PREFACE DE JEAN-LUC BOURDILAT, DIRECTEUR DU GRAND BAZ'ART A BEZU
"À l’heure où de dignes représentants d’un certain marché de l’art essaient de nous persuader par un discours, pour lequel un livre de 800 pages ne suffirait pas, de ce qu’il y a, de ce qu’il y aurait, devrais-je peut-être dire, à comprendre sur la valeur de concept qu’a voulu exprimer l’artiste, alors que face à l’œuvre elle-même vous ne ressentez aucune autre émotion que le plus total détachement, nous avons voulu réunir ici des Artistes authentiques.
À l’heure où sur un certain marché de l’art qui n’a rien d’un marché de l’Art car il n’est rien d’autre qu’exclusivement spéculatif, certaines œuvres pompeusement baptisées contemporaines sont annoncées comme art et portées aux nues alors qu’elles ne peuvent même pas être qualifiées d’artisanat dans son acceptation la plus simple, nous avons voulu réunir ici des œuvres vraies. Notre plaisir est de croire que nous avons peut-être contribué, même modestement, à soutenir des artistes de talent, véritables et sincères.
Car, en un mot comme en cent, nous persistons et nous signons : OUI ! Nous aimons les Artistes !"
Le texte qui précède a été écrit le 1er juillet 2008, durant la période de gestation du Grand BAZ’ART à Bézu. Je n’étais pas un précurseur. Depuis une dizaine d’années déjà quelques voix s’élevaient timidement contre cette absurdité. Et pourtant, il n’était alors pas (encore ?) politiquement correct de critiquer l’establishment en vogue qui surfait allègrement sur la vague de l’inutile, de l’inexistence, de l’idéologie artistique – comment peut-on oser associer ces deux mots ? - voire même de l’imposture car nous avions une grande prolifération d’artistes qui ne créaient RIEN.
Il est vrai qu’il était tellement plus facile de livrer un commentaire abscons, autour d’un simulacre d’œuvre, que d’être confronté aux affres parfois déchirantes de l’expression picturale. Les galeries étaient désertées par les acheteurs et pire encore par les simples visiteurs qui parfois cèdent à un coup de cœur. Quand vous vendez du Néant vous prenez le risque de voir vos acheteurs disparaître dans l’abîme…
Et, très rapidement, le verdict tombait : "Mais taisez-vous donc ! Vous n’avez aucune sensibilité pour l’art". Que l’on pouvait très aisément sous-titrer par : "Vous êtes un damné, un pestiféré, un déjà- excommunié, plus prosaïquement : un idiot !".
Nous en étions encore et toujours en plein autoritarisme de la pensée artistique unique encouragée par une majorité dans l’Institution et relayée par certains medias. Nous pouvions déceler cette intention sous-jacente, parfois explicite et virulente, d’éradiquer la sensibilité, l’émotion et aussi le savoir-faire de la Création. Des intentions "légitimées" par des ouvrages comme "La transfiguration du banal" de l’autoproclamé "philosophe analytique de l’art", Arthur Danto : une totale négation de la valeur du travail d’un artiste.
Depuis quelques temps, de plus en plus de voix dénoncent cette aberration du "non-art", espérons qu’un assainissement de ce milieu dit des Beaux-arts s’opérera. Ces même voix soutiennent un retour aux racines.
Nous assistons parallèlement à l’explosion de l’art brut dans les galeries… j’ai une petite idée là-dessus. Bien sûr, il y a les passionnés et comme d’habitude ceux qui espèrent la bonne affaire. Attention toutefois, il faudra expliquer très clairement l’Art brut et l’Art singulier; Ne pas le faire ingurgiter brutalement sous peine de fabriquer, différemment mais à nouveau, le même renoncement et le même désintérêt du grand public.
Texte publié dans le catalogue du GRAND BAZ'ART A BEZU 2014.