Et là, je me sens bien.
JR : Vous êtes donc arrivée "chez vous" ?
B.B. : J'en ai bien l'impression, en effet.
JR : C'est la raison pour laquelle vous avez fait vos maisons ?
B.B. : Non! Les maisons, c'est toute une histoire ! Une belle histoire ! La première que j'ai réalisée, l'a été suite à un voyage au Népal. Parce que j'étais très bien dans ces hautes montagnes. Au fond, je suis une vraie montagnarde. J'ai donc fait cette maison avec l'idée que je voulais rester là-haut ! Habitant à Paris, je "rentre dans la maison" ! Et je me retrouve dans ce voyage.
Par la suite, j'ai fait un voyage en Grèce et j'ai découvert les églises et toute l'iconographie du côté orthodoxe qui m'a beaucoup plu. J'ai donc réalisé une chapelle ! Et cette chapelle a été conçue comme une maquette en me disant qu'un jour je trouverais une église pour la peindre. Je m'imaginais sur un échafaudage, peignant de grands personnages…
J'ai donc fait ces maisons, pour moi !
JR : Chaque maison aurait donc une histoire ?
B.B. : Les deux premières, oui. Ensuite, j'en ai fait deux autres pour le plaisir. Et puis, j'ai arrêté, parce que je fais de la peinture sur supports. L'an dernier, j'ai participé à une exposition et, au lieu de mettre des tableaux, j'ai mis des cabanes ! Et c'est là-bas que j'ai rencontré Oana et Jean-Luc. Ils m'ont donné un coup d'énergie, parce qu'ils m'ont dit qu'ils m'invitaient au Grand Baz'Art. Mais ils m'ont dit qu'il leur fallait une douzaine de cabanes. Du coup, pendant un an, j'ai fait toutes les autres.
JR : Donc, les autres seraient un parcours plutôt qu'une histoire circonstancielle ?
B.B. : Je suis repartie avec cette idée de recueillement intérieur. Il s'agit pour moi, comme pour une icône, de projeter dessus quelque chose, mon esprit, comme un travail de méditation.
Pour toutes ces cabanes que j'ai construites depuis un an pour le Grand Baz'Art, je me suis vraiment imposé l'idée que l'objet en lui-même était vraiment aussi important que le rêve d'une vraie chapelle, un vrai bâtiment peint. Le fait que ces constructions soient petites en faisaient des sortes de petits autels, pour pouvoir méditer. C'est donc tout un cheminement.
JR : On pourrait dire que chaque petite nouvelle maison est une étape de ce cheminement ? Et par conséquent, comment avez-vous décidé que celle-ci avait besoin d'une procession en noir et blanc, une autre en couleur, etc. ?
B.B. : Je ne sais pas. Même l'architecture des cabanes/refuges ou chapelles, dépend du moment. Bien sûr, j'ai fait beaucoup de dessins, mais pour ce que je suis en train de construire, je prends ce qu'il y a. Et je peins toujours cette même histoire : un cheminement, un personnage impersonnel parce qu'il représente l'"Humain"… Des personnages qui vont vers la lumière. Comme en montagne, pour arriver au sommet, on marche, on en a besoin.
JR : Toutes ces cabanes sont construites de façon très géométrique. Ce sont des bois que vous avez fait scier ?
B.B. : Non. Je les scie moi-même.
JR : Vous faites donc tout vous-même. Mais en fait, vous le faites comme le ferait un scieur de long ? Et ensuite, vous redécoupez les morceaux qui vous sont nécessaires ?
Ce que je voulais dire, c'est : Avez-vous, avant, dessiné la cabane à l'échelle, et ensuite découpez-vous les morceaux nécessaires ? Ou coupez-vous au hasard et ensuite vous construisez ?
B.B. : Parfois j'ai une idée précise, et dans ce cas je prends la scie sauteuse et je coupe. D'autres fois, j'utilise les morceaux que j'ai déjà coupés. Et avec ces morceaux, j'organise une nouvelle construction. Bien sûr, certaines architectures sont exigeantes. Comme ces demi-cercles, par exemple. Ensuite, je gratte…
JR : Et tous ces éléments sont collés ? Et peints ?
B.B. : Oui, collés. Et peints.
JR : Vous passez d'abord une couche homogène qui sera le fond et ensuite vous peignez dessus les éléments de décor ? Ou vous faites comme en peinture, c'est-à-dire que vous peignez par exemple trois corbeaux puis vous placez les ciels derrière ?
B.B. : Je fais comme pour un tableau ! En fait, ce sont des tableaux en volumes. Des miniatures, en volumes. Comme le disait une de mes amies, on prend un détail d'une cabane et on le reproduit en grand : c'est un tableau.
JR : Quels sont, d'une façon générale, les thèmes que vous abordez ? Parce que j'ai dit tout à l'heure une "procession", mais ce peuvent aussi bien être des voyageurs ? A tout le moins, avec leurs baluchons, des "migrants" comme on dit aujourd'hui !
B.B. : C'est le cheminement. Le cheminement intérieur. Là, c'est le cheminement extérieur de montagnards, de pèlerins, de gens allant vers Saint-Jacques de Compostelle. Ce sont des gens qui veulent aller de l'avant pour s'alléger, pour aller vers la lumière. C'est toujours cette même thématique. Cela fait trente ans que je suis dans cette recherche. J'essaie de l'exprimer de façon différente, mais c'est toujours la même idée.
