SALON RÉVÉLATION 2024 XIIIe EDITION

Espace Marcel Hasquin

49700 Saint-Georges-sur-Layon

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          Pour la XIIIe édition du Salon Révélation, organisé par l'Association La Flamme, l’invité mis à l’honneur était Seb Russo, artiste peintre à l’univers très coloré. Peinture, dessin et art numérique sont devenus ses activités principales. "On dit de moi que je fais du street-art, de l’art singulier, de l’art contemporain, de l’art conceptuel ou que sais-je encore. Pour moi, c’est tout simplement du rêve et de l’improvisation".  Colorée, foisonnante, optimiste, la peinture de Seb Russo éclabousse la toile d’une énergie indomptable et d’une inaltérable soif de vie.

          Seb Russo était entouré de 10 artistes dont 3 artistes de l’ESAT Arc en Ciel de Cholet. Pour cette nouvelle édition, Marcel Hasquin avait souhaité exposer des artistes céramistes en plus des sculpteurs et peintres.

          Nombreux furent les visiteurs venus plonger dans cet univers riche en couleurs.

 

Un Salon Révélation pour :

- mettre à l'honneur de jeunes talents,

- les révéler aux professionnels,

- les révéler aux critiques d'art,

- donner envie au public d'acquérir leurs œuvres.

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          Il semblait bien y avoir deux démarches, dans l'œuvre de Sébastien Russo : l'une où les personnages en pied ou en buste, étaient seuls au milieu du support. L'autre, où l’œil du spectateur était à la fête, face à chaque toile fourmillant de subtiles vibrations, comme impatiente de "narrer" son histoire, en une sorte d’explosion, d’élan heureux des couleurs !

         En effet, l'artiste créait des personnages aux traits raboteux comme lourdement ridés ; aux moitiés de visages dissymétriques, déséquilibrés par les grimaces du faciès ; à la chevelure hirsute souvent partiellement cachée sous des sortes de coiffes ? de foulards ? Sous lesquelles parfois disparaissait un œil. Lorsqu'ils étaient en pied, ces pieds -énormes !- supportaient des jambes grêles écrasées par des corps à demi-dissimulés sous des oripeaux ficelés autour de leur taille fine ; au-dessus desquels le buste était couvert d'une sorte de justaucorps au large décolleté donnant naissance à un long cou ; lequel supportait la minuscule tête déjà évoquée. Et, de chacun, partaient des bandelettes raides et pointues comme des sabres, déséquilibrant la silhouette de ces personnages.

          Lorsque la tête était seule, hurlante et grimaçante, dents énormes en évidence, elle s'appuyait sur un cou en tire-bouchon, yeux clos, paupières serrées sur son cri. Des espèces de longues oreilles lui partaient de la tête, ainsi qu'un embrouillamini de cheveux polychromes. 

          Il faut dire que si les personnages de ses tableaux étaient peints avec des proportions fantaisistes et sans aucun fond, Sébastien Russo possédait intuitivement la capacité de créer, à partir de ces disproportions répétitives, une sorte de "respiration" équilibrée, et subséquemment une grande harmonie. Ces déséquilibres pourraient bien, en fin de compte, avoir été les éléments essentiels qui constituaient l’originalité de ce créateur, et rendaient ses œuvres immédiatement reconnaissables.

 

          Mais il proposait aussi une autre partie qui emmenait le visiteur dans une création beaucoup plus fantaisiste !  Car, avant tout, et de tout temps, cet artiste a été un coloriste. Possédant un sens inné des nuances, qui lui faisait associer des rouges et des jaunes en des progressions chaleureuses et éclatantes comme des envols d’oiseaux bigarrés ; des bleus de grands ciels ; et des verts des sylves gorgées d’eau ! Tout cela joint au mouvement propre des personnages de la toile, d’autant plus "mobiles", que le peintre organisait chaque œuvre en une sorte de progression labyrinthique qui l’équilibrait en tous sens, la rendait "lisible" quelle que soit son orientation ! Au point que le visiteur avait le sentiment d’entrer en une oasis où tout n'aurait été que danse et harmonies cinétiques !  

          Car se posait la question de savoir qui étaient les créatures élaborées sur la toile par Sébastien Russo ? Etaient-elles simplement les projections fantasmatiques de leur auteur ? Car oiseaux, personnages ectoplasmiques ou mutants embryonnaires de quelque lointaine galaxie, tout se passait comme s’il sélectionnait des moments précieux de vagabondages erratiques, et les enfermait dans des alvéoles où il incomberait à chacun de devenir une histoire à faire rêver quiconque s’aventurait dans leur univers ! D'autant que -malgré quelques écritures sporadiques peut-être en espagnol-, aucune connotation géographique, sociale, temporelle n’existait, susceptible d’apporter la moindre indication. Il s’agissait d’une sorte de non-monde, de non-formes apparemment sans aucune définition précise. 

