MONIQUE RIOND, sculptrice

Entretien avec JEANINE RIVAIS

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          Jeanine Rivais : Monique Riond, nous sommes avec vos œuvres,  dans le monde du gigantesque, plus grand même que nature. Et surtout, dans le monde de la femme, la femme, la femme !

          Monique Riond : Oui, parce que la femme est le passé, le présent, l’avenir. Et cela durera. Sans femme il n’y a plus de vie, plus de monde. La femme est l’élément essentiel de notre vie humaine, et j’ai besoin d’en parler constamment, parce que je suis une femme et que je connais la vie des femmes.

 

          J. R. : Est-ce une affaire de militantisme, ou un besoin, une façon personnelle de vous exprimer ?

          M. R. : Un peu les deux, je crois. La femme est toujours écrasée aux quatre coins du monde…

 

          J. R. : On peut donc imaginer que vos sculptures sont tellement plates pour exprimer cet écrasement ?

          M. R. : C’est pour évoquer sa fragilité, montrer qu’elle prend peu de place. Et la hauteur symbolise pour moi la résistance : c’est le roseau…

 

         J. R. : Ce qui est surprenant, pour certaines de vos sculptures, c’est qu’elles font penser aux planches à laver de nos grands-mères !

          M. R. : Oui. C’est cela. D’ailleurs, les titres, comme La planche à laver 1940 l’évoquent sans ambiguïté. C’est l’évocation du travail, des contraintes, des servitudes de la femme au foyer. C’est donc bien ce que j’ai voulu dire dans ce travail des planches.

 

          J. R. : Certaines sont ultraplates, avec quelquefois ces reliefs que nous venons d’évoquer. Toutes ont un visage « vide » : un orbe creux et rien d’autre. Aucun trait. Sommes-nous toujours dans la dépersonnalisation de la femme ? 

         M. R. : Oui. Le visage n’est pas dessiné. Mais il est en général légèrement évoqué. 

          J. R. : Par les infimes nuances de couleurs qui se juxtaposent ; et par la chevelure qui entoure cet orbe ?

           M. R. : Oui. Les traits ne me paraissent pas absolument nécessaires. Ce qui est important, c’est ce que la forme, l’ensemble de la pièce évoquent ; ce qu’elles renvoient chez celui qui les regarde. Parfois, par contre, je les dessine très fort : dans ce cas-là, c’est pour évoquer une idée humoristique. Car l’humour apparaît souvent dans mon travail. Dans ce cas, les femmes deviennent opulentes, larges, pleines de joie, parce que, heureusement, elles ne sont pas que peine et tristesse !

 

         J. R. : Tout de même, toutes sont dépourvues de membres, de bras à tout le moins.

         M. R. : Oui, parce que ce qui est à l’origine de tout, c’est la tête. C’est donc elle qui est importante. Les bras ne font que suivre. Ils ne sont qu’un moyen.

 

          J. R. : Par ailleurs, tous ces personnages ont un côté totémique. Nous sommes donc dans une antithèse : la femme presque esclave, avec des obligations, des empêchements… Mais en même temps, vous lui donnez une certaine élévation.

          M. R. : Oui. Je crois que la femme a beaucoup de grandeur, beaucoup de force, c’est ce que je veux exprimer par cet aspect totémique. Au niveau de l’âme, je la trouve souvent dominante.

 

          J. R. : Une autre série est en effet très évidemment humoristique ; c’est celle où vos femmes n’ont pas de face, mais elles ont des fesses. Certaines me font penser à la Petite Dame de Brassempouy, le type de femme capable de procréer évident par son large bassin.

          M. R. : Oui. Il y a l’évocation du corps, des seins, des fesses en effet. Mes femmes ont aussi des épaules carrées. Je veux qu’on les sente pleines de vie. Elles ont des épaules larges qui leur permettront de porter leur vie. 

 

          J. R. : Pour en revenir à leur aspect, on peut dire que leur corps est tubulaire, et par-dessus ce corps solide, elles ont une tête minuscule. Or, vous m’avez dit que tout se passait dans leur tête ! Se passe-t-il vraiment beaucoup de choses dans cette tête minuscule ?

          M. R. : La tête pourrait en fait ne pas être là, parce que dans cette série, c’est plus l’évocation de la femme/roseau, fragile. Et puis, ne sommes-nous pas faites de contradictions ?

          J. R. : Enfin une série que je trouve comme le comble de l’humour, ce sont –comme vous le disiez tout à l’heure- ces femmes dans la plénitude de leur obésité. Celles-là ont tout, des têtes, des bras, des visages expressifs, mais par contre elles sont fagotées sans aucune coquetterie.

          M. R. : Oui. C’est aussi une population que l’on rencontre : la femme heureuse de vivre, qui ne se pose pas trop de questions, qui est bien dans son corps, qui est probablement une bonne mère. Peut-être ne faut-il pas lui demander autre chose ? Je crois que c’est la femme dans le moment présent.

 

          J. R. : Quelle que soit la formule que vous ayez adoptée, il s’agit de la femme intemporelle, hors de toute géographie, hors de toute société. 

        M. R. : Oui. Finalement, j’essaie de donner une représentation du Féminin, de la femme au travers du temps, tantôt avec un côté primitif ; tantôt plus élaborée : la femme de tous les temps. A travers toutes les civilisations connues, on peut retrouver ces genres de femmes. 

 

          J. R. : Voulez-vous ajouter quelque chose que nous n’avons pas encore évoqué ?

        M. R. : Pour l’instant, non, mais peut-être que dans un moment, je repenserai à toutes sortes de choses que j’aurais pu vous dire ! Tant pis, je crois que j’ai fait le tour de ce que je présente ici, et merci pour vos questions !

 

          J. R. : Je trouve votre stand très impressionnant. En fait, devant cette image plate, devant chacune de vos sculptures, chaque visiteur peut se sentir confronté à lui-même. 

        M. R. : C’est une présence dans le temps. Peu importe que mes oeuvres soient ou non proches d’une réalité. Elles sont un signe de notre temps, du temps passé, du temps à venir. Tant qu’elles sont là, on peut être rassuré !

 

CET ENTRETIEN A ETE REALISE A SAINT-GALMIER EN 2005, LORS DU FESTIVAL DES CERAMIQUES INSOLITES.