JR : Si je vois, par exemple, vos corbeaux, je reconnais tout de suite des corbeaux. Par contre, vos oiseaux blancs ne me semblent pas définissables. Vous passez donc de la réalité aux fantasmes ?
B.B. : Oui. Ce sont en même temps des histoires. Parfois, ce sont des formes géométriques. Je joue beaucoup sur la symbolique. Ce sont souvent, en plus, des personnages qui n'ont pas de bouche. Qui ont les yeux fermés, parce que tout est intérieur. Pour exprimer l'intériorité.
JR : Introvertis, en fait ?
B.B. : Ils ne sont pas "fermés", ils sont simplement à la recherche à l'intérieur. A la recherche du trésor intérieur, de même que l'on peut "entrer dans" les cabanes qui sont toutes peintes à l'intérieur. On RENTRE dans...
JR : Pourtant, toutes vos maisons sont vides.
B.B. : Comment, vides ?
JR : Je vois bien qu'elles sont peintes, à l'intérieur, mais je ne vois pas d'occupants. Je voulais dire qu'elles ne sont pas habitées.
B.B. : Ce ne sont pas des maisons de poupées ! Ce sont des lieux pour se poser, poser son esprit.
JR : J'ai bien compris que ce ne sont pas des jouets !
B.B. : Elles sont vides, pour que chacun cherche à l'intérieur. Tout ce qui est peintures, tout ce qui est à l'extérieur de ces refuges et même ce qui est sur les façades du refuge, laisse le milieu vide.
JR : Mais, moi, je n'ai jamais pensé que mon intérieur, (celui de ma maison bien sûr) soit vide ! Je le vois tellement bouillonnant, que cela me paraît bizarre que vos maisons soient vides !
Vous allez m'objecter qu'elles ne sont pas vides, qu'elles ont des peintures à l'intérieur. Mais l'idée que vous entourez votre intérieur me semble paradoxal.
B.B. : C'est aussi toute la vie qui est à l'extérieur, dans ce monde humain. A l'intérieur de nous-mêmes, nous avons toutes nos projections. Mais au fond, au fond, c'est vide ! Du moins, est-ce mon idée !!
JR : Nous pourrions, en effet, épiloguer à l'infini !
Mais venons-en à la question traditionnelle : Y a-t-il d'autres thèmes dont vous auriez aimé parler et que nous n'avons pas abordés ? Des questions que vous auriez aimé entendre et que je n'ai pas posées ? Et surtout, venons-en à vos sculptures ! C'est apparemment une toute autre démarche, et une toute autre facture ?
B.B. : Oui.
JR : Ce sont tous des saints ? Des personnages religieux ?
B.B. : Noooon ! Non non !!! Ce sont des petits enfants. Il est vrai que, quand j'ai commencé cette idée de faire ces sculptures en grands formats, je suis beaucoup partie de l'Art roman. J'ai parcouru le chemin de Compostelle. Donc, l'Art roman, les Vierges à l'Enfant. Je suis partie de cette iconographie que je trouve très belle.
JR : Oui, l'Art roman est magnifique. Je suis poitevine, région d'Art roman !
B.B. : Toutes ces sculptures, avec ces personnages ! Très simples ! De bois ! Polychromiques ! Je suis donc partie de cette idée-là. Et je n'ai pas voulu faire des représentations religieuses. Mes personnages, toujours dans la même ligne que mon travail de peinture, sont traités comme mes petites cabanes.
JR : C'est donc du bois ?
B.B. : Non, ce n'est pas du bois. C'est un matériau de construction, le siporex. Et ensuite, l'ensemble est travaillé. Parce que le siporex a des creux et des bulles.
JR : Et il n'est pas lisse.
B.B. : En effet, il faut le lisser. Passer dessus une couche de peinture. Et ensuite, en venir aux détails.
JR : Et vos personnages ont aussi les yeux clos !
B.B. : Oui, parce que c'est toujours la même idée de cheminement ! En fait, depuis trente ans, je fais toujours la même chose. A mon avis, le travail d'un artiste, c'est de choisir un thème et de le décliner de façon à le faire comprendre le mieux possible. C'est simple, je ne papillonne pas. Je garde toujours ma ligne de travail, mon intérêt, par les études, par plein de choses et j'essaie de l'exprimer du mieux possible : des méditants qui n'ont pas de bouche.
JR : En fait, la relation entre vos maisons et vos méditants, c'est uniquement la réflexion intérieure ?
B.B. : Oui. La spiritualité.
CET ENTRETIEN A ETE REALISE DANS LA SALLE D'EXPOSITION PRINCIPALE DU GRAND BAZ'ART A GISORS, LE DIMANCHE 5 JUILLET 2015.
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Brigitte BREYTON
Bienvenue - Grand BAZ'ART 2015
Dans le style glaneur, à la lumière de lectures, rencontres, voyages en Orient ou ailleurs, d’itinérances en pleine nature, de rêves en haute montagne, d’art du Moyen-âge, de Giotto et d’autres
Maîtres, de contemplations, d’études et d’ouvertures, le crayon à portée de main, l’artiste cherche la moindre source d’inspiration.
Dans ses peintures, un même visage simplifié représente l'humain dans son recueillement intérieur centré dans une projection extérieure et un environnement onirique.
En utilisant le dessin, la géométrie et les couleurs, Brigitte Breyton construit un univers qui invite «le visiteur» à cheminer vers un petit refuge. Les dômes, sur les murs desquels communient des êtres éveillés, sont les sanctuaires d’une religion universelle, faite d’amour et d’émerveillement. Oana Americai (Texte du catalogue)