Il semble bien que Blaise soit uniquement préoccupé du corps, et de la relation de couple, qu’il décline l’un et l’autre dans toutes les variations possibles. Mais quelle que soit sa formulation, les deux protagonistes, stylisés au maximum, se retrouvent dans une relation très fusionnelle, à tel point que parfois seules les couleurs, l’une noire, l’autre d’un bleu électrique, suggèrent qu’ils sont deux : Ainsi l’artiste va-t-il de l’abstraction de deux formes juxtaposées réalisées sur une base carrée qui se serait rompue à la suite d’un choc, et où l’emboîtement serait devenu aléatoire ; à celle d’une unique forme très longiligne, où les « comparses » sont enlacés en volutes ascensionnelles, confondus, à peine ébauchés. Cette création abstraite est harmonie, à la fois plénitude et ductilité des formes. Cependant, avec d’autres oeuvres, Blaise passe tour à tour par une figuration très primitive, réalisée avec des éléments prélevés sur un mannequin, combinés à des matériaux de récupération comme cette faux qui tient lieu de tête ; ou par une autre figuration dans laquelle le bas du corps jusqu’à la ceinture, est très réaliste, prélevé là encore sur un mannequin, tandis que, symboliques, les deux fléaux d’une balance constituent les membres supérieurs et la tête. Symbolique encore, mélange de réalité et de fiction, ce personnage-tronc au bas du corps noir monobloc tel celui des totems, tandis que le haut, bleu, comme engoncé dans ce noir dont il essaierait de s’extraire, présente deux bras ailés, levés en un geste d’envol. Faut-il, face à toutes ces variantes, s’en tenir à l’idée d’une recherche purement esthétique ? Ou, faut-il penser qu’au-delà, Blaise prétend, par ces objets empruntés auxquels s’ajoutent robe sophistiquée, luxueux réticule, etc. dénoncer la société de consommation ; par ces fléaux, affirmer l’égalité des sexes ? Rien ne permet de pencher pour une hypothèse plutôt que pour l’autre. Mais si la deuxième démarche était la bonne, quelle serait la valeur de dénonciation des œuvres abstraites ?…
Même dilemme lorsqu’il s’agit d’affirmer en quel matériau est réalisé tel ensemble : Ici, les plaques quadrangulaires ressemblent à de l’ardoise ; là, ce tronc n’est-il pas de bois ; ce mannequin de résine ; cette volute de bronze ?… Il n’est permis que de supputer, à cause toujours de la peinture qui recouvre le tout et prolonge le mystère. Peut-être le choix du matériau n’est-il pas essentiel, pour Blaise ? A moins, au contraire, qu’à travers la peinture, il attende de la chaleur du végétal, de la froideur du minéral, de l’absence de toute aspérité de la résine… des réponses précises ?
Mais quel que soit ce choix, mystère encore le paradoxe par lequel, proposant des personnages statiques, il crée néanmoins une impression de mouvement ; si ce n’est que s’impose à l’évidence une relation intime entre surfaces, volumes et espace investi par la sculpture ; que chaque relief prend, sous sa main, des courbures douces et élégantes, chaque anfractuosité multiplie les variations de la lumière, donnant à ses anatomies massives ou filiformes, nucléées ou lisses, articulées sans que jamais le moindre angle aigu vienne durcir les rythmes, une connotation poétique. Et que, finalement, à travers cette recherche formelle, sans esquisses préliminaires, ces personnages lancés spontanément par Blaise à l’assaut de la vie, constituent une sorte de mythologie personnelle du couple et génèrent un art sensuel et sensible issu d'un esprit profondément humain.
CE TEXTE A ETE ECRIT APRES LE DU FESTIVAL DE BANNE 2003, dans le petit village de BANNE, en Ardèche.