          Néanmoins, ces scènes étaient sereines, possédant une évidence tranquille ! Des "histoires" en couleurs douces, pour lesquelles, là encore, Sébastien Russo possédait un véritable instinct : jamais de noirs, ou alors en surlignages fantaisistes. A peine quelques blancs vaporeux rehaussant ces plages colorées évoquées plus haut ; et faisaient de ces tableaux en demi-teintes, des “images” calmes, reposantes, voire oniriques : une œuvre originale, poétique et jubilatoire, qui émoustillait l’imaginaire et faisait rêver le spectateur.

Jeanine RIVAIS

 

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          Les peintures de nus représentent l'un des thèmes les plus anciens et les plus captivants de l'histoire de l'art. Allant de rituels ancestraux à des études académiques du corps humain, l'art du nu a évolué pour devenir une forme d'art distincte et respectée qui s'étend à la fois au féminin et au masculin. À l’époque moderne, la représentation du corps nu revêt des enjeux esthétiques et moraux liés aux règles de l’art, aux institutions artistiques, à la formation des artistes ainsi qu’à l’exposition et à la réception des œuvres. 

         Depuis longtemps, Anne Juvin a été attirée par la peinture et le dessin. En particulier, ceux du corps. C’est pourquoi, consciente, apparemment, de son "vouloir-faire" ; et absolument sûre que s’il peut lui servir de base il ne pourrait en aucun cas devenir une finalité, elle a commencé à réfléchir sur sa création, à être de plus en plus exigeante quant au "dit" de ses œuvres. 

Des œuvres toujours très construites, sortes de "lignes-souvenirs", traces d’un mouvement discontinu transformé en une ligne continue. A l'évidence, Anne Juvin préfère les modèles au repos. Elle sait capter au millième de seconde le moment de la plus grande énergie intérieure du corps, du frémissement intense qui va générer dans sa tête et par son crayon une ligne sur le papier. Tout va tellement vite que son travail ne peut relever de la réflexion, il ne s’agit plus que d’émotion, de synergie avec le modèle, d’un élan inconscient conjuguant le geste du corps allongé, debout, détendu, au buste mollement étiré sur les bras, languidement allongé appuyé sur un coude ; et celui de la main, d’une compréhension absolue et totalement instinctive entre les deux personnes face à face.

La posture mentalement choisie, elle reprend la trace brute et spontanée, en découpe les moments les plus puissants pour les recomposer de manière que, si la fidélité à l'intention primordiale est un peu trahie, son intervention picturale retrouve néanmoins l’intensité des prévisions silencieuses, témoigne de façon plus intellectuelle de la fébrilité, de la complicité passée. L’expression de ces corps statiques et souples se retrouve sur la toile ou le papier, non comme une esquisse progressive qui décomposerait l’évolution d’un unique mouvement, mais comme une suite de "flashes" qui résumeraient les temps forts des poses envisagées. 

   Ensuite, sur les corps assis, relâchés en des gestes familiers, ou dans les postures évoquées, Anne Juvin "cache" ces lignes harmonieuses sous des taches non-formelles de peinture, n’en laissant que de brefs "passages", ici un visage dépourvu de traits, un sein, là un pubis, la courbe d’une hanche…  "apparaissant" ou "disparaissant" "derrière" ou "à travers" ces matières déposées à larges coups du pinceau surchargé, ou au contraire presque sec "râpant" la toile. De ce fait, ce galbe obéré devient volume ; la main ne court plus derrière lui, mais en caresse les formes lourdes ; la réflexion n’intervient plus là où seule joue la tendresse.

   Ainsi, l'artiste s’est-elle trouvé un style, classique certes, mais très personnel. Le corps dans sa totale nudité, sans atours, sans entour. Et même si, parfois, elle devient peintre coloriste, ayant alors besoin d'un lieu paysagé pour situer son nu, ses œuvres n'atteignent pas alors l'authenticité épurée de ses nus linéarisés. 

Jeanine RIVAIS

 

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          Voilà un quart de siècle, Michel Smolec, autodidacte, a fait son entrée dans le monde de l'art, et très vite, lui si réservé, si pondéré, a plongé avidement dans le milieu des galeries, des musées, comme un boulimique qui se jetterait sur de la nourriture dont il aurait été trop longtemps privé. Et surtout dans la création. Et pendant des années, il s'est posé, sous formes de dessins, sculptures, peintures, des questions sur lui-même, ses espoirs, ses déceptions. Son imaginaire aidant, il est devenu l'auteur d'œuvres de terres mêlées, polychromes, avec un sens inné des rapports de couleurs. Bouleversantes, telle une œuvre de chair au sens quasi-littéral. Provocatrices ! Frondeuses ! Raisonneuses ! Un peu militantes, aussi, sous leurs airs innocents et leur bon sens populaire. Pas non plus dépourvues d'érotisme, au fil de leur apparition. 

