CLARA GAY, créatrice d'installations
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"Trois mille six cents fois par heure, la seconde chuchote : souviens-toi". Baudelaire
Un rideau et une table, voilà une installation on ne peut plus minimaliste ! Sur le rideau, Clara Gay a accroché des petits cadres passéistes, une planche avec un trou, relique d'une ancienne pendule. Sur lesquels sont fixés de minuscules baigneurs en celluloïd : Sans tête, ils s'étirent dans un décor floral ou s'accrochent à un masque énorme par rapport à leurs proportions. Ailleurs, perdu dans les plis du rideau, est suspendu un couple en tissu cousu à la manière des poupées que réalisaient les petites filles de naguère. Mais sexué, un cœur énorme battant sur les deux poitrines pour montrer qu'ils sont vivants et/ou combien ils s'aiment ! Ailleurs encore, un pendentif mural présente quatre "étages" de scènes de vie ; un couple de cervidés copule, une femme saigne ses règles…
Puis, posés debout sur la table, et appuyés sur le rideau, se retrouvent côte à côte toutes sortes d'objets hétéroclites : Tête fleurie, énorme, posée directement sur un pied métallique, dessin de fœtus jumeaux disposés tête-bêche, une pendule, -encore !-, un lapin apparemment en tissu dressant ses longues oreilles, un calendrier exhibant une femme en train de se dévêtir, un singe ratatiné sous un globe de mariée, une tête de renard sur un corps humain, etc.
Enfin, sur la table recouverte d'une nappe de dentelle, disposés à la manière d'un jeu de cartes, illustrés comme des tarots, des collages proposant des personnages en pied ou en photo d'identité, chaque personnage légendé en gros caractères : "L'EMPEREUR", "L'ETE", "LE PAPE"…
Quelle peut être la relation entre tous ces éléments en apparence disparates ? Le passage, la fuite du temps, bien sûr, même si l'artiste est bien jeune pour s'en préoccuper ! Chaque photo contient un potentiel narratif qui, en donnant à voir le temps qui s'est écoulé, rappelle l'importance dans son esprit, de ce temps révolu.
Comme nombre d'artistes, Clara Gay met en évidence le rappel virtuel (le trou) ou la réalité des horloges qui égrènent le temps. Traverse une période (celle où les enfants jouaient avec des jouets même abîmés, où les fillettes devaient confectionner elles-mêmes leurs poupées). Va de l'avant-naissance (le cerf et sa biche, les fœtus) à l'enfance (le lapin/jouet) et à la vieillesse voire à la pierre tombale ("DIEU vous aime").
Pour assurer la pertinence de son installation, lui donner un petit air rétro, elle récupère donc des objets du quotidien ; les mêle à des objets du passé. Les dispose de haut en bas, comme l'homme qui, au fil des années, se voûte en son retour vers la terre. Permet ainsi d'appréhender la signification profonde de sa démarche. Et la faire ressentir par le spectateur.
Jeanine RIVAIS
TEXTE ECRIT SUITE AU BIZ'ART FESTIVAL 2016 DE HAN-SUR-LESSE EN BELGIQUE.