LES MOSAÏQUES ET FANTASMAGORIES DE HUGUES LEROY
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Si la mosaïque de la bataille d'Alexandre, à Pompéi, en compte deux millions, combien de tesselles Hugues Leroy a-t-il façonnées et collées au cours des années, depuis qu'il a choisi la mosaïque pour s'exprimer, lui qui déclare que cette création lui est aussi nécessaire que l'oxygène de l'air !?
Depuis la nuit des temps, la mosaïque est un art décoratif dans lequel l'artiste utilise des fragments de pierres colorées, d'émail, de verre, de marbre, ou encore de céramique, assemblés à l'aide de mastic ou d'enduit, de ciment ou de résine, pour former des motifs ou des figures. Mais, à l'instar de Picassiette, Hugues Leroy colle par-dessus ou incruste des objets de la vie courante (minuscules coupelles ou couvercles, disséminés dans le fond, ou objets à fonction précise rejetés par leurs anciens propriétaires et recueillis par ses soins, comme des petits pots à la place des yeux, ou de minuscules jouets ou visages de poupées qui familiarisent la composition. Car, comme la plupart des céramistes, ce créateur est en même temps un artiste d'Art-Récup ! Et puis, manière de linéariser les contours d'une tête… il plante des clous de tapissier surlignant les traits d'un personnage, appose des têtes d'oiseaux rompant le rythme d'un bouclier, glisse un petit médaillon portant le visage de quelque inconnue, etc. Car son imagination et ses ressources n'ont pas de limite !
Tout cela, sans souci de régularité, de la moindre règle ou d'un quelconque code, uniquement le gré de la fantaisie d'Hugues Leroy, son inventivité, les fantasmagories qui s'échappent de son esprit, joints à une maîtrise technique à toute épreuve et un sens inné des harmonies de formes et de couleurs.
Car toutes ses œuvres sont très colorées, les tesselles de tailles et de nature inégales captant différemment la lumière, et faisant de chaque œuvre un régal pour l'œil.
Partant de là, quelles peuvent être les motivations d'Hugues Leroy, qu'il s'acharne ainsi sur ses réalisations ? Pense-t-il, tels Jean Scot Erigène affirmant "que le monde entier est une immense lumière formée de lampes innombrables" ou saint Clément d’Alexandrie, déclarant que "comme la mosaïque, notre univers est à la fois un et multiple" et pour qui "toutes les parties, quelle que soit leur diversité, gardent leur parenté à l’égard du Tout", ou encore comme nombre d'autres artistes qui pensent que "l’image mosaïquée miniaturise une réalité cosmique : la constitution d’un tout par la communion de parties, et l’interdépendance des parties dans cette totalité" ?
Faut-il aller aussi loin dans le sens de sa démarche ? Penser que, pour lui, "le déséquilibre, l’inégalité, la dissymétrie" si caractéristiques de ses œuvres, "font partie de l’harmonie du cosmos et des destins" ? Ne faut-il pas plutôt imaginer que, loin de partir dans le Cosmos, il se crée au fil du temps SON univers, et qu'après tout, il le peaufine uniquement pour son plus grand plaisir ? Qui sait ?
Jeanine Rivais
TEXTE ECRIT SUITE AU BIZ'ART FESTIVAL 2016 DE HAN-SUR-LESSE EN BELGIQUE.
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Ajoutons qu'en plus de son talent d'artiste, Hugues Leroy organise depuis 2014, le BIZ'ART FESTIVAL, installé au milieu du village de Han-sur-Lesse.
Une cinquantaine d'artistes, "anciens" et nouveaux présentent chaque année, plus de 600 sculptures, peintures, collages, assemblages, et autres détournements ! Tous les supports et toutes les techniques sont représentés dans un savant cocktail sans limites, à la hauteur de la créativité à fleur de peau des "Singuliers". Les artistes exposants proviennent pour moitié de Belgique. La France est largement représentée, mais aussi la Suisse, l'Espagne, le Royaume Uni…, conférant d'emblée au Biz'Art Festival un caractère international et le plaçant parmi les événements incontournables de l'Art Singulier européen.