          Paradoxalement, se posa d’emblée pour lui, le problème de la position des jambes. Car c'était elles qui allaient déterminer l’apparence du corps, décider s’il serait légèrement penché, un peu tourné, etc. Elles qui "amèneraient" la petite culotte noire… "Noire" parce que cette couleur véhicule tous les tabous sensuels du "vrai" monde ! Et lorsque la femme allait se pencher, ce petit derrière offert au regard serait coquin à souhait, et mignon à croquer ! Et depuis lors, monte le galbe des fesses que l'artiste veut toujours bien modelées ; le ventre sur lequel la main passe et repasse ! Viennent les seins, généralement menus lorsqu’ils sont nus ; mais plus volumineux, délicatement mamelonnés, lorsqu'ils sont vêtus, suggérés, à demi-cachés par le justaucorps au décolleté à balconnets, séparés par un bijou très simple qui en accentue les courbes.

          Et les hommes ? Longtemps, ils ont été "hommes" par le port de leur tête, par les cheveux très travaillés et hirsutes. Mais un jour, l’un d’eux est apparu avec un zizi ! Et il avait l’air d’un petit Eros se pavanant devant les dames ! Mais là encore, Michel Smolec préfère suggérer. Certes, parfois, l’un d’eux tombe la chemise et, pris de frissons, semble prêt à tous les excès de la chair…. Et l’artiste sait, avec talent, composer des groupes qui, en multipliant les "hypothèses" multiplient les joutes en suspens… 

 

       Les années ont passé, le Covid est apparu, obligeant nombre d'artistes à rentrer dans leur coquille, contrairement à Michel Smolec qui, enfermé, est sorti de la sienne, pour pénétrer dans un monde fantasmagorique. Car, a surgi, à l'échelle mondiale artistique, un étrange monstre issu de la mythologie japonaise du XIXe siècle, l'Amabié. Un peu oiseau, un peu sirène, et beaucoup humanoïde. Sur laquelle s'est jeté un nombre infini de peintres. Dont Michel Smolec qui l'a fantasmée sous tous ses aspects possibles ! Avec ou sans écailles, avec un nombre variable de jambes, de face ou de profil, droite ou lascivement étendue, le visage rond ou allongé, les yeux en amandes ou ronds exorbités, une abondante chevelure frisée ou hirsute... Mais toujours image mythique offerte à des fins psycho-magiques ; issue des eaux profondes, émergée dans un monde en danger ; capable de mettre fin à la pandémie actuelle qui ravage ce monde qu'elle est supposée protéger. Une entité guérisseuse, en somme, sortie de l'imaginaire de l'artiste !  Et, à travers cet étrange personnage fantasmatique, Michel Smolec sorti de lui-même ; parti à l'assaut du cosmos !! Jusqu'à quand ? Qui sait ? 

Jeanine RIVAIS 

 

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          Les personnages de Fabien Dupont se développent lentement, avec une extrême précaution. Il s'agit, en fait, d'une itération obsessionnelle d'un même individu ; -sans doute un autoportrait ?- qui ouvre largement ses bras. Ses œuvres consistent exclusivement en une répétition de formes similaires, avec variations de détails, posées sur des fonds non signifiants, à dominante monochrome généralement sombre, dont ils semblent émerger ; et leurs yeux sont toujours fixés sur le visiteur en off. 

        Ces yeux sont grands ouverts, tout ronds, noirs. La bouche est un peu de guingois, ou inexistante ; le nez est un trait épais, un peu oblique ; les oreilles sont largement décollées. Quant aux cheveux, ils sont tantôt aplatis, tantôt hirsutes, tantôt couverts de quelque mantille en dentelle tombant jusqu'au sol, tantôt inexistants.  Les bras tendus n'ont pas de mains et les jambes pas de pieds ce qui est paradoxal, vu qu'ils sont largement tendus, comme ouverts sur la vie. Mais le visiteur conclut que, s'il dispose assurément de la vue et de l'ouïe, ce petit personnage ne peut rien prendre, ni aller nulle part. Il est là, et tel est son lot, à rendre à son vis-à-vis  curieux, regard pour regard.  

          Cette recherche perpétuelle d'un être unique reproduit en des couleurs discrètes, à l’atmosphère étrange, calme, mais un peu triste ; cette absence aléatoire de certains éléments de son anatomie sont sans doute inspirées à Fabien Dupont par son mal-être, né de circonstances de son existence ou de la vie de ses proches. Mais il ne saurait s'agir de solitude, puisque sur plusieurs de ses œuvres, des ombres compactes se trouvent juste derrière l'individu central, de part et d'autre de son corps, suggérant d'autres vies ; ou ailleurs deux petits êtres sont enlacés, assis sur un banc. 

          La répétition avec variations d’une unique forme de base dans les peintures de Fabien Dupont et leur dynamique résolument immobile suggèrent qu'il est sensible à la notion du temps peut-être, de l'espace et qu'il en use au maximum, le personnage étant toujours plein cadre, même lorsque l'artiste se limite à une tête. L’inventivité, la richesse des éléments graphiques et colorés s’associent à un grand équilibre de la composition.  Aussi le visiteur a-t-il le sentiment de l’alliance d’un art authentiquement singulier et d'une structuration de l’œuvre qu’on pourrait qualifier de classique et qui, par son caractère tellement personnel, génère beaucoup d’intérêt pour son travail.

Jeanine RIVAIS

 

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       Peintre, Simon Bellego, "construit" des murs ou des palissades composés de pierres ou de planches multicolores, réalisés en techniques mixtes, collages, acrylique, ou pastel ; par-dessus lesquels évoluent de minuscules personnages livrés à toutes sortes d'occupations : les uns se promènent en couple, bras-dessus, bras-dessous ; d'autres reviennent de faire leurs courses et portent de lourds cabas ; un ouvrier porte un sac sur son épaule ; un autre encore court sous son parapluie, etc. Tout ce petit monde finement linéarisé évolue tantôt sur fond de murs de briques devant lesquels flottent des ballons, volent des hélicoptères, naviguent des gondoles : tantôt devant des murailles peintes de bleu sur lesquelles courent de nombreuses échelles qui, parties de nulle part, semblent n'aboutir nulle part !!! Un monde onirique, donc, composé de petites fantaisies mignardes. 

 

         Sculpteur, Simon Bellego construit en terre, cette fois, d'étranges fauteuils tous peints du même bleu. Fauteuils dont les dossiers sont en fait des personnage assis ; lesquels se retrouvent tantôt une jambe repliée au-dessus de l'autre, tantôt les deux sagement repliées devant lui, comme s'il était en conversation ; tantôt encore les deux enroulées dans une couverture… 

          Mais ce dos joue parfois le rôle de place publique, lourdement peinte en blanc, sur laquelle évoluent des foules d'humains…bleus ! D'autres fois, c'est le bras du "fauteuil" qui est orné de plantes ocre, aux lourds rhizomes portant des branches feuillues. Et finalement, il advient que l'arrière de ce fauteuil non conventionnel porte une ville dont les maisons sont ocre rouge, les toits noirs, les arbres verts (!) et comme si le peintre ne voulait décidément pas déroger à l'habitude, un petit personnage est assis au pied du village, bleu clair sur bleu foncé. Et le tour est joué ! 

Jeanine RIVAIS 

 

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          Ils sont là, les petits compagnons de Dominique Camfort, toujours seuls, simples visages avec une amorce de torse. Larges fronts ; chevelures absentes sauf pour les dames qui arborent dessus un charmant petit bibi ; oreilles absentes, comme si le visage en gestation devait naître centré sur lui-même, n’avoir pas vocation à "écouter" l’extérieur, ou au contraire, décollées, énormes, carrément perpendiculaires au crâne ; yeux ronds, surmontés de sourcils en accent circonflexe, fixés sur le spectateur.  Et puis, un long nez, filiforme, marqué d'un double trait droit… Et la bouche aux multiples jeux de formes : bée en large O, montrant une solide double rangée de dents, moustache drue parfois, tombante de chaque côté ; pincée, aux commissures tantôt vers le bas, tantôt horizontales ; lèvres lippues boudeuses… ; menton en galoche ou carré, en joli arrondi sur un visage féminin. Tous ces éléments confèrent à ces visages des nuances d’humeurs et de caractères, allant de joies menues à des étonnements peut-être… dubitatives souvent, ou bon enfant... Car il s’agit chaque fois pour Dominique Camfort, avec ces traits rudimentaires, cette grande spontanéité, cette discrétion, cette immutabilité absolue, cette absence radicale d’effets spectaculaires ou fictifs, de rendre perceptibles à l’instant, leurs états psychologiques.

          Est-ce l’instinct grégaire qui les place ainsi ? Sont-ils, néanmoins, si égocentriques qu’aucune place n’est dévolue à d’autres, dans leur cadre ? Sont-ils de purs esprits, que nulle connotation sociale, géographique, temporelle, ne permette de les situer, d’imaginer pour eux la moindre vie hors de ce cadre ; ni entre eux la moindre relation ? Ont-ils le sentiment d’être universels ? Sont-ils, en somme, les mille facettes subjectives d’un unique individu qui serait, pourquoi pas, leur géniteur Dominique Campfort et ses protéiformes (mais combien "similaires") alter ego ? 

 

          Quand il devient peintre animalier, Dominique Camfort semble faire ressortir toute sa tendresse, d'autant qu'il choisit des animaux familiers, son préféré semblant être le cheval ou le chien ; encore que, s'agit-il bien d'un chien, puisque le titre indique "Mouton le Renard" ? Qui, de ses yeux ronds, examine un ver ou une chenille à ses pieds. Quand il s'agit du cheval, il est parfois réaliste, d'autres fois, fantasmatique. Il a toujours ses quatre pattes bien raides et ses deux grandes oreilles. Son cavalier semble chevaucher en amazone, car aucune jambe n'apparaît côté visiteur ! Par contre, les rênes sont absentes. Ces tableaux animaliers sont plus colorés que les humains. Mais avec des couleurs douces, sans jamais aucune nuance qui choquerait l'œil. 

 

        Quelle que soit la formulation, personnage ou animal, Dominique Camfort joint à un talent inné, une véritable science de la représentation. Et finalement, même si sa façon de traiter ses sujets est très variée, sa manière de peindre est toujours la même : jamais de couleurs franches, mais un mélange harmonieux de nuances ; une façon non pas de caresser la toile avec le pinceau, de glisser côte à côte des traces plus ou moins larges ; mais de la tamponner en écrasant la peinture à petites touches. Une technique ancienne, naïve, ramenant au temps où les peintres n'hésitaient pas à rester de longs moments sur un infime espace ; à passer, repasser de multiples épaisseurs, les unes faisant vibrer les autres ; générant des plages très lumineuses ou sombres ; douces toujours… Une continuité, un mouvement progressif, un long travail de gestation à la fois des individus et du tableau ; où se sent la complicité entre le "faire" et le "dit" ; entre la main et le cœur de l'artiste.

 

          Finalement, très concentré sur sa création, artiste authentique, Dominique Camfort va son chemin, affirmant d’autant plus son originalité qu’il n’a jamais essayé d’investir l’espace en scènes narratives ; mais seulement (ce mot n’ayant rien d’esthétiquement limitatif) avec ses créatures posées là, porteuses d’un potentiel de “vie” puissant ! Par voie de conséquence, chaque peinture suscite une émotion si prégnante que le spectateur n’a plus qu’à créer sa propre histoire à partir de l’évidence tellement incontournable qui lui est proposée !

Jeanine RIVAIS 

 

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          Lorsque le visiteur voit de loin les œuvres de Maguy Latouche, il a l'impression d'un embrouillamini de fins traits noirs passant devant des ectoplasmes violemment colorés de rouges écarlates, de bleus inattendus, d'infimes touches de vert et beaucoup de violet ; où ils cohabitent, s’entrelacent et se chevauchent sans jamais laisser le moindre espace vide. Il en conclut que ces compositions, par leur caractère singulier, lui donnent définitivement le sentiment d’un baroquisme exacerbé, d’une véritable obsession de ne laisser le moindre souffle se glisser dans cette osmose si absolue ! Il lui faut donc en s'approchant, un second temps pour s'adapter à ces mains qui s'érigent en tous sens, ces petites boules colorées, ces petits carrés, ces bâtons, ces infimes têtes, etc. 

          D'où sa profonde surprise, lorsque piqué devant les œuvres, il se trouve face à un monde parfaitement ordonnancé.  Un monde vivant, qui plus est, les taches lointaines prenant forme, devenant humanoïdes, sans qu'apparemment l'artiste ait l'envie de les rendre réalistes. Et il se demande ce que peut bien penser Maguy Latouche lorsqu'elle  crée ces peintures, racontant peut-être de petits épisodes de sa vie ; narrant à sa façon des contes inventés ou revisités au gré de sa fantaisie ; des historiettes très colorées, faisant s'observer deux têtes face à face, proches du bécot ; cette femme plantureuse en bigoudis, au visage énorme, yeux outrageusement maquillés, lèvres violettes démesurément lippues, offrant sa corbeille de fleurs à un personnage à lunettes d'aviateur penché au-dessus pour les respirer ; plantant son Monsieur Loyal dans son amorce d'uniforme et son nœud papillon, son immense nez violet , des éléments du chapiteau au-dessus de sa tête… En proposant d’autres dans des attitudes tout à fait incongrues, comme ces deux personnages seuls, façon BD, dont l'un a un pif impossible et des cheveux sévèrement bouclés, et l'autre n'en a pas ! Et les groupes serrés dont il est chimérique de vouloir préciser les actions, sauf qu'ils regardent tous le visiteur, comme s'il était pour eux un intrus. Une manière bien à elle d'occuper l'espace au maximum, tout en restant harmonieusement structurée... 

        Ces œuvres pourraient résumer la démarche de la peintre qui, sans en avoir l’air, oblige l’observateur à une double "lecture" de ses fantasmes : l’apparence immédiate, et ce qu’il "faut mériter" pour entrer de plain-pied dans son monde à la fois ludique et onirique. 

  Fausse naïveté, également, dans la façon de peindre de cette artiste. Autodidacte, elle semble, à la façon des artistes de l’Art brut, exécuter de rudimentaires personnages ; placer sans intention ici ou là une fleur, un nuage ou des yeux symboliques… Mais les fonds sont très élaborés ; mille petites touches noires se conjuguent pour rompre la monotonie d'un jaune ; les cils de tous les yeux sont démesurément longs ; les ongles sont peints…  Bref, chaque tableau est finalement très sophistiqué et parfaitement équilibré. 

Une œuvre épanouie, en somme, dans laquelle l’artiste emmène le visiteur vers son univers d’amour et d’humour ; au gré de ses fantaisies lyriques et un peu naïves ; de son monde fantasmatique.

          Le tout, comme le lui a imposé sa première impression, en des couleurs vives et spécifiques ; qui montrent à quel point Maguy Latouche est une excellente coloriste. Car il n’y a jamais aucun hiatus dans ses associations de couleurs, et subséquemment, son leitmotiv pourrait être : Colorer, colorer, colorer 

 

          C'est donc bien au chat et à la souris qu'ont joué l'artiste et le visiteur. Elle, voulant l'entraîner vers l'idée qu'elle s'exprime de façon très intime sous des dehors joviaux. Lui, en butte à ses réflexions personnelles estimant certes, que lui "sautent aux yeux" les scènes évoquées ci-dessus, mais que tout de même, ces traits noirs qui s'entrecroisent ne sont pas aussi innocents que le voudrait dire Maguy Latouche. Ses personnages qui, déjà, ne disposent d'aucun espace libre, sont toujours "derrière" les entrelacs. Bien malin qui prétendrait en sortir !  

Jeanine RIVAIS

 

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Labbrigitte était absente. Elle n'avait présenté qu'un petit groupe de cinq œuvres. Quel dommage pour le visiteur de ne voir rien d'elle, si ce n'est ces petits personnages avec leurs gentilles frimousses, leurs grands yeux ronds, leurs cheveux hérissés ! 

Le hasard a voulu qu'en 2011, nous ayons ensemble réalisé un entretien dans le cadre des "Céramiques insolites" de Saint-Galmier. Entretien qui, depuis ce temps, dormait confortablement sur mon site ! 

J'ai donc sélectionné quelques passages pour compenser son absence. A lire ci-dessous.

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   Jeanine Rivais : Labbrigitte, je voudrais que nous parlions de votre nom qui me semble bien étrange.

      Labbrigitte : Mon nom est Brigitte Lab. Un jour, lors d'une expo que je préparais pour mes cinquante ans, je me suis trompée, j'avais écrit Lab Bbigitte, j'ai donc voulu corriger et remettre Brigitte. Mais je me suis aperçue que cela faisait 3 B. Alors, j'ai voulu en supprimer un. Il en restait deux. Ajoutons que, étant berrichonne, où les gens mettent toujours un article devant le prénom, en contractant les deux mots, cela devenait "Labbrigitte".

 

     J.R : J'allais suggérer que ce nom apporte une petite connotation de terroir ?

      L. : De terroir, je ne sais pas, mais un petit côté humoristique, un petit accent d'humour, oui !

 

      J. R : Je voulais faire une différence entre plusieurs séries de vos œuvres : celle qui, pour moi, est davantage à la fois dans le sérieux et dans l'humour, c'est la série des têtes. Elles me semblent essentiellement dans "le paraître" : lèvres extrêmement pulpeuses comme si elles se les étaient fait gonfler comme c'est la mode en ce moment ; elles portent des turbans… En même temps, elles sont un peu compliquées, parce qu'on a l'impression que le deuxième turban est en fait une deuxième série d'yeux.

      L. : Il y a toujours des choses qui se cachent dans ce que je fais. Il y a ce que je peux mettre intentionnellement ; et ce que je découvre après coup. Et il y a ce que je ne sais pas que je fais ; que des gens découvrent pour moi. Et c'est ce qui m'intéresse : ce que les gens y voient, et pas forcément ce que j'y ai mis.

Dans cette série, ce sont les bouches et les yeux qu'il m'intéressait de travailler. Il faut qu'il y ait beaucoup de couleur ! Je n'ai pas forcément pensé à faire des bouches pulpeuses, j'ai fait des jolies bouches.

 

     J. R : Néanmoins, elles le sont. A ceci près, qu'elles ont les commissures tombantes, ce qui suggérerait qu'elles sont dans un état d'esprit plutôt triste ?

    L. : La joie peut souvent cacher la tristesse. Et le bonheur, ce ne sont aussi que des instants. Les deux sont souvent entremêlés. Mais mon intention est tout de même que cela fasse du bien.

 

   J.R : Toutes ces œuvres-là sont très colorées. Quelle terre utilisez-vous ?

    L. : Je travaille le grès. A haute température. Certaines œuvres sont couvertes d'émail, je fais une base blanche dans laquelle je mets ensuite des colorants. Et, pour la première fois, certaines sculptures avaient été cuites au bois, (parce que j'ai démarré au bois) ; mais je les ai retravaillées avec un pigment et un vernis. C'est la première fois que je procède de cette façon.

 

 

     J.R : Si je vous demandais de définir votre démarche, que répondriez-vous ?

     L. : Que j'ai besoin de la couleur, besoin d'humour, que j'ai surtout besoin que cela fasse du bien. Quand les gens regardent, et que je les vois sourire, je me dis que j'ai gagné.

Je passe beaucoup de temps sur chaque œuvre, alors mon idée principale est "faire et laisser dire", mais c'est plus facile à dire qu'à faire !

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Les lecteurs qui souhaiteraient lire l'entretien en entier, pourront le trouver à l'adresse suivante : 

http://jeaninerivais.jimdo.com/ Rubrique Festivals Céramiques insolites 2011

 

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          Petite fille, Swanne peignait au jour le jour son vécu, avec une passion qui laissait supposer que plus tard, cette passion deviendrait de façon bien sûr plus élaborée, une expression d'adulte. D'autant que "Nul ne guérit de son enfance", comme l'écrivait Boris Cyrulnik, comme le chantait Jean Ferrat, et que ce sentiment de garder en elle l'enfance, semble un trait de pensée de cette artiste. Mais des rencontres, des amitiés, lui ont fait connaître la terre. Des études ont changé son esprit, l'ont rapprochée de l'humain. Et désormais, après des périodes où elle abordait plusieurs formes de créations, elle s'exprime par ses multiples femmes dont les expressions confirment qu'elles ont mûri.

          La terre dont elle fait ses beaux jours, est une argile d'Anjou, l'argile du Fuilet, une belle terre ocre rouge dont les argilières ont la réputation d'être un refuge pour de multiples espèces patrimoniales, ce qui ramène psychologiquement l'artiste vers la terre originelle.  Il semble bien, en effet, qu'il se soit agi-là d'un véritable coup de foudre. Désormais, ses "femmes" vont de l'adolescence à l'âge mûr. Mais toutes, quel que soit leur âge, sont statiques, longilignes et ont un visage aux yeux introvertis ; le nez fin, les lèvres tantôt fines, tantôt pulpeuses. L'adolescente, cheveux strictement tirés en arrière, visage impassible, petit collier très simple, seins à peine marqués, robe longue à fines bretelles ; la grande bourgeoise sans doute, drapée dans une somptueuse robe au large col relevé avec un léger décolleté,  un diadème cachant ses cheveux ; ou encore col roide baissé, engonçant le visage surmonté d'une énorme chevelure en lourd chignon, manches longues toutes les deux ; la PDG, robe dégageant les épaules, seins bien marqués, coiffure stricte rejetée vers l'arrière, robe unie, sans fioritures ; l'intellectuelle à la jupe large, lisant un manuscrit, veste très couvrante, chapeau cachant les oreilles orné de boules et de rubans ; l'ethnologue peut-être en tout cas la collectionneuse de masques africains, long cou et coiffure afro ; et la mère serrant si fort son bébé contre elle qu'il est intégré à la robe et que seul son petit crâne est visible… 

Toutes ces femmes -car apparemment, elles sont seules à entrer dans l'orbe créatrice de Swanne-, sont donc vêtues simplement ou luxueusement, par l'application de riches papiers préimprimés et de résines époxy qui en assurent le côté éclatant : une robe brillante, donc, sur un corps mat. 

 

Ainsi, Swanne aborde-t-elle dans sa galerie de portraits, toutes les classes sociales, et les signes féminins. Alors, pourquoi le rapport au portrait la fascine-t-il tellement (et d'ailleurs tant d'artistes avec elle) ?  Peut-être parce qu'en la renvoyant à l'"autre", il la renvoie à elle-même ?  Parce qu'il renferme, en une motte de terre à laquelle elle donne vie, réminiscences et images poétiques d'un passé plus ou moins lointain ? Qu'il oblige la sculptrice à se confronter à tout ce qui est intime et dormant en elle ? Qui sait ? 

Jeanine RIVAIS

 

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          Les personnages de Michèle Besson ne sont jamais seuls. Et l'espace où se déroulent ses scènes n'est jamais défini. Inutile, d'ailleurs, puisque ses personnages et leur entourage occupent toute la place ! Ils sont là, côte à côte, statiques, nulle connotation sociale, géographique, temporelle… ne permettant de les situer, d’imaginer pour eux la moindre vie hors de ce cadre.

          Lorsqu'elle dessine ses groupes, il est difficile de dire s'il s'agit d'hommes jeunes ou vieux, sauf lorsque ce qui est peut-être de l'acné (?) leur poncture le visage ou que leurs cheveux en brosse, bas du crâne dégarni suggèrent qu'ils sont jeunes et à la mode ; Par contre, aucun doute n'est possible lorsqu'un enfant est dessiné dans le ventre de ce qui est forcément une femme ! Et puis, tous les tableaux sont construits sur une même idée : tous les personnages sont de même stature. Est-ce alors une façon pour Michèle Besson de refuser de hiérarchiser le groupe, d'où émane chaque fois une grande convivialité ? Et pourtant, les protagonistes ne se regardent pas, ils regardent le visiteur en off, l'air de se demander qui est cet intrus ; l'amenant ainsi à les observer en retour et s'interroger sur leur vie ! Statiques, donc, mais à l'évidence, ce qui intéresse l'artiste, ce n’est pas l’action qui se déroulerait dans cet espace, mais plutôt l’ambiance paisible qui s’en dégage. Elle nous présente un univers familier et clos, dans lequel règne une impression de calme et de silence. 

          De même taille, certes, mais il arrive, lorsque Michèle Besson les enferme dans un rectangle, qu'une autre hiérarchie, plutôt psychologique, voire impliquant le quotidien, apparaisse : la mère devant, puis le père en décalage et derrière, l'enfant. Mais pour compenser peut-être leur enfermement, ou pour le justifier qui sait, elle entoure son rectangle d'une multitude de menus objets indéfinissables, et surtout d'une multitude de gens debout, couchés… semblant faire le cercle autour d'eux ! Pas de hiérarchie encore ? Pourtant si, et même si le lieu est entouré de fleurs, un "personnage" immense (la hauteur du tableau) regarde, roulant de gros yeux et la bouche grande ouverte (est-il en train de crier ?) les autochtones à ses pieds et domine une foule de gens au visage fermé, voire vides, qui stationnent autour d'une table sur laquelle gît un personnage couché : Michèle Besson a-t-elle été témoin de quelque deuil ?  Et pour insister, semble-t-il sur le sens grave qu'elle entend donner à cette œuvre, le marqueur s'est fait très fin et elle a réalisé cette scène en un monochrome de gris. Et voilà soudain, une simple peinture narrative devenue une Vanité ! Semblable scénario pour l'autre œuvre de même couleur rouge, sauf que l'artiste semble avoir été si bouleversée que le rectangle est vertical et les occupants si denses qu'il est impossible de les identifier. Pas de hiérarchie enfin ? Ce personnage cornu qui se croit plus grand que sa HLM et regarde le visiteur d'un air goguenard, ne vient-il pas de houspiller son voisin, ce bonhomme au gros ventre qui baisse la tête d'un air contrit ? 

 

          En somme, voulant rendre compte de vies qu'elle a peut-être partagées, Michèle Besson privilégie sans romantisme et sans idéalisme, les vraies histoires, les vrais sentiments et les vrais environnements qu'elle dessine avec objectivité. Mais se veut-elle vraiment réaliste ? Aucune brutalité ni rigueur, rien de cru dans ses dessins. Subséquemment, le tout forme une œuvre d'une facture simple et épurée. Avec une palette colorée limitée, elle compose ses mises en scène variées et créatives. L'emploi de couleurs douces lui permet de dédramatiser les scènes qui, autrement, seraient dures ; de rendre chaleureuses celles qu'elle veut plus intimistes : rouge lie de vin, discret jaune orangé, et gis comme il est déjà dit ! 

         Ces scènes sont des œuvres de proximité, et le visiteur imagine bien Michèle Besson penchée sur sa toile, s'attachant aux détails, aux jeux d'ombres et de lumière, légèrement mélancolique, nostalgique peut-être, sentiments à la fois nés de son imaginaire, de ses souvenirs, et de la réalité qu'elle aurait partagée. Proposant avec talent au visiteur un travail curieux et intéressant. 

Jeanine RIVAIS

 

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          Quelle bonne fée géométricienne s'est-elle penchée sur le berceau de Patrice Lebreton, pour que toutes ses œuvres ne soient que carrés et rectangles, cubes et mystérieux paquets joliment ficelés ? En effet, lorsqu'il ne recrée pas un paysage, collectant in situ les éléments qui lui permettront de lui donner un nouvel équilibre de son cru, il travaille à la fois le grès, ou la porcelaine avec des émaux de sa composition et cuit ses sculptures au raku. 

       Ou bien, qu'est-ce qui, dans son éducation, a pu l'amener à réaliser des compositions aussi rigoureuses que celles qu'il propose aujourd'hui ?

           Ou bien encore, un besoin inconscient d'ordonnancer ses fantaisies l'a-t-il amené à ses surfaces couvertes de rangées de petits ronds, de petits carrés, de petits bâtons, placés côte à côte, tellement drus que pas un trait vertical ou horizontal ne pourrait s'y glisser !

Surpris, le visiteur "parcourt" des yeux des rangées de petits rectangles monochromes tantôt orientés horizontalement, tantôt verticalement ! Mais une vérité apparaît alors, c'est que Patrice Lebreton a un sens inné de la couleur, l’art d’apposer toujours des couleurs neutres, créant des œuvres monochromes. Créant avec la terre qui plus est, or voilà pourtant un travail difficile ! 

 

           A ce stade, chacun peut sentir que l'artiste est en parfaite concordance avec ce petit morceau de chaos bien ordonné dans lequel il a installé sa vie. Mais soit que sa propre faculté mentale éprouve le besoin de concrétiser des formes abstraites, soit que son subconscient prenne le pas sur son intelligence et sa créativité, apparaissent aussi des œuvres mêlant les rectangles sombres à des cylindres blancs ; ou un peu aérées, posées avec toute leur légèreté sur la toile… Et même si chaque petit groupe est cerné d'un rectangle noir, il semble pourtant que ces ébauches suggèrent une libération de l'esprit de Patrice Lebreton ; et, vu leur répétitivité, qu’elles interviennent un peu à part dans son cheminement de sculpteur. 

         Et le visiteur suppose alors que l'artiste a la suprême sensation d’avoir, par cet acte créatif, non pas exécuté un travail quotidien, mais embelli son existence, et mené à son accomplissement dans l'originalité de chaque œuvre, une petite parcelle de la quête cosmique qu'il recherchait ! Et il peut souffler, lui qui s'étonnait de ne voir dans les œuvres aucune trace de vie, aucun espace de repos, nul émerveillement possiblement venu de l'extérieur, de constater l’harmonie qui existe spontanément entre les différents éléments posés côte à côte. Les œuvres de Patrice Lebreton sont résolument obsessionnelles, figuratives à leur manière, libres de tout esthétisme, de tout concept, émergées de la Figuration libre voire libérée. 

Jeanine RIVAIS