LES ARBORESCENCES D’ERIK FURTAK
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“Ecoutez, que je vous le rapporte... Qu’importe les vieilles branches mortes qui se fracassent et que les troncs jadis frappés par la foudre éclatent en rendant le bruit du tonnerre d’autrefois ?” (¹)
Ils importent si bien qu’ils envoûtent depuis la nuit des temps les hommes les plus érudits comme les plus rudes!
Des artistes également qui trouvent dans le bois, comme d’autres dans la pierre, une résonance capable de les “mettre dans un état second” (²) Explorant ses nœuds ou ses veinures, le provoquant à violents coups de haches ou le flattant à légers attouchements, ils semblent, peut-être comme dans les forêts de leur enfance, retrouver sylphes ou magiciens, sylvains ou vilains sorciers, tapis sous les écorces !
Tel est le cas pour Erik Furtak dont les longues promenades à travers bois et coteaux ont peuplé son atelier de ceps de vignes et de racines, en une saga de formes aléatoires qui l’ont spontanément attiré. Selon son inspiration, il les a immédiatement investies d’un vécu potentiel; et, jouant à son tour les théurges, a gratifié d’une nouvelle vie, ces formes érodées. Doué d’un instinct ou d’un talent qui, à partir d’un réseau de craquelures, d’un ove ou d’une brisure bizarre, lui permettent de déceler sur un matériau d’apparence banale, une forme humanoïde ou une créature animalière, il “sent” immédiatement surgir dans son esprit, le possible prolongement de cette “vie” en gestation. A l’instar d’un sculpteur, il T'observe” sous tous les angles, ici décide de respecter la forme originelle, là d’accentuer un “bras”, un nez...d’isoler tel un sphinx un “personnage” hiératique, grouper ceux dont les postures suggèrent qu’ils sont prêts au dialogue, etc. Ces interventions se font au moyen de résines dont la texture, la couleur se confondent avec le bois, la démarche s’effectue sans idées préconçues; mais la main d’Erik Furtak féru de magie et de sorcellerie, est sans nul doute en étroite relation avec son subconscient, car le résultat est une étrange ethnie de petits monstres arborescents, griffus, aux tentacules couverts de cavités et de verrues, nez aquilins, bouches édentées, cheveux filasse: gnomes dont les yeux semi-ouverts, injectés de sang, sont plus angoissants que terrifiants.
Et l’artiste passe volontiers à la couleur, couvre de bleus ou de gris ses créatures brunes. Leur ajoute aussi parfois des éléments étrangers (cornes, flèches...), leur assigne des fonctions inattendues (pieds de lampes,...) et c’est là qu’il doit être particulièrement vigilant! Naturelles, ses oeuvres sont surprenantes, drôles, attirantes ou repoussantes, toujours provocatrices...Affublées de ces appendices inadéquats, elles deviennent fonctionnelles, voire inesthétiques. A la trentaine proche, Erik Furtak est à la croisée des chemins: Ou il va s’engager dans une voie facile, à la mode peut-être, commerciale sans doute! Ou il saura résister à ce miroir aux alouettes, s’accrocher à l’état de grâce dans lequel il se trouve encore, en faire un “état d’art”... C’est bien ce qu’espèrent de lui les ceps centenaires, les racines bifurquées comme des mandragores, endormis dans son atelier, attendant d’être revisités par sa fantaisie créatrice !
Jeanine RIVAIS
(1) Georges Ribemont-Dessaignes (Le Règne végétal)
(2) André Breton: Langues de pierres.
FURTAK Erik : TEXTE DE JEANINE RIVAIS : "LES ARBORESCENCES D'ERIC FURTAK" : BULLETIN DE L'ASSOCIATION LES AMIS DE FRANCOIS OZENDA N°56 de Décembre 1995, IIe FESTIVAL DE PRAZ-SUR-ARLY. Et http://jeaninerivais.jimdo.com/ Rubrique FESTIVALS RETOUR SUR PRAZ-SYR-ARLY